Jean Climaque

L’Échelle sainte - extraits sur la tentation

La tentation
samedi 2 décembre 2006.
 

4. Remarquons que souvent les démons, après que nous avons renoncé aux choses du siècle, cherchent à nous faire croire que ceux-là seuls, sont heureux, qui, dans le monde, sont dans le cas de faire du bien aux indigents, et que nous sommes malheureux dans la vie religieuse, parce que nous n’avons pas cette facilité. Or ce que les ennemis de notre salut se proposent dans cette tentation, c’est de nous engager à rentrer dans le siècle, ou de nous jeter dans le désespoir si nous persévérons à vivre dans la retraite. 61 L’Échelle Sainte : DEUXIÈME DEGRÉ

10. Évitez les occasions de faire des chutes et des péchés, avec au moins autant de soin que vous éviteriez une peine et un supplice graves qu’on voudrait vous infliger. Les fruits qu’on ne voit pas, n’exposent pas à la tentation et au désir d’en manger, comme ceux que l’on voit. 94 L’Échelle Sainte : TROISIÈME DEGRÉ

30. Quand les démons, ou même les hommes, nous donnent des louanges sur notre retraite comme d’une action forte et généreuse, c’est afin de nous en faire concevoir un sentiment d’orgueil. Chassons promptement cette tentation, en pensant que pour l’amour de nous et à cause de notre salut, le Fils de Dieu a bien daigné quitter les splendeurs éternelles de sa Gloire et venir habiter humblement sur la terre ; et nous connaîtrons que, quand nous vivrions une éternité, nous ne serions pas capables de rien faire de semblable pour Lui témoigner notre reconnaissance. 114 L’Échelle Sainte : TROISIÈME DEGRÉ

7. Que cette considération nous fasse comprendre combien il nous est nécessaire, pour avoir en nos directeurs une confiance parfaite et constante, de graver si profondément dans nos esprits et dans nos coeurs, les bonnes oeuvres et les vertus que nous leur voyons pratiquer ; que rien ne soit capable de les effacer de notre mémoire, et que, lorsque les démons chercheraient à nous porter à nous défier des lumières et de la sagesse des directeurs qui nous conduisent, nous repoussions victorieusement cette tentation par le souvenir de leurs bonnes et saintes actions. Car nous ne pouvons révoquer en doute que nous nous portons à faire ce qui nous est ordonné, avec d’autant plus de zèle et de promptitude, que nous avons plus de confiance en celui qui est à notre tête. Aussi pouvons-nous assurer que ceux qui manquent de confiance en leurs directeurs, sont bien près de tomber, si déjà ils ne sont pas tombés, puisque "tout ce qui ne vient pas de la confiance est péché." (Rom 14,23). 147 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

8. Si donc il vous vient quelques pensées de juger et de condamner votre directeur, rejetez-les avec autant d’horreur que vous devez rejeter la pensée de faire une action déshonnête avec une vierge. Cette tentation est une vipère de l’enfer, à laquelle vous devez fermer toute entrée, toute ouverture, et refuser toute place dans votre coeur. Dites avec un saint orgueil, à ce dragon : "Sache, infâme imposteur, que je n’ignore pas que ce n’est pas moi qui ai reçu le pouvoir de juger les actions de mon père spirituel, et que je sais parfaitement que c’est lui qui a le droit incontestable de juger les miennes." 148 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

Mais, lorsque nous confessons nos péchés, prenons-y garde, et défions-nous d’une tentation bien funeste : les démons alors redoublent leurs efforts pour nous porter à ne pas faire une confession entière et sincère, ou bien à ne nous confesser que sous un nom étranger, enfin à rejeter nos fautes sur les autres, comme en ayant été la cause ou l’occasion. 255 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

76. Ainsi il est vrai de dire que lorsque nous avons eu le malheur de tomber dans quelque faute, les démons, pour profiter de notre chute et achever notre perte éternelle, nous suggèrent et nous inspirent fortement le désir et le dessein de nous retirer dans la solitude. Mais n’est-il pas évident que par cette tentation, s’ils pouvaient nous y faire succomber, ces ennemis de notre salut voudraient ajouter blessure sur blessure, et nous perdre éternellement. 263 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

119. Cependant il ne faut nullement penser ici que le démon, notre cruel ennemi, agisse jamais d’une manière contraire à la volonté qu’il a de nous faire du mal ; et vous devez être convaincu de cette vérité, par l’exemple de ceux qui, après avoir vécu quelque temps dans une cellule, ou dans un monastère, avec douceur et patience, sont ensuite tombés dans le relâchement. Si donc nous éprouvons en nous le désir de quitter un monastère pour passer dans un autre nous devons, afin de connaître ce que Dieu demande de nous, examiner sérieusement s’il ne Lui serait point agréable que nous demeurions dans le lieu où nous sommes ; car il me semble que c’est une tentation que nous avons à combattre ; étant donc ainsi attaqués par le démon, nous devons nous défendre. 309 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

Ces moines ne donnant aucune suite à cette réponse, ni à la raison qu’il alléguait, le prièrent avec, instance de les recevoir au nombre de ses disciples : tant était grande l’idée qu’ils avaient de sa vertu ! Mais, comme ils virent que rien ne pouvait le fléchir ni le gagner, ils se précipitèrent tous à ses pieds, et le conjurèrent avec instance de leur donner au moins quelques règles salutaires de conduite et de leur dire de quelle manière et dans quel lieu ils devaient passer le reste de leur vie. Cédant alors à leurs voeux ardents, et sachant d’ailleurs qu’ils recevraient ses avis avec soumission et humilité, ce saint vieillard dit à l’un d’eux : "Mon fils, il est agréable au Seigneur que vous viviez dans la solitude, sous la direction d’un père spirituel." Puis s’adressant au second : "Pour vous, lui dit-il, allez et consacrez au Seigneur votre volonté, sans vous en rien réserver, chargez-vous de la croix qu’il vous a destinée ; vivez dans un monastère, au milieu de la société des frères, et vous aurez indubitablement un trésor dans le ciel." Enfin il dit au troisième : "Quant à vous, il faut qu’il n’y ait pas un instant dans votre vie, où vous ne pensiez à cette sentence de notre Seigneur : Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé (Mt 10.22) ; allez donc, et faites en sorte que parmi tous les hommes il n’y en ait point qui soient plus sévères ni plus pénibles que celui que vous prendrez pour maître et pour conducteur dans la vie religieuse ; ne vous séparez jamais de lui, et chaque jour avalez, comme du lait et du miel, les mépris et les humiliations par lesquelles il vous fera passer." À ces paroles, un frère répartit à ce grand homme : Mais si ce père spirituel vivait dans la paresse et la négligence, que faudrait-il faire ? - "Quand même vous le verriez, lui répondit-il, tomber dans quelque faute qui vous ferait horreur, demeurez avec lui et contentez- vous de vous dire à vous-même : Mon ami, qu’es-tu venu faire ici ? Alors triomphant de la tentation, vous sentirez toute l’enflure de l’orgueil tomber et s’évanouir, et le feu de la concupiscence diminuer et s’éteindre," 320 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

28. Le démon a ordinairement l’habitude d’employer tous ses efforts, toute son occupation, tous ses soins, tous ses diriger tous ses projets et ses desseins de manière à faire tomber les anachorètes dans des crimes qui sont en dehors et contraires à ce que la nature semble demander. C’est pour venir à bout de son dessein que souvent il les a laissés vivre au milieu des femmes, sans leur inspirer ni mauvaises pensées ni mauvais désirs ; mais les malheureux se sont laissés prendre à cet artifice, ils se sont crus heureux et tranquilles dans cet état de choses, et n’ont pas voulu comprendre que, où le danger est assez grand et funeste par lui-même, il n’y a pas besoin d’un autre moyen ni d’une autre tentation pour les perdre. 781 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

41. Dans une tentation, j’ai éprouvé moi-même les ruses du démon : ce loup cruel et trompeur me procura, par un dessein perfide, une joie et une allégresse déraisonnables, des consolations sans fondement, et des larmes pleines de fausses délices ; et moi, simple, crédule et sans expérience, je croyais que toutes ces choses si flatteuses et si agréables étaient des dons du ciel, tandis que tout cela n’était qu’un piège que me tendait le démon pour me faire tomber. 794 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

64. Vous tous qui avez résolu de garder la chasteté et à être fidèles à cette vertu céleste, écoutez-moi, je vous prie, et remarquez avec moi un nouveau genre de malice de la part du cruel et impitoyable séducteur de nos âmes : veillez surtout avec grand soin pour ne pas en devenir les tristes victimes. Un serviteur de Dieu, qui en était instruit par sa propre expérience, m’a raconté que souvent le démon de l’impureté se retire de nous jusqu’au temps qu’il a fixé pour être le plus propre et le plus convenable à la tentation dans laquelle il veut nous faire tomber ; que pendant cet intervalle il excite dans le malheureux qu’il veut précipiter dans le péché, les plus beaux et les plus pieux sentiments de dévotion, et qu’il lui ouvre une source abondante de larmes dans le temps même qu’il se trouve dans la compagnie des personnes du sexe, qu’alors il inspire à cet imprudent de leur parler avec zèle de la mort et du jugement, de la tempérance et de la chasteté, et de les exhorter à faire des méditations fréquentes sur les vérités importantes du salut et à pratiquer avec une inviolable fidélité les vertus si belles et si nécessaires que commande la religion. Trompées par ces discours et par ces apparences de piété, ces pauvres personnes courent, comme après un véritable pasteur, à la suite de ce moine, qui, par les ruses du démon et sans que lui-même s’en soit presque aperçu, est devenu un loup sanguinaire et dévorant. Mais que va-t-il arriver ? Hélas ! par la familiarité que peu à peu elles prennent, et par la liberté qu’elles ont de s’entretenir avec lui, elles finissent par se précipiter elles-mêmes et, avec elles, ce malheureux dans l’abîme profond du péché, et par consommer sa perte. 819 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

81. Aussi conseillons-nous à ceux qui ne savent pas encore prier mentalement, de mortifier leurs corps pendant leurs prières vocales, soit en étendant les bras, soit en se frappant la poitrine, soit en élevant affectueusement et souvent leurs yeux vers le ciel, soit en poussant des soupirs et des gémissements, soit en se tenant à genou : toutes ces mortifications et ces moyens pieux leur procureront de grands avantages. Mais s’il arrive que par la présence de quelque personne, on ne puisse pas se servir de ces pratiques de piété, le démon profite de cette occasion pour nous attaquer, et il n’est pas rare qu’on ne tienne pas ferme contre la tentation ; de sorte que par défaut de courage, ou faute de ferveur dans la prière, on chancelle et l’on succombe. 840 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

34. Prenez donc bien garde d’ajouter foi aux insinuations perfides du démon ; car c’est un trompeur rusé, et un insigne enchanteur. Il ne remarquera pas de vous persuader que vous devez faire connaître aux autres les excellentes qualités et les bonnes dispositions de votre coeur pour la vertu, et de les publier, afin de les édifier et de procurer par ce moyen le salut à plusieurs. Dans cette tentation si délicate, ne perdez pas de vue ces paroles de lÕévangile : "Que servira-t-il à un homme d’avoir gagé l’univers entier, s’il vient lui-même à perdre son âme ?" (Mt 16,26) Rien ne porte davantage et plus efficacement à la piété que l’humilité et la simplicité de nos actions ; car ces vertus sont elles-mêmes une leçon solide et frappante qui fait assez connaître aux autres combien il est funeste de se laisser emporter par l’orgueil ; et je ne sais pas s’il serait possible de trouver quelqu’autre chose qui fût plus avantageuse et plus salutaire. 1004 L’Échelle Sainte : VINGT-UNIÈME DEGRÉ

41. Lorsque malheureusement, nous est arrivé de courir après la vaine gloire, ou de la recevoir sans l’avoir recherchée, ou que, pour la mériter, nous sommes tentés de faire certaines démarches et certaines choses, rappelons promptement à notre esprit la pensée de la pénitence que nous avons à faire, et dans le secret de notre prière représentons-nous fortement la crainte et la frayeur dont nous serions frappés, si nous étions devant le tribunal redoutable du Seigneur : cette arme nous servira beaucoup pour résister à la tentation. Que la ferveur d’une prière sincère est puissante dans ces circonstances ! Mais si ces grands moyens n’étaient pas suffisants, nous recourrions à la pensée de la mort et de nos autres fins dernières. Enfin si tous ces moyens successivement employés étaient encore impuissants, représentons vivement l’ignominie éternelle et immense qui sera le juste châtiment de la vaine gloire, et traçons sur notre coeur en caractères ineffaçables ces paroles de l’éternelle Vérité : "Il sera humilié, celui qui se sera a élevés" (Lc 14,11 ). Soyons bien convaincus que cette humiliation dont nous sommes menacés, nous punira de notre vanité, non seulement dans la vie future, mais aussi dans la vie présente. 1011 L’Échelle Sainte : VINGT-UNIÈME DEGRÉ

3. Cependant le démon, cet insigne trompeur, ce cruel assassin des âmes, en a porté plusieurs par cette effroyable tentation jusqu’à la folie et à l’extravagance. En effet, et remarquez-le bien, il nÕy a pas de pensée qu’on découvre avec plus de peine et de répugnance que ces pensées blasphématoires. C’est ainsi qu’un grand nombre de personnes les laissent vieillir dans leur coeur. Cependant est-il rien qui puisse donner plus d’empire au démon et plus de force à ces mauvaises pensées pour nuire à notre âme, que de les souffrir et de les tenir cachées en nous ? 1071 L’Échelle Sainte : VINGT-TROISIÈME DEGRÉ

15. Un moine vertueux, ayant été tourmenté par ce démon pendant l’espace de vingt ans, n’avait cessé de mortifier son corps par des veilles longues et continuelles, et par des jeûnes très rigoureux ; mais voyant que toutes ses austérités étaient sans effet contre cette cruelle tentation, il l’écrivit sur un papier, ainsi que les troubles qu’elle lui causait, et le confia, à un saint religieux qu’il connaissait. Arrivé auprès de lui, il se prosterna le visage contre terre, sans oser lever les yeux. Dès que ce saint religieux eut lu ce qui était écrit, y il sourit tout doucement, et, relevant, son cher frère, il lui dit : "Mon fils mettez votre main sur mon cou" ; ce que celui-ci s’empressa de faire. Puis-il ajouta : "Mon frère, je prends, sur moi votre péché, tant pour le temps passé, que pour le temps à venir ; la seule chose que j’exige de vous, c’est de ne plus y penser et de ne plus vous en mettre en peine." 1083 L’Échelle Sainte : VINGT-TROISIÈME DEGRÉ

Or c’est ce bon religieux qui m’a raconté lui-même ce qui lui était arrivé, et il m’assura qu’il n’était pas sorti de la cellule de ce respectable vieillard, que toute sa tentation avait disparu, et que toutes les pensées de blasphème qui l’avaient si longtemps et si cruellement fatigué, s’en allèrent en fumée. Je le répète donc, pour l’instruction de ceux qui se trouveraient dans le même état ; c’est celui-là même à qui le fait est arrivé, qui me l’a raconté avec de grands sentiments de reconnaissance pour Dieu. 1084 L’Échelle Sainte : VINGT-TROISIÈME DEGRÉ

Quiconque est venu à bout de triompher de cette tentation, a vaincu et chassé l’orgueil bien loin de son coeur. 1086 L’Échelle Sainte : VINGT-TROISIÈME DEGRÉ

24. Il y avait un religieux qui faisait tous ses efforts pour acquérir l’humilité ; un jour les démons lui inspirèrent une violente pensée de vaine gloire ; mais ce saint et généreux athlète repoussa victorieusement cette tentation, en se servant d’un pieux stratagème que Dieu lui suggéra. Il se leva tout d’un coup et se mit à écrire sur les murs de sa cellule, les noms des principales et des plus éminentes vertus, telles que la parfaite charité, l’humilité angélique, l’oraison pure et fervente, la chasteté intègre et sans tâche, et quelques autres semblables. Or toutes les fois que les pensées d’orgueil revenaient à la charge pour le porter à ce vice, il leur disait : Allons trouver nos juges ; et il se présentant devant les noms qu’il avait écrits, il se disait tout haut à lui-même : Tant que tu n’auras pas ces vertus en partage, tu dois reconnaître que tu es encore bien loin de Dieu. 1155 L’Échelle Sainte : VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ

63. Hâtons-nous de travailler de toutes nos forces pour arriver à la possession de l’humilité. Que si nous ne pouvons pas parvenir jusqu’à la perfection de cette vertu, efforçons-nous de nous appuyer sur ses épaules ; et si malheureusement il nous arrivait de faire quelque chute et de succomber à quelque tentation, gardons-nous bien de nous séparer de lÕhumilité, tenons-la fortement embrassée ; car je serais grandement étonné que celui qui se séparerait de lÕhumilité, fût capable de recevoir quelque grâce qui pût le conduire au salut éternel. 1194 L’Échelle Sainte : VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ

6. Les démons, dans tous nos exercices de piété, nous tendent des pièges pour nous faire tomber dans trois fosses qu’ils ont eux-mêmes creusées. Ils s’efforcent d’abord de nous détourner de bien faire ; ensuite, s’ils se voient vaincus dans ce premier combat, ils cherchent à corrompre notre cœur par des intentions mauvaises qu’ils nous inspirent, et à nous empêcher de ne nous proposer pour fin que la Gloire de Dieu ; en



Forum