SCIVIAS

Hildegarde de Bingen : Extraits sur la lumière

Livres I et II
jeudi 3 juin 2010.
 
SCIVIAS

Je vis comme une grande montagne couleur de fer, et sur elle quelqu’un était assis, resplendissant d’un tel éclat, que sa lumière offusquait ma vue ; et de chaque côté, le voilant d’une ombre douce, une aile, merveilleuse de largeur et de longueur, s’étendait. Et devant lui, au pied de la montagne, une figure toute pleine d’yeux se tenait, de laquelle je ne pouvais distinguer nulle forme humaine, à cause de la multitude d’yeux ; et devant elle, était une autre figure d’enfant, sombrement vêtue, mais chaussée de blanc, sur la tête de laquelle descendit une telle clarté, rayonnant de celui qui était assis sur la montagne, que je ne pouvais plus regarder sa face. Mais de celui-là même qui était assis sur la montagne, une infinité d’étincelles vivantes s’échappaient, qui enveloppaient ces figures, d’une grande suavité. Dans la même montagne, on distinguait, comme de nombreuses lucarnes, dans lesquelles apparurent comme des têtes d’hommes, les unes sombres, les autres blanches. Et voici que celui qui était assis sur la montagne, s’écriait d’une voix forte et pénétrante, disant : O homme, poussière insaisissable de la poussière de la terre, et cendre de la cendre, crie et parle sur l’origine de l’incorruptible salut, jusqu’à ce que soient édifiés ceux qui connaissant la moelle des Ecritures, ne veulent ni l’annoncer, ni la prêcher, parce qu’ils sont tièdes et languissants, pour la conservation de la justice de Dieu ; à ceux-là découvre-leur la clef des mystères, que, dans leur timidité, ils cèlent sans fruit dans le secret. Dilate-toi dans la fontaine d’abondance, et coule dans une mystique érudition ; afin que ceux qui te méprisent, à cause de la prévarication de la (première) Eve, soient ébranlés par le débordement de ta source. Car, ce n’est pas de l’homme que tu tiens la pénétration de ces mystères, mais tu reçois (ce don) d’en haut, du juge redoutable et suprême, par qui cette clarté brillera d’un éclat incomparable parmi les autres lumières. Lève-toi donc, fais entendre ta voix, et dis les choses qui se sont manifestées par la puissante vertu du secours divin ; parce que celui qui commande avec bonté et puissance à toutes ses créatures, pénètre ceux qui le craignent et qui le servent avec dilection, en esprit d’humilité, de la clarté de sa divine lumière ; et il conduit ceux qui persévèrent dans les voies de la justice, vers les joies de l’éternelle vision.

Ensuite, je vis comme une grande multitude de lampes vivantes qui projetaient une grande clarté, et qui, recevant une lumière embrasée, acquéraient une splendeur sereine. Et voici qu’un lac très large et très profond apparut, dont l’orifice ressemblait à celui d’un puits qui vomissait une fumée de flamme puante, de laquelle aussi une nuée ténébreuse s’exhalant, atteignit à des hauteurs presque

Mais Lucifer qui fut précipité de la gloire du ciel à cause de son orgueil, au commencement de sa création, était si beau et si grand, qu’il ne découvrit aucun défaut dans sa beauté et dans sa force. C’est pourquoi, en contemplant sa grâce, et en considérant en lui-même la vertu de sa force, il rencontra la superbe qui lui promit d’entreprendre ce qu’il voudrait, parce qu’il pourrait accomplir ce qu’il entreprendrait. Et voyant le lieu où il pensait trouver sa place, pour y montrer sa beauté et sa force, il se disait en lui-même : Je veux briller là, comme celui-ci resplendit ici. Ce que ses légions approuvèrent en disant : Ce que tu veux, nous le voulons aussi. Et comme, exalté dans son orgueil, il voulait accomplir ce qu’il avait médité, le zèle du Seigneur se montrant dans tout son éclat, précipita Satan avec toute son armée dans les ténèbres de flammes ; de telle sorte qu’ils changèrent leur splendeur sereine, en la plus épouvantable noirceur. Pourquoi cela ? Parce que si Dieu n’eût pas repoussé leur présomption, il se fût montré injuste ; car il eût favorisé ceux qui voulaient diviser l’intégrité de la divinité ; mais il abattit leur orgueil, et réduisit à néant leur impiété ; comme il bannit de la présence de sa clarté, tous ceux qui veulent s’opposer à lui ; ainsi que le montre mon serviteur Job, lorsqu’il dit : La lumière des impies s’éteindra, (l’enfer) les couvrira de ses ondes, ils auront en partage les tourments de sa colère. Ils seront comme le brin de paille sous la rage du vent, et comme la cendre que le tourbillon disperse .

Mais ce lac si large et si profond qui t’apparaît est l’enfer qui se mesure à l’énormité (l’étendue) des vices et à la grandeur des pertes (des réprouvés) ; son orifice est comme celui d’un puits, et il exhale, avec une odeur fétide une fumée de flamme ; parce que dans sa voracité, voulant engloutir les âmes, il leur montre des délices et des jouissances, mais il les conduit par une déception perverse, à la perversité des tourments, dans un brasier ardent d’où sortent des nuages de fumée noire, exhalant des vapeurs fétides ; parce que ces cruels tourments, sont destinés au démon et à ceux qui le suivent (en s’écartant du souverain bien, sans vouloir le connaître et le comprendre) ; c’est pourquoi ils ont été rejetés de tout bien, non parce qu’ils l’ignorèrent, mais parce que, dans leur orgueil démesuré, ils le méprisèrent. Que signifie cela ? Dans la chute de Satan, ces ténèbres extérieures, qui concentrent toutes les peines, furent créées ; parce que ces esprits malins, au lieu de la gloire qui leur fut préparée, préférèrent la misère des diverses peines ; et à la place de la lumière dont ils jouirent, ils se couvrirent d’épaisses ténèbres. Comment ? Lorsque l’ange superbe se dressa sur lui-même, comme la couleuvre, la prison infernale s’ouvrit ; parce qu’il ne put se faire, que quelqu’un prévalût contre Dieu. Et comme il ne conviendrait pas qu’il y eût deux coeurs dans une poitrine, ainsi dans le ciel, il ne put y avoir deux dieux. Et parce que le démon, avec les siens, satisfit sa présomption superbe, il trouva le lac de perdition préparé pour lui.

Car ni l’homme conçu dans le péché, ni l’ange non revêtu de la chair, ne pouvait soustraire à la puissance de Satan l’homme gisant dans le péché et infirme dans son corps ; seul, celui qui vint (dans le monde) avec un corps sans péché, put le délivrer par sa passion. C’est pourquoi, bien que les hommes soient nés dans le péché, cependant je les réunis pour la vie éternelle et le royaume céleste, lorsqu’ils le recherchent avec fidélité. Car nulle perversité ne peut m’enlever mes élus, comme la Sagesse en rend témoignage lorsqu’elle dit : Les âmes des justes sont entre les mains de Dieu, et le tourment de la mort ne les atteindra pas . Ce qui veut dire : Les âmes de ceux qui suivent le chemin de la justice, sont, avec un tendre dévouement, dans le plan de l’assistance divine ; de telle sorte que, à cause des bonnes oeuvres par lesquelles ils tendent vers le ciel, dans les hauteurs de la justice, les tourments de la damnation ne les briseront pas ; parce que la vraie lumière les garde dans la crainte et l’amour de Dieu.

Comment ? L’esprit doit être éprouvé par l’esprit, la chair par la chair, la terre par l’air, le feu par l’eau, la guerre par la paix, le bien par le mal, la beauté par la difformité, la pauvreté par la richesse, la douceur par l’amertume, la santé par l’infirmité, la longueur par la brièveté, la dureté par la mollesse, la hauteur par la profondeur, la lumière par les ténèbres, la vie par la mort, la joie par la peine, le ciel par la géhenne, les choses terrestres avec les choses terrestres, et les célestes avec les célestes. Ainsi l’homme est éprouvé en toute créature, dans le paradis, sur la terre, dans les enfers ; et il est ensuite placé dans le ciel.

Après cela, je vis une immense sphère ronde et ombreuse, ayant la forme ovale, moins large au sommet, plus ample au milieu, rétrécie à la base ; ayant à sa partie extérieure un cercle de lumière étincelante, et au dessous une enveloppe ténébreuse.

Et dans ce cercle de flamme, était un globe embrasé si grand, que toute la sphère en était illuminée, il avait au dessus de lui, rangées avec ordre, trois étoiles qui retenaient le même globe dans son activité ignée, de peur qu’elle ne tombât peu à peu ; et ce globe s’éleva parfois plus haut, et il lui vint plus de lumière ; de telle sorte qu’il put lancer ses rayons de flamme plus loin ; et puis parfois, il descendit plus bas, et le froid fut plus intense parce qu’il avait retiré sa flamme.

Tandis qu’il faisait entendre son crépitement, le cercle lumineux, et les vents et l’air étaient agités ; de telle sorte que les éclairs prévinrent le grondement lui-même, parce que ce feu ressentait d’abord en lui la commotion qui produisait le tumulte. Mais sur la même enveloppe le ciel était très pur, et n’avait aucun nuage au dessus ; et dans ce ciel aussi, je distinguais un globe de feu ardent d’une certaine grandeur ; et au-dessus de lui, deux étoiles placées ostensiblement, qui retenaient le globe lui-même, pour qu’il n’excédât pas le but de sa course ; et dans le même ciel, beaucoup d’autres sphères lumineuses étaient placées de toutes parts, parmi lesquelles, le même globe se déversant un peu, envoyait par instant sa lumière ; et recourant au premier globe de feu embrasé, pour restaurer sa flamine, l’envoyait de nouveau vers les mêmes sphères.

Mais de ce ciel lui-même sortait, avec impétuosité, un souffle de vent avec ses tourbillons ; qui se répandait sur toute la sphère céleste. Sous ce ciel même, je voyais l’air humide, qui avait au-dessous une (enveloppe blanche) un nuage, qui se répandant de tout côté, étendit cette humidité sur toute la sphère. Et cette humidité s’étant amoncelée, une pluie soudaine tomba avec beaucoup de bruit ; et lorsqu’elle se fut épanchée doucement, une pluie fine tomba avec un léger bruissement. Alors un souffle (de vent) avec ses tourbillons sortit pour se répandre sur toute la sphère. Et au milieu de tous ces éléments, était un globe sablonneux d’une immense étendue, que les mêmes éléments environnaient, de telle sorte, qu’il ne pouvait disparaître ni dans un sens ni dans l’autre. Et tandis que les mêmes éléments avec les divers souffles luttaient ensemble, ils contraignaient le même globe (sablonneux) à se mouvoir un peu par sa force. Et je vis, entre l’Aquilon et l’Orient, (le nord et l’est) comme une grande monagne qui retenait vers l’Aquilon de nombreuses ténèbres, et vers l’Orient beaucoup de lumière ; de telle sorte que cependant la lumière ne pouvait atteindre les ténèbres, et les ténèbres atteindre la lumière.

Sur la partie extérieure, tout autour, se trouve une flamme lumineuse, environnée d’une enveloppe d’ombre. Elle désigne ceux qui étant hors de la foi, sont consumés par le feu de la vengeance de Dieu ; ceux au contraire qui demeurent dans la foi catholique, Dieu les purifie par le feu de sa consolation ; déjouant ainsi les desseins ténébreux de Satan ; comme il fut fait lorsque le démon, créature de Dieu, voulant se révolter contre lui, tomba foudroyé dans la perdition. - Et dans cette flamme le globe d’un feu étincelant d’une grandeur telle, qu’il éclaire toute la sphère, montre, par la splendeur de sa clarté, ce qu’est dans Dieu le Père, son Fils unique ineffable, le soleil de justice embrasé de l’ardente charité, et possédant une gloire si grande, que toute créature est illuminée par la clarté de sa lumière. Il a au-dessus de lui trois étoiles, rangées avec ordre, qui retiennent le globe dans le rayonnement de leur flamme, c.à.d. la Trinité qui assujettit toutes choses à son administration ; elles démontrent que le Fils de Dieu, descendant du ciel sur la terre, délaissant les anges dans les cieux, manifesta même aux hommes qui ont un corps et une âme les choses célestes ; et ceux-ci, le glorifiant du bénéfice de sa lumière, renoncèrent à toute erreur funeste ; lorsqu’il fut magnifié comme étant le véritable Fils de Dieu, incarné dans le sein d’une vierge sans tache ; lorsque l’ange le leur eut annoncé, et que l’homme vivant dans son corps et dans son âme, l’eut reçu avec une joie fidèle.

Le même globe s’élève parfois plus haut, et il lui vient plus de lumière, de telle sorte qu’il étend ses flammes (rayons) plus loin : signifiant que lorsque le temps fut venu, que le Fils unique de Dieu dut s’incarner pour la rédemption et le relèvement du genre humain, par la volonté du Père, le St-Esprit, en la vertu du Père, opéra merveilleusement les suprêmes mystères dans la bienheureuse Vierge ; de telle sorte que, le même Fils de Dieu resplendissant admirablement dans la pudeur virginale, par la virginité féconde, la virginité devint glorieuse, puisque l’incarnation très désirable fut réalisée dans une très illustre Vierge.

Et tu vois entre l’aquilon et l’orient, comme une grande montagne, environnée du côté de l’aquilon de beaucoup de ténèbres, et du côté de l’orient d’une grande lumière : parce que, entre l’impiété diabolique et la divine bonté, apparait la grande chute de l’homme, par l’affreux mensonge de l’esprit malin qui causa aux réprouvés les multiples misères de la damnation ; et, par le salut désirable en faveur des élus, l’abondante félicité de la rédemption ; de telle sorte que, ni cette lumière ne peut aboutir aux ténèbres, ni ces ténèbres à la lumière ; parce que les oeuvres de lumière ne peuvent se mêler aux oeuvres des ténèbres, et les oeuvres des ténèbres ne peuvent monter jusqu’aux oeuvres de lumière ; bien que le démon travaille fréquemment à offusquer ces dernières, par le moyen des hommes mauvais ;

N’observe pas les étoiles et les autres créatures, sur les causes à venir ; n’adore pas le démon, ne l’invoque pas, ne lui demande rien ; parce que si tu veux connaître plus qu’il ne t’importe de savoir, tu seras trompé par l’antique séducteur ; car lorsque le premier homme voulut acquérir plus qu’il ne devait posséder, il fut trompé par Satan, et tomba dans la perdition. - Mais cependant le démon ne connut pas la rédemption de l’homme, où le Fils de Dieu mit à mort la mort même, et brisa les portes de l’enfer. Le démon, en effet, à l’origine, par la femme vainquit l’homme ; mais Dieu à la fin des temps (prédits par les prophètes), écrasa le démon par la femme qui engendra le Fils de Dieu ; et réduisit merveilleusement à néant l’oeuvre diabolique ; comme mon bien aimé Jean en rend témoignage, en disant : Le Fils de Dieu est apparu pour ruiner les oeuvres de Satan . Que signifient ces paroles ? La grande lumière est apparue, pour le salut et la rédemption des hommes. C’est le Fils de Dieu qui a revêtu la misère du corps humain ; mais comme une étoile brillante, qui resplendit dans les ombres nocturnes, il fut ainsi placé sur le pressoir, où le vin, sans aucun ferment, devait être exprimé ; parce que la pierre angulaire même tomba sur le pressoir ; et en exprima un vin si pur qu’il exhala un parfum suave. Car lui-même apparaissant, homme parfait, dans l’humanité, sans effusion de sang vicié (par le péché), écrasa sous le pied de sa milice, la tête de l’antique serpent ; et dissipant tous les traits empoisonnés de son iniquité, pleins de sa fureur et de sa convoitise, il le rendit tout à fait méprisable. C’est pourquoi, quiconque possède la science du St Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avis, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

Et j’arrivai devant un tabernacle bâti sur des bases indestructibles. Et y pénétrant, j’accomplis les oeuvres de lumière, après avoir exercé les oeuvres des ténèbres. Et dans ce tabernacle, au septentrion, je plaçai une colonne de fer non poli, sur laquelle je suspendis çà et là des ailes diverses,qui s’agitaient comme des éventails, et trouvant de la manne, je la mangeai. Mais à l’orient, je construisis un fort de pierres quarrées ; et y allumant du feu, je bus du vin doux mêlé avec la myrrhe. Au midi, je construisis de même une tour, dans laquelle je suspendis des boucliers de couleur rouge ; et aux fenêtres, je plaçai des trompettes d’ivoire. Au milieu de cette tour, je versai du miel duquel je fis un parfum précieux, avec d’autres aromates ; de telle sorte que, son odeur puissante se répandait dans toute l’enceinte du tabernacle. A l’occident je n’édifiai aucune oeuvre, parce que cette partie était tournée vers le siècle. - Mais pendant que j’étais occupée, à ce labeur, mes, ennemis, saisissant leurs carquois, attaquèrent mon tabernacle avec leurs flèches ; et moi, à cause du soin que j’apportais à mon ouvrage, je ne fis aucune attention à leur perfidie ; jusqu’à ce qu’ils eurent criblé de flèches les portes du tabernacle : aucune flèche cependant ne put entamer la porte, ni pénétrer la pierre du tabernacle ; et moi-même, je ne fus nullement blessée. Ce que voyant, ils envoyèrent une grande inondation pour me détruire moi et mon tabernacle ; mais par leur malice, ils n’aboutirent à rien. C’est pourquoi, je me moquais d’eux audacieusement, en disant : L’architecte qui a édifié ce tabernacle est plus savant et plus fort que vous. Ramassez vos flèches et déposez-les, parce qu’elles ne pourront désormais remporter sur moi aucune victoire, selon votre volonté. Voyez quelles blessures elles ont faites ? Moi, avec beaucoup de peine et de labeur, je vous ai livré plusieurs combats, lorsque vous vouliez me mettre à mort. Ce que vous n’avez pu faire, parce que je suis munie d’armes très redoutables : J’ai dirigé vers vous des glaives tranchants, par lesquels je me suis vaillamment défendue contre vos attaques. Retirez-vous donc, retirez-vous, parce qu’à l’avenir, vous ne pourrez plus me posséder !

Ensuite, moi misérable, je vis qu’une autre sphère, brisant ses liens, se retira de sa forme avec des gémissements, et dans les douleurs brisa son siège. Et elle dit : Je sortirai de mon tabernacle ! Mais moi, misérable, pleine de tristesse, où irai-je ? - Par des sentiers terribles et redoutables, vers le tribunal, pour y être jugée. Là, je montrerai les oeuvres que j’ai accomplies dans mon tabernacle ; et je recevrai là ma récompense selon mes mérites. Oh ! quelle crainte ! Oh ! quelle détresse sera la mienne ! Et comme la dissolution s’opérait ainsi : quelques esprits de la lumière et de l’ombre vinrent, qui avaient été ses compagnons et les instigateurs de sa conduite, pendant qu’elle était dans sa demeure (son corps), attendant sa désagrégation afin de l’emmener avec soi, lorsque (la mort) serait venue. Et j’entendis la voix de vie qui disait : qu’elle soit conduite selon ses oeuvres, de tel lieu à tel lieu. Et j’entendis de nouveau une voix qui me disait : La Bienheureuse et ineffable Trinité s’est manifestée au monde, lorsque le Père a envoyé dans le monde son Fils unique, conçu du St-Esprit, et né de la Vierge , afin que les hommes, nés dans beaucoup de conditions différentes, et pris dans les liens du péché, soient conduits par lui (le Christ) dans la voie de la vérité ; de telle sorte que, après avoir brisé leurs fragiles entraves corporelles, apportant avec eux leurs bonnes et saintes oeuvres, ils puissent recueillir les joies du suprême héritage.

Mais l’homme a en lui trois sentiers (manière d’être). Qu’est-ce cela ? L’âme, le corps et le sens ; et c’est par eux que la vie s’exerce. Comment ? L’Ame vivifie le corps et entretient la pensée, le corps attire l’âme et manifeste la pensée (ou le sentiment) ; mais les sens touchent l’âme et flattent le corps. Car l’âme donne la vie au corps, comme le feu fait pénétrer la lumière dans les ténèbres, au moyen de deux forces principales qu’elle possède, l’intelligence et la volonté, qui sont comme ses deux bras ; non que l’âme ait deux bras pour se mouvoir, mais parce qu’elle se manifeste par ces deux forces, comme le soleil par sa splendeur.

Or, le sens (le sentiment) est la faculté à laquelle l’oeuvre des forces intérieures de l’âme adhère ; de telle sorte qu’elles sont connues par lui dans les fruits de chaque oeuvre, et qu’il leur est assujetti , car elles le conduisent à l’oeuvre, et ce n’est pas lui qui leur impose l’action ; parce qu’il est leur ombre, faisant suivant ce qui leur plaît. Mais l’homme extérieur s’éveille d’abord avec le sens, dès le ventre de la mère, avant sa naissance ; les autres facultés de l’âme restant encore cachées. Que signifie cela ? L’aurore annonce la lumière du jour ; ainsi le sens (la sensibilité) de l’homme indique toutes les facultés de l’âme, avec la raison. Et comme la loi et les prophètes sont renfermés dans deux préceptes du Seigneur, ainsi le sens (la sensibilité) de l’homme a son siège dans l’âme et dans ses facultés. Que signifie cela ? La loi est établie pour le salut de l’homme, et les prophètes manifestent les secrets divins ; ainsi, la sensibilité de l’homme détourne de lui tout ce qui est nuisible, et découvre l’intérieur de l’âme. Car l’âme vivifie le sens. Comment ? Elle anime la face de l’homme et le dote du regard, de l’ouïe, du goût, de l’odorat et du toucher, de telle sorte que l’homme ému dans sa sensibilité, est plus vigilant en toutes choses ; puisque le sens est le signe de toutes les facultés de l’âme, comme le corps est le vase de l’âme. Comment ? Le sens est l’aboutissant de toutes les forces de l’âme. Que signifie cela ? On connait l’homme par sa face, il voit par ses yeux, il entend par ses oreilles, la bouche est l’organe de sa parole, les mains sont l’organe du toucher, et par les pieds il marche ; ainsi, les sens sont dans l’homme, comme des pierres précieuses et comme un riche trésor scellé dans un vase. Et de même que l’on voit le vase avant de connaître le trésor qu’il renferme, ainsi par le sens, on devine les autres facultés de l’âme. Mais l’âme est la maîtresse, la chair est la servante. Comment ? L’âme régit tout le corps en le vivifiant, et le corps reçoit le gouvernement de celle qui le vivifie ; parce que si l’âme ne vivifiait pas le corps, celui-ci tomberait en dissolution. Et, quand l’homme accomplit le mal, avec la connaissance de l’âme, celle-ci en éprouve la même amertume, que lorsque le corps reçoit sciemment le poison. L’âme se réjouit d’une bonne oeuvre, comme le corps se délecte d’une nourriture délicate. Et l’âme pénètre dans le corps, comme la sève dans l’arbre. Que signifie cela ? Par la sève l’arbre est verdoyant, il produit des fleurs et des fruits, de même le corps par l’âme. De quelle manière le fruit de l’arbre parvient-il à sa maturité ? Par la température de l’air. Comment ? Le soleil le réchauffe, la pluie l’arrose, et ainsi il mûrit à la température de l’air. Que signifie cela ? La miséricorde de la grâce de Dieu illumine l’homme, comme le soleil ; l’inspiration du Saint Esprit l’arrose, comme une pluie bienfaisante ; et le discernement, comme une douce température, le conduit à la perfection des oeuvres bonnes et fructueuses.

Alors, elle connaît les mérites de ses oeuvres, selon la justice de Dieu ; comme elle le montre plus haut dans sa plainte. C’est pourquoi lorsque la dissolution s’opère ainsi, surviennent certains esprits de lumière et de ténèbres, qui ont été ses compagnons de vie, suivant sa manière d’être ; parce que dans cette séparation, lorsque l’âme de l’homme abandonne sa demeure, les esprits angéliques bons et mauvais, selon l’ordre juste et véritable de Dieu, se trouvent présents après avoir été les spectateurs de ses oeuvres et de la manière dont elle les accomplit avec le corps, et ils attendent sa séparation, afin de l’emmener avec eux, lorsqu’elle sera faite ; parce qu’eux aussi attendent la sentence du juste juge sur cette âme, au moment de sa séparation d’avec le corps ; afin que, délivrée du corps, ils la conduisent, où le juge suprême voudra, selon les mérites de ses oeuvres, comme il a été indiqué fidèlement.

Alors aussi, il lui enjoint d’avoir égard à sa santé, en lui disant : Fais en sorte de continuer cette médecine avec soin et persévérance, sans te dégoûter, parce que tes blessures sont graves. - Il y en a beaucoup qui entreprennent, avec difficulté, la pénitence de leurs péchés ; et bien qu’à grand peine, ils l’accomplissent cependant par crainte de la mort. Mais je leur tends la main, et je convertis en douceur cette amertume, de telle sorte que, pour mon amour, ils accomplissent avec calme cette pénitence entreprise avec difficulté. Mais celui qui néglige de faire pénitence de ses péchés, parce qu’il lui est difficile de châtier son corps, est misérable ; car il ne veut pas regarder en soi-même, et chercher un médecin, ni guérir ses blessures ; mais il cache la pire sanie, et déguise, par de faux semblants, la mort, de peur d’être vu. C’est pourquoi il est lâche, pour expérimenter la pénitence, sans considérer l’huile de la miséricorde, ni rechercher les consolations qui découlent de la rédemption ; il s’avance à grands pas vers la mort, parce qu’il l’aime, et ne recherche pas le royaume de Dieu. Courez-donc, ô fidèles, dans la voie des préceptes de Dieu, de peur que la damnation de la mort ne vous saisisse. Imitez le nouvel Adam (le Christ) et renoncez au vieil homme. Car le royaume de Dieu est ouvert à celui qui court , mais il est fermé à celui qui gît sur la terre. Malheureux sont ceux qui ont le culte de Satan et ignorent Dieu ! Quels sont-ils ? Ceux qui n’adorent pas Dieu, un dans la Trinité, ni la Trinité dans l’unité, qu’ils ne veulent pas reconnaître. Car, quiconque veut être sauvé ne doit pas douter de la foi catholique. Comment cela ? Celui qui renie le Fils n’adore pas le Père ; il n’aime pas le Fils celui qui ignore le Père ; il n’a pas de Fils celui qui rejette le St-Esprit ; il ne reçoit pas le St-Esprit celui qui ne vénère pas le Père et le Fils. Il faut donc comprendre l’unité dans la Trinité, et la Trinité dans l’unité. O homme, est-ce que tu peux vivre sans le coeur et le sang ? Ainsi, ni le Père sans le Fils et le St-Esprit, ni le Fils sans le Père et le Saint-Esprit, ni le Saint-Esprit sans les mêmes personnes. Mais le Père a envoyé dans le monde son Fils, pour la rédemption de l’homme ; et de nouveau, il l’a rappelé à lui ; comme l’homme manifeste les pensées de son coeur, et de nouveau les recueille en lui-même. C’est pourquoi, sur cette mission salutaire du Fils unique de Dieu, Isaïe en vertu de la volonté de la suprême majesté, parle ainsi : « Le Seigneur a envoyé le Verbe dans Jacob, et il est venu dans Israël » Ce qui veut dire : Le Verbe par qui tout a été fait, à savoir le Fils de Dieu qui fut toujours dans le coeur du Père, selon la divinité, sans commencement de temps, le Seigneur l’a envoyé lui-même ; c’est-à-dire que le Père éternel, par la voix des prophètes dans Jacob, annonça fidèlement que ce même Fils de Dieu devait venir dans le monde, pour le salut des hommes ; afin que les hommes avertis et préparés par eux (les prophètes), suplantassent prudemment le démon, en déjouant avec sagesse les ruses de ses déceptions. Et ainsi le même Verbe parut dans Israël, lorsque le Fils unique de Dieu vint dans le sein virginal, où nul homme n’avait mis son empreinte, mais qui garda inviolable sa pureté ; afin que (le fils de Dieu) né d’une vierge, ramenât dans la voie véritable ceux qui ignoraient la lumière, à cause de leur fatal aveuglement, et qu’il leur donnât le salut éternel. C’est pourquoi, quiconque possède la science par le St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avis ; mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

Elle a les pieds tout sanglants, et autour, de ses pieds, brille une nuée resplendissante, parce que, à sa consommation, elle mit à mort le prophète des prophètes (le Christ) ; et elle-même déchue, s’écroula. Mais dans cette consommation, la lumière de la foi resplendissante et pure surgit dans l’esprit des croyants, parce qu’au moment de la chute de la Synagogue, l’Eglise se leva, lorsque la doctrine apostolique, après la mort du Fils de Dieu, se répandit par toute la terre. - Mais cette image est privée d’yeux, et tient ses mains sous ses aisselles ; parce que la Synagogue ne vit pas la vraie lumière, lorsqu’elle méprisa le Fils de Dieu.

L’aurore ne fait-elle pas son apparition avant le soleil ? Mais l’aurore s’évanouit, et la clarté du soleil demeure. Que veulent dire ces paroles ? - L’Ancien Testament n’est plus, et la vérité de l’Evangile demeure ; car ce que les anciens observaient charnellement dans les prescriptions légales, le peuple nouveau, dans le nouveau testament, l’accomplit spirituellement ; ce que ceux-là montrèrent dans la chair, ceux-ci l’accomplissent dans l’esprit. Car la circoncision n’a pas disparu, parce qu’elle est devenue le baptême : ceux-là étaient marqués dans un seul membre, ceux-ci dans tous leurs membres. Ce qui fait que les anciens préceptes n’ont pas péri, puisqu’ils ont été améliorés. Aussi, à la fin des temps, la Synagogue se convertira fidèlement à l’Eglise. Car, ô Synagogue, lorsquet u errais dans la multitude de tes iniquités, de telle sorte que tu te souillais avec Baal et les autres divinités semblables, délaissant les coutumes légales pour des moeurs honteuses, et gisant dénudée au milieu des péchés : j’ai fait ce que dit mon serviteur Ezéchiel : j’ai étendu mon voile sur toi, et j’ai couvert ton ignominie ; et je te l’ai juré, et j’ai signé un pacte avec toi. Ce qui veut dire : Moi, Fils du Très Haut, selon la volonté de mon Père, j’ai étendu sur toi, ô Synagogue, mon incarnation, pour ton salut, afin d’effacer les péchés que tu as commis dans la multitude de tes oublis, et je t’ai assuré le remède de la rédemption en manifestant, pour ton salut, les voies que j’ai suivies dans la conclusion de mon pacte ; lorsque je t’ai découvert la vraie foi, par la doctrine apostolique ; afin que tu observes mes préceptes, comme la femme se soumet à la puissance de son mari. Car j’ai écarté de toi les aspérités de la loi extérieure, et je t’ai donné la suavité de la doctrine spirituelle, et je t’ai expliqué, par moi-même, tous mes mystères, au moyen des doctrines spirituelles ; mais tu m’as abandonné, moi le juste, pour te donner à Satan. Mais toi, ô homme, comprends : De même que la femme de Samson, l’a abandonné, de telle sorte qu’il a été privé de sa lumière ; ainsi la Synagogue a abandonné le Fils de Dieu, lorsque dans son obstination elle l’a méprisé, et qu’elle a délaissé sa doctrine. Mais quand les cheveux (de Samson) eurent repoussé, c’est-à-dire lorsque l’Eglise de Dieu, se fut fortifiée, le Fils de Dieu, par sa vertu, renversa la Synagogue, et déshérita ses fils, quand ils furent écrasés sous la colère de Dieu, par les gentils eux-mêmes qui ignoraient Dieu ; car elle s’était soumise elle-même, à toutes les erreurs de la confusion et du schisme ; et elle s’était souillée dans les prévarications de toutes sortes d’iniquités. Mais de même que David répudia enfin la femme, qu’il avait épousée en premières noces, et qui avait péché avec un autre homme, de même le Fils de Dieu répudia la Synagogue qui lui fut d’abord unie dans son incarnation, mais qui, abandonnant la grâce du baptême, suivit le démon. Cependant vers la fin des temps il la recevra, dès qu’elle-même, répudiant les erreurs de son infidélité, reviendra à la lumière de la vérité. Car le démon a pris la Synagogue dans son aveuglement, et l’a livrée à toutes les erreurs de l’infidélité ; et il ne cessera de le faire, jusqu’à la venue du fils de perdition, qui tombera dans l’exaltation de son orgueil, comme Saül périt sur le mont Gelboe, après avoir chassé David de sa terre. - Ainsi le fils de l’iniquité s’efforcera de chasser mon Fils du milieu de ses élus ; et mon Fils ayant repoussé l’Antechrist, ramènera la Synagogue à la véritable foi ; comme David reprit sa première épouse après la mort de Saül.

Car lorsqu’à la fin des temps les hommes verront vaincu celui qui les avait trompés, ils reviendront en grande diligence à la voie du salut. Il ne convenait pas, en effet, que la vérité de l’Evangile annonçât l’ombre de la loi, parce qu’il sied que les choses charnelles précèdent, et que les spirituelles suivent ; parce que le serviteur prédit la venue de son maître, et non le Seigneur celle de son serviteur. Ainsi la Synagogue précède dans l’ombre de la figure, et l’Eglise suit dans la lumière de la vérité. C’est pourquoi quiconque possède la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avertissement, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

Ensuite je vis dans les hauteurs des mystères célestes deux armées d’esprits d’en-haut, resplendissant d’une clarté admirable et qui dans la première légion avaient comme des ailes sur leurs poitrines ; leurs faces étaient semblables à celles des hommes, et leur visage humain apparaissait comme à travers une eau pure. Et ceux qui étaient dans l’autre légion, avaient aussi comme des ailes sur leurs poitrines ; et leurs faces étaient comme celles des hommes, et dans elles l’image du Fils de l’homme resplendissait comme dans un miroir. Mais dans les uns comme dans les autres, je ne pus discerner une autre forme. Ces légions environnaient cinq autres légions, et formaient autour d’elles comme une couronne. Et ceux qui étaient dans la première de ces cinq légions, avaient comme des apparences d’hommes, resplendissantes de clarté, des épaules jusqu’en bas. Ceux qui étaient dans la seconde (légion) étaient si éblouissantes de lumière, que je ne pouvais les regarder. Ceux qui étaient dans la troisième apparurent comme de marbre blanc, et leurs têtes étaient semblables à celles des hommes, desquelles émanaient des rayons ardents ; et, des épaules en bas, ils étaient environnés comme d’une épaisse nuée. Ceux qui étaient dans la quatrième légion, avaient la face humaine et des pieds d’hommes ; ils portaient sur leurs têtes des casques, et étaient revêtus de tuniques de marbre. Ceux enfin qui étaient dans la cinquième légion, ne montraient en soi aucune forme humaine ; mais étaient empourprés comme l’aurore. Et je ne voyais en eux aucune-autre forme. Et ces légions formaient comme une couronne, autour des deux autres légions. Ceux qui étaient dans la première de ces deux légions apparaissaient tout remplis d’yeux et d’ailes, et dans chaque oeil était un miroir ; et dans chaque miroir une face d’homme ; et ils élevaient leurs ailes à une suprême hauteur. Et ceux qui étaient dans la seconde légion brùlaient comme le feu ; et ils avaient une multitude d’ailes, où, comme dans un miroir, on voyait tous les ordres illustres de l’institution ecclésiastique. Mais je ne vis, ni dans les uns, ni dans les autres, aucune autre forme. Et toutes ces légions faisaient retentir, de leurs voix merveilleuses en de multiples harmonies, les louanges de celui qui opère des merveilles dans les âmes bienheureuses ; et elles glorifiaient Dieu magnifiquement.

Mais que ces légions forment une couronne autour de cinq autres légions : cela signifie que le corps et l’âme de l’homme enserrent, dans le réseau de leurs facultés, les cinq sens de l’homme purifiés par les cinq blessures de mon Fils ; et qu’ils doivent concentrer tous leurs efforts, vers l’accomplissement des préceptes qui concernent la conduite intérieure. C’est pourquoi, ceux qui sont dans la première légion ont comme la face humaine ; et sont resplendissants d’une grande lumière, des épaules jusqu’en bas : ce sont les vertus qui s’élèvent dans les coeurs des croyants ; et, par leur ardente charité, construisent en eux une haute tour, au moyen des bonnes oeuvres ; de telle sorte que, par leur raison, elles accomplissent les oeuvres des élus ; et par leur force de (persuasion), elles les conduisent à une fin heureuse, en vertu de l’éclat de leur béatitude.

Et moi ; sans connaître les lettres, à la manière des forts, n’ayant pas été instruite par leur enseignement, mais malgré ma débilité, (frêle côte d’Adam), étant toute pénétrée du souffle mystique : j’ai vu comme un feu resplendissant, incompréhensible, inextinguible, plein de vie, et toute vie, dont la flamme était couleur d’air, et brûlait ardemment sous un souffle léger ; et cette flamme était aussi inséparablement unie au foyer lucide, que le sont les entrailles au corps humain. Et je vis que cette flamme fulminante, s’embrasa ; et voici qu’une forme aérienne, obscure et sphérique, d’une grande étendue, surgit soudain, sur laquelle la flamme elle-même darda ses rayons, faisant jaillir des étincelles de la forme sphérique, jusqu’à ce que l’air devenu parfaitement (limpide), le ciel et la terre resplendirent d’une pleine clarté. Ensuite, la même flamme étendit sa chaleur et sa lumière vers une petite glèbe d’une terre limoneuse gisant au fond de l’air, pour la réchauffer, de manière qu’elle forma la chair et le sang ; et elle lui donna le souffle (le mouvement),de telle sorte qu’elle reçut son être complet par une âme vivante. Cela fait, ce feu lucide, par cette même flamme brûlant ardemment sous un souffle léger, donna à l’homme lui-même une fleur très blanche, suspendue à la flamme comme la rosée à la plante, dont l’homme apprécia l’odeur de ses narines, sans la goûter de ses lèvres, ni daigner l’effleurer de ses mains, se détournant ainsi pour tomber dans les ténèbres épaisses dont il ne put se relever. Mais ces ténèbres dans cet air augmentèrent, en s’étendant de plus en plus. Alors trois grandes étoiles, égales par la splendeur, apparurent dans ces ténèbres ; et après elles, de multiples étoiles grandes ou petites, brillantes d’une grande clarté ; et ensuite une très grande étoile, d’un merveilleux éclat dirigeant sa lumière vers la dite flamme. Mais, sur la terre, apparut aussi une lueur semblable à l’aurore, à laquelle une flamme plus éclatante fut infusée d’une manière merveilleuse, sans être toutefois séparée du dit feu lucide ; mais une plus grande vertu fut communiquée à cette lueur d’aurore. Et comme je voulais considérer diligemment l’accroissement de cette vertu (volonté), un sceau fut posé mystérieusement devant cette vision, et j’entendis une voix d’en haut qui me dit : Tu ne pourras contempler rien autre chose de ce mystère, que ce qui t’est concédé par un miracle de foi. Et je vis, de cette même lueur d’aurore, sortir une forme humaine splendide, qui répandit sa clarté vers les dites ténèbres, et fut reflétée par elles ; et, changée en pourpre de sang et en blancheur d’aube, pénétra les ténèbres d’une vertu si grande, que cet homme qui gisait en elles, apparaissant par la vertu de cette attraction, resplendit, et qu’ainsi redressé, il s’éleva. Et ainsi l’homme splendide, qui sortit de l’aurore, apparaissant dans une telle clarté que la langue humaine ne peut l’exprimer, monta vers une si haute gloire, qu’il rayonnait magnifiquement dans la plénitude de l’abondance et de la joie. Et j’entendis, de ce dit feu vivant, une voix qui me dit : Toi qui es une terre fragile et sous un nom de femme ignorante dans toute doctrine des maîtres charnels, pour comprendre les lettres selon l’intelligence des littérateurs ; toi qui es seulement effleurée par ma lumière qui t’éclaire intérieurement comme un embrasement lorsque le soleil brille, crie, raconte, et écris ces choses mystérieuses que tu vois et entends dans une vision mystique. Ne sois pas timide, mais dis ce que tu comprends en esprit, comme je le dis par toi ; tant que seront retentis par la honte ceux qui devraient montrer à mon peuple la voie de la justice ; mais qui, à cause de la perversité de leurs mœurs, refusent de dire la vérité qu’ils connaissent ; ne voulant pas s’abstenir des mauvais désirs, qui adhèrent tellement à leur chair, qu’ils en sont presque dominés, ce qui leur fait éviter la face de Dieu, et rougir de dire la vérité.

Que signifie cela ? Nulle créature n’est si stupide, de sa nature, qu’elle ignore, dans ces causes, les vicissitudes de sa plénitude, en quoi elle est utile. Comment ? Le ciel a la lumière, la lumière possède l’air, l’air est rempli de volatiles, la terre nourrit les plantes, les plantes produisent les fruits, les fruits nourrissent les animaux ; toutes ces choses témoignent qu’une main puissante les a placées : c’est la main du Dominateur de toutes choses, qui a créé toutes choses, avec leurs vertus propres, de telle sorte qu’il ne leur manque rien pour leur usage ; et dans la toute puissance du même artisan, se trouve le mouvement de tous les êtres vivants et terrestres, tels que les animaux, qui recherchent la terre, dans les choses terrestres, et qui n’ont pas en eux la raison provenant du souffle de Dieu, et l’élan des esprits qui habitent la chair humaine, dans lesquels setrouvent le raisonnement, le discernement etla sagesse. Comment ? L’âme parcourt les événements humains, se multipliant de mille manières, selon les exigences des mœurs charnelles. Mais l’esprit s’élève de deux manières, à savoir par le soupir, le gémissement et le désir qui le portent vers Dieu, ou par la recherche qu’il fait du Seigneur, de sa loi et de son choix en toutes choses, comme étant une obligation de précepte, car il a le discernement dans la raison. C’est pourquoi l’homme contient en lui l’image du ciel et de la terre. Comment ? Il possède en effet cet ensemble de facultés (ce cercle) parmi lesquelles apparaissent la perspicacité, la vie et la raison, comme dans le ciel on voit les astres. Il a l’âme (sensitive) qui pénètre tous les sens et leur donne le mouvement, comme l’air qui contient les volatiles, est aussi le réceptacle des vapeurs d’eau et de l’humidité. Il peut croître et se multiplier, comme sur la terre les plantes, les arbres et les animaux. Comment cela ? Ô homme, tu es tout dans toute créature, et tu oublies ton Créateur ! la créature, qui t’est soumise, t’obéit comme il lui a été ordonné ; et toi, tu transgresses les lois de ton Créateur !

Cela fait, ce feu lucide donna, par cette flamme qui brûle ardemment sous un léger souffle, à l’homme lui-même, une fleur très blanche suspendue à cette flamme, comme la rosée sur la mousse ; parce qu’Adam étant créé, le Père qui est la lumière très pure, donna par son Verbe en vertu du St-Esprit, à Adam lui-même, un doux précepte d’une obéissance facile, adhérant au Verbe lui-même par la douce rosée de la féconde vertu, parce que parle Verbe lui-même, une suave émanation de sainteté procéda du Père dans le St-Esprit, portant des fruits nombreux et magnifiques, comme la pure rosée qui descend sur le grain le féconde, pour qu’il produise des germes nombreux. L’homme en vérité sentit le parfum (de cette fleur) de ses narines, mais ne la goûta pas de ses lèvres, et ne pénétra pas ses mœurs ; parce que lui-même effleura, comme par ses narines, le précepte de la loi, avec l’intelligence de la sagesse ; mais il n’en goûta pas parfaitement la force de perfection intime, en l’introduisant dans sa bouche ; et il ne la remplit pas par I’œuvre de ses mains, dans la plénitude de la vie bienheureuse, se détournant de cette manière, pour tomber dans d’épaisses ténèbres desquelles il ne put se relever ; parce que, à l’instigation du démon, il désobéit au précepte divin, pour tomber dans les abîmes de la mort ; et qu’il ne voulut pas rechercher Dieu dans la foi et dans les actes.

Mais que sur la terre cette lueur comme celle de l’aurore apparaisse, à laquelle est infusée merveilleusement une flamme supérieure, non séparée toutefois dudit feu lucide : cela signifie que Dieu établit une grande lumière, d’une splendeur admirable, parmi la fécondité des choses, envoyant dans ce lieu, avec une volonté parfaite, son Verbe nullement séparé de lui ; mais il le donna comme un fruit merveilleux, et il le fit surgir comme une fontaine, de laquelle tout fidèle qui boit est à jamais désaltéré.

Ensuite je vis une splendide lumière et, dans elle, une forme humaine, couleur de saphir, qui brûlait d’un feu brillant et suave ; et cette splendide lumière Pénétra tout ce feu brillant, et ce feu brillant s’infusa dans cette splendide lumière ; et cette splendide lumière et ce feu brillant pénétrèrent toute cette forme humaine, ne faisant qu’une seule lumière, Par une même vertu et une même Puissance. Et, de nouveau, j’entendis cette lumière vivante qui me disait : C’est le sens des mystères de Dieu, afin que l’on distingue et que l’on cornprenne discrètement quelle est cette plénitude qui n’a pas d’origine, et à laquelle il ne manque rien ; qui, par sa vertu toute puissante, fixe les bornes de toutes les puissances. Car, si le Seigneur était exempt de sa propre vertu, quelle serait alors son œuvre ? Elle serait certainement vaine, car c’est dans I’œuvre parfaite que l’on voit quel est l’artisan.

C’est pourquoi tu vois une splendide lumière qui n’a pas d’origine, et à laquelle il ne peut rien manquer : Elle désigne le Père et, dans elle, une forme humaine, couleur de saphir, sans aucune tache d’imperfection, d’envie et d’iniquité, désigne le Fils, engendré par le Père, avant le temps, selon la divinité ; mais ensuite, incarné dans le temps, selon l’humanité, et venu dans le monde.

Elle brûle entièrement d’un feu brillant et suave, qui sans aucune atteinte de nulle aride et ténébreuse mortalité, démontre le Saint-Esprit, dont le même Fils unique de Dieu, conçu selon la chair et né d’une vierge dans le temps, répandit dans le monde la lumière de la vraie clarté.

Mais, que cette splendide lumière pénètre tout ce feu brillant, et que ce feu brillant s’infuse dans toute cette splendide lumière, et que cette splendide lumière et ce feu brillant remplissent toute cette forme humaine, ne faisant qu’une seule lumière dans une même vertu et une même puissance : cela signifie que le Père qui est l’équité souveraine, mais qui n’est pas sans le Fils et le Saint-Esprit ; et le Saint-Esprit qui embrase le cœur des fidèles, mais non sans le Père et le Fils ; et le Fils qui est la plénitude de la vertu, mais non sans le Père et le Saint-Esprit : sont inséparables dans la majesté de la divinité, parce que le Père n’est pas sans le Fils, ni le Fils sans le Père, ni le Père et le Fils sans le SaintEsprit, ni le Saint-Esprit sans eux ; et ces trois personnes ne forment qu’un seul Dieu, dans l’intégrité de la divinité et de la majesté ; l’unité de la divinité restant inséparable dans ces trois personnes, parce que la divinité ne peut être divisée, mais demeure toujours inviolable, sans aucun changement ; et le Père se manifeste par le Fils ; le Fils par l’origine des créatures ; et le Saint-Esprit par le même Fils incarné. Comment ? C’est le Père qui, avant les siècles, a engendré le Fils ; le Fils par lequel toutes choses ont été faites par le Père, à l’origine des créatures ; et le Saint-Esprit qui apparut sous la forme d’une colombe, au baptême du Fils de Dieu, quand le temps fut venu. C’est pourquoi ; que jamais l’homme n’oublie de m’invoquer, moi le seul Dieu dans ces trois personnes, parce que je les ai montrées à l’homme, afin que l’homme brûle d’autant plus d’amour pour moi, que j’ai envoyé, par amour pour lui, mon propre Fils dans le monde ; comme Jean mon bien-aimé en rend témoignage lorsqu’ il dit : C’est en cela qu’apparut la charité de Dieu envers nous, que Dieu envoya dans le monde son Fils unique, afin que nous vivions par lui. En cela est la charité, non que nous ayons aimé Dieu ; mais parce que lui le premier nous a aimés, et a envoyé son Fils propitiateur pour nos péchés : In hoc apparuit charitar Dei in nobis, quoniam Filium Suum Unigenitum misit Deus in mundum, ut, vivamus per eurn. In hoc est charitas non quasi nos dilexerimus De-am, sed quoniam ipse prior dilexit nos et misit Filium suum propitiationem pro peccatis nos tris. (jean IV)

Ensuite je vis des enfants noirs, rampant entre ciel et terre comme les poissons dans l’eau, et pénétrant dans le ventre par les cavités de l’image qui étaient ouvertes à ceux qui voulaient rentrer. Mais elle gémit, attirant plus haut ceux qui sortirent de sa bouche, et elle-même restant dans son intégrité. Et voici que cette lumière sereine, et dans elle la forme humaine complète, brillante d’un feu étincelant, m’apparut de nouveau, comme dans la vision que j’avais eue précédemment ; et leur enlevant à chacun d’eux la peau noire, jetant ces dépouilles en dehors de la voie, elle revêtit chacun d’eux d’une tunique resplendissante de blancheur, et découvrit à chacun d’eux la lumière éclatante, en disant : Dépouille-toi de la vieille iniquité, et revêts la jeunesse de la sainteté, car la porte de ton héritage t’est ouverte.

C’est pourquoi, ce que tu vois maintenant qui ressemble à une image de femme, de proportions immenses, comme une grande cité, désigne l’épouse du Fils de Dieu qui engendre toujours des fils par la régénération de l’esprit et de l’eau ; puisque le Tout Puissant guerrier l’a établie sur la grandeur des vertus, pour captiver et façonner la foule immense, et l’élever à la dignité des élus. Et elle ressemble à une grande tour, Parce que nul ennemi ne peut prévaloir contre celle qui chasse loin d’elle l’infidélité par des combats victorieux, et qui se répand par les œuvres de la foi : ce qui, dans le siècle mortel, est compris en ce sens que chaque fidèle donne l’exemple à son prochain, ce par quoi ils accomplissent de nombreux actes de vertu, en vue des choses célestes. Mais lorsque chacun des justes parviendra jusqu’aux fils de lumière, alors apparaîtra en eux I’œuvre salutaire qu’ils ont accomplie : ce qui ne peut être connu dans la mortalité de la poudre terrestre,parce qu’il est impossible de le voir dans le trouble et l’inquiétude.

Mais que tu ne puisses distinguer aucun de ses vêtements, cela signifie, que l’intelligence humaine obscurcie par l’infirmité de sa nature fragile, ne peut comprendre parfaitement ses mystères ; si ce n’est que resplendissante d’une merveilleuse clarté, elle est environnée de lumière, parce que le vrai soleil, par la claire inspiration du St-Esprit et le digne ornement des vertus, la pénètre de toute part.

Mais tu vois comment cette splendide lumière, et, dans elle, la forme de l’homme toute rayonnante d’un feu brillant, t’apparaît de nouveau comme dans une vision précédente : c’est parce que la vraie Trinité, dans la véritable unité, à savoir la splendide lumière du Père, et dans le Père, son Fils très doux, qui est avant le temps dans le Père selon la divinité, mais est conçu du St-Esprit et né de la Vierge, selon la chair et dans le temps, comme il t’a été indiqué dans une vision véritable, t’est montrée maintenant aussi pour la confirmation de la foi ; parce que la même Trinité bienheureuse apparaît, le ciel ouvert, aux baptisés dans le baptême, afin que l’homme fidèle accepte cette foi et qu’il honore un Dieu en trois personnes ; et cette (trinité) apparut aussi véritablement dans le premier baptême.

Et, retirant à tous leur peau noire pour les rejeter loin de la voie, elle revêt chacun d’eux de la robe d’innocence, et leur découvre une splendide lumière, en leur disant les paroles de bon conseil ; parce que la divine puissance qui voit les cœurs des hommes, efface miséricordieusement l’infidélité de leurs crimes dans l’eau du baptême, et rejette Ioin de la voie, qui est le Christ, ces péchés ; parce que la mort n’est pas dans le Christ mais la vie, par la confession sincère et par l’ablution des péchés ; puisque par lui, chaque fidèle est revêtu de la robe du salut ; et par lui, la porte rayonnante de clarté du bienheureux héritage duquel le premier homme a été chassé, lui est ouverte ; étant averti, par les paroles de la vérité, de déposer sa vieille habitude de l’iniquité pour accepter, en vue du salut, le nouveau don de la grâce.

Et ensuite, je vis comme une tour ronde immense, formée d’une seule pierre intacte et resplendissante de blancheur, ayant trois fenêtres à son sommet, par lesquelles une si grande lumière éclata, que même le toit de la tour qui s’était érigé comme dans une cavité, se voyait sans nuage dans la clarté de cette lumière. Et ces fenêtres étaient environnées de superbes émeraudes. Et cette tour était posée au milieu du dos de la femme de la dite image, à l’instar de quelque tour placée dans les murs d’une ville, de telle sorte que cette image, à cause de sa force, ne pouvait tomber en ruines.

Et je vis les enfants qui entraient (comme il a été dit) dans le ventre de l’image, resplendissants d’une grande clarté ; parmi eux, les uns étaient ornés, du front jusqu’aux pieds, comme de rayons d’or ; les autres resplendissants de lumière n’avaient pas cette couleur. De même, quelques-uns d’entre eux contemplaient une splendeur pure et lucide, les autres une lueur pourpre et trouble tournée vers l’orient. Mais, parmi ceux qui considéraient la splendeur pure et lucide, quelques-uns, ayant des yeux clairvoyants et des pieds robustes, s’avançaient puissamment dans le ventre de cette image. Mais les autres, aux yeux faibles et aux pieds débiles, étaient poussés çà et là par le vent. Et, tenant un bâton dans leurs mains, ils couraient devant l’image et ils la frappaient quelquefois, mais faiblement.

Mais, que tu la voies immense et ronde, ne formant qu’une seule pierre intacte dans sa blancheur, cela signifie que la douceur du St-Esprit est infinie, et qu’elle enveloppe de sa grâce toute créature ; de telle sorte que nulle corruption ne peut résister à sa vertu, dans l’intégrité de la plénitude de la justice ; parce que, ce torrent qui suit son cours, entraine toutes les sources de sainteté dans les eaux limpides de son cours impétueux,dont aucune souillure ne vient ternir la clarté, parce que le St-Esprit lui-même est la lumière ardente et brillante,qui embrase puissamment les vertus éclatantes et ne s’éteint jamais ; et c’est pourquoi toutes les ténèbres s’évanouissent devant lui.

La tour a trois fenêtres à son sommet, d’ou resplendit tant de lumière, que même le toit de cette tour, qui s’élève comme d’une cavité, s’aperçoit très clairement dans la splendeur de sa lumière, parce que l’ineffable Trinité se manifeste par l’effusion des dons de l’excellence du St-Esprit ; de telle sorte que, de la même bienheureuse Trinité, émane une si grande clarté de justice, par la doctrine des apôtres, que même de là, une puissante vertu de la divinité qui réside dans les hauteurs inaccessibles de sa toute puissante majesté, se manifeste ouvertement à l’homme, créature mortelle, autant qu’il lui est possible de l’entrevoir par la foi.

Et comme tu vois, ces enfants qui pénètrent dans le ventre de l’image (ainsi qu’il a été dit), rayonnants d’une grande clarté, signifient que ceux qui ont obtenu la maternité de l’Eglise, comme il t’a été montré, par l’innocence de leur cœur purifié dans la fontaine de la régénération, sont les fils de lumière, à cause de la purification de leurs péchés. Parmi eux, les uns sont ornés des pieds à la tête d’une auréole d’or parce que, du premier pas dans le chemin des bonnes œuvres jusqu’au sommet de la sainteté, ils sont ornés par la main du pontife, en vertu du saint chrème, des dons. magnifiques du St-Esprit, dans l’onction de la vraie foi. Comment ? De même que les, pierres précieuses décorent celui qui les porte : ainsi celui qui, avec la foi, reçoit l’onction du St-Chrême, par la main du docteur suprême, se montre orné de cette onction du baptême ; comme il est écrit : Le Roi traversait le torrent du Cédron, et tout le peuple s’avançait sur la voie des Oliviers qui regardait vers le désert. Que signifie cela ? Le Fils de la Vierge qui gouverne le monde entier, comme un roi terrestre, a traversé, pour le reste du peuple, les eaux torrentueuses du très saint baptême, ce qui, en vertu des saints désirs, sous l’inspiration du St Esprit, indique la voie du salut. Que signifie cela ? Il est sorti de la mort pour passer à la vie, lorsque dans la régénération de l’Esprit et de l’eau, c’est-à-dire dans la splendeur de la céleste Jérusalem qui ne défaille jamais, il annonça la suprême béatitude. C’est pourquoi tout le peuple qui croyait en lui, marcha sous l’inspiration du St-Esprit, sur cette voie qui est signifiée mystérieusement par l’onction de l’huile, concernant la prévarication d’Adam, par laquelle àvait été délaissée la beauté de l’héritage de la justice de Dieu ; et ayant pour but de faire revenir la postérité d’Adam sur la voie du salut parce que la blessure du péché du premier homme nécessitait l’onction sacerdotale ; mais il n’en était pas ainsi pour le fils de la Vierge, parce qu’il a été conçu dans la sainteté, sans que le sein de sa mère fût blessé ou souillé, mais conservant toujours la pureté parfaite. Car ce qui a été affaibli et troublé par la blessure occasionnée par la suggestion de Satan, doit être fortifié et orné par l’onction du saint chrême ; de telle sorte que la plaie sanglante que fait la concupiscence de la chair soit cicatrisée.

Mais d’autres, comme tu vois, ayant seulement la clarté, ne possédaient pas cette auréole d’or ; parceque, purifiés seulement dans l’ablution du baptême, ils n’avaient pas reçu l’onction du saint chrême, de la main du prêtre suprême (de l’évêque), qui est le signe resplendissant du St-Esprit. Que signifie cela ? L’onction de la confirmation, par le don du St-Esprit, appartient spécialement à l’office épiscopal, qui. doit être exercé pour le peuple fidèle après la régénération de l’Esprit etde l’eau, lorsque l’homme croyant doit être confirmé (affermi) sur la. pierre inébranlable. Comment ? Mon Fils a reçu le baptême dans son corps, le sanctifiant ainsi par sa chair ; dans laquelle il n’est pas divisé ; parce que lui seul il est le Fils vivant de la Vierge ; et c’est pourquoi, il est appelé le Fils de l’homme, parce que cette vierge ne l’a pas conçu de son sein, comme les au tres femmes, mais elle l’a enfanté de l’intégrité de sa virginité. Et après les tourments de la passion et la gloire de sa résurrection, il rentra dans le ciel avec sa chair, en revenant à moi ; et ensuite le St-Esprit illumina le monde de l’ardeur de sa flamme, confirmant toute justice dans les cœurs de ses disciples, lorsqu’il leur découvrit ce qui leur était voilé auparavant. Comment ? Le St-Esprit ernbrasa leur cœur, comme le soleil, lorsqu’il commence d’apparaître sous le nuage, manifeste sa chaleur ardente dans la splendeur de sa lumière. Comment cela ? L’amour de mon Fils brûlait secrètement leur âme ; et ainsi la chaleur du St-Esprit les pénétrant, faisait resplendir le soleil puissant de leur doctrine ; car tel est le témoignage que le St-Esprit rendit à l’Eglise : que la mort ne peut résister à la justice de Dieu. C’est pourquoi vous, ô fils de la vérité, écoutez et comprenez la confirmation du St-Esprit, qu’il vous offre lui-même avec bonté, par l’onction suave de son magistère, de qui dépendent toutes les autres onctions. Et c’est pourquoi cette onction doit être administrée seulement par l’évêque ; parce que tout ordre ecclésiastique a été institué par le St-Esprit, et cette onction est du St-Esprit. Aussi l’homme qui accepte le mystère de la régénération pour la vie, s’il n’est pas oint ,de cette manière, ne reçoit pas l’ornement (de la grâce), que confère la plénitude ,(du pouvoir) ecclésiastique, dont est ornée l’Eglise par l’amour ardent du St-Esprit, comme il a été montré plus haut.

Mais que tu voies, parmi les enfants précités, les uns regardant une lumière pure et lucide, les autres une lueur pourpre et trouble du côté de l’Orient : cela signifie que parmi les fils que l’Eglise, par la vertu de Dieu, fait sortir de la corruption, pour leur donner l’innocence : quelques-uns, par amour du vrai soleil, foulant aux pieds les biens de la terre, sont attentifs à la pureté de la vie spirituelle, qui resplendit dans la vertu sereine ; mais d’autres, ayant des facultés charnelles que trouble la diversité des vices, et cependant restant fidèlement dans la vraie foi, aspirent aussi vers les choses éternelles, par une rétribution suprême. - Et parmi ceux qui considèrent la splendeur pure et lucide,les uns ont les yeux clairs et les pieds fermes, et s’avancent puissamment dans le ventre de l’image, parce que ceux-ci, lorsqu’ils recherchent les biens célestes, placent dans les commandements de Dieu la vue d’une juste considération, et s’avancent pour atteindre le but véritable, marchant entourés tellement de l’amour maternel que, ni dans les choses du temps ni dans celles de l’éternité, ils ne chancent la droiture de leur intention. - Mais les autres ont les yeux faibles et les pieds débiles, parce qu’ils n’ont pas l’intention droite, et ne prennent aucune résolution virile, pour les œuvres de perfection ; c’est pourquoi, ils sont jetés par le vent en tous sens ; car, dans la diversité des mœurs, ils se perdent dans les multiples tentations de l’orgueil. Mais ils tiennent un bâton dans leurs mains, s’agitent devant l’image, et la heurtent parfois mais sans force ; parce que, plaçant une ferme confiance dans leurs œuvres, ils se montrent à I’Eglise de Dieu avec une réputation fausse ; et ils l’illustrent parfois, mais d’une manière insensée, par la sagesse du siècle ; et lorsque, par une vaine ressemblance, ils passent pour sages aux yeux des hommes, ils sont insensés aux yeux de Dieu, à cause de leur futile gloire.

Après ces choses, je vis qu’une certaine splendeur blanche comme la neige et translucide comme le cristal reluisait autour de la dite image de femme, du sommet de la tête jusqu’à la gorge. Mais, de la gorge jusqu’à l’ombilic, une autre splendeur pourpre l’environnait qui, de la gorge jusqu’aux mamelles, brillait comme l’aurore ; mais, des mamelles jusqu’à l’ombilic resplendissait comme la pourpre mêlée d’hyacinthe.Et, ou brillait l’aurore, elle étendit sa clarté dans les hauteurs des mystères du ciel ; et, dans cette clarté, une très belle image de vierge apparut, ayant la tête sans voile ombragée d’une chevelure noire, et son corps revêtu d’une tunique rouge, qui se répandait en longs plis sur ses pieds. Et j’entendis une voix du ciel qui disait : C’est la fleur de la céleste Sion, la mère et la reine des roses et des lis de la vallée. Ô fleur tu seras épousée par le fils du roi tout-puissant, auquel tu engendreras une race fameuse, lorsque ton temps sera venu. - Et, autour de cette vierge, je vis une grande foule d’hommes plus resplendissants que le soleil, et qui, tous étaient ornés merveilleusement d’or et de pierres précieuses ; et quelques-uns d’entre eux avaient la tête environnée de voiles blancs et d’une couronne d’or ; au sommet de leur tête, l’image de l’ineffable Trinité ; ainsi que le type m’en fut montré : elle apparut, à travers ces voiles, comme sculptée dans une sphère ; et, sur le front (de ces hommes) l’Agneau de Dieu ; et, à leur cou, l’image de l’homme ; et à l’oreille droite, un chérubin ; et, à l ’oreille gauche, une autre figure angélique ; de telle sorte que, de l’image même de la,glorieuse Trinité, comme un rayon d’or était projeté vers ces figures (d’hommes). Mais, parmi eux, d’autres apparurent qui avaient ,des mitres er leurs têtes, et le pallium de la charge épiscopale sur leurs épaules. Et de nouveau j’entendis une voix d’en haut qui disait : Ce sont les filles de Sion ; et, avec elles, sont les cithares des cithares, et tous les genres d’harmonie, et la voix de toute allégresse, et la joie de toutes les joies. Mais, sous la même splendeur, au point ou il semblait que l’aurore resplendis-sait, je vis, entre le ciel et la terre, appa- -raître d’épaisses ténèbres, qui inspiraient une telle épouvante, que la langue humaine ne peut l’exprimer. Et de nouveau j’entendis une voix du ciel qui disait : Si le Fils de Dieu n’était pas mort sur la croix, ces ténèbres ne permettraient nullement à l’homme de parvenir à la suprême clarté. Mais, ou cette splendeur reluisait d’une lumière, empourprée mêlée d’hyacinthe, s’unissant étroitement à la dite image de femme, elle étincelait. Mais une autre splendeur, comme une nuée blanche, environnait l’image de l’ombilic au sommet, sans toutefois s’étendre plus loin. Et ces trois splendeurs, rayonnant au loin autour de l’image, montraient, en elle plusieurs degrés et échelons bien et décemment ordonnés. Mais en voyant ces choses, dans la grande frayeur qui s’empara de moi, je tombai à terre sans forces, et je ne pus répondre à personne. Et voici que dans une splendeur magnifique, je me sentis touchée comme par une main, et ce contact me rendit la force et la voix. Et j’entendis de .nouveau une voix qui me disait : Ce sont là de grands mystères . Considère en effet,le soleil, la lune et les étoiles. J’ai formé le.soleil afin qu’il luise pendant le jour, et la lune et les étoiles afin qu’elles luisent pendant la nuit. Le soleil signifie mon Fils, qui sortit de mon cœur et illumina le monde, lorsqu’il naquit d’une vierge, à la fin des temps (prescrits), comme le soleil en naissant illumine le monde, lorsqu’il apparaît à la fin de la nuit. Mais la lune désigne l’Eglise, unie à mon Fils dans de véritables et suprêmes épousailles. Et de même que la lune a toujours en sa constitution, des moments de croissance et de décroissalce, et ne tire sa lumière que de celle du soleil, ainsi est l’Eglise dans son évolution, de telle sorte que ses fils avancentsouvent dans l’accroissement des vertus, et souvent ils décroissent dans la diversité des mœurs, et dans les persécutions ; de telle sorte que, souvent elle est combattue en ses mystères par des loups rapaces ; en sa foi par des hommes mauvais, tant chrétiens que juifs, et les autres infidèles ; et, à cause de cela, elle ne brille pas en elle-même, pour la tolérance ; mais elle est éclairée en moi par mon Fils, afin qu’elle persévère dans le bien.

Les étoiles différentes les unes des autres par l’éclat de leur lumière, signifient les peuples de divers ordres de la religion de l’église. Mais la splendeur blanche comme la neige et translucide comme le cristal, que tu vois environnant la dite image de femme, du sommet de la tête jusqu’à la gorge, signifie que l’Eglise des fidèles, épouse incorruptible du Fils de Dieu, est environnée de la doctrine apostolique, qui annonça l’incarnation lumineuse de celui qui du ciel descendit dans le sein d’une vierge, et qui est le miroir très puissant et très lucide de tous les croyants ; de telle sorte que cette doctrine, du jour ou elle commença à édifier cette même Eglise jusqu’au temps ou elle put se nourrir puissamment du pain de vie, l’environna fidèlement, en l’illuminant magnifiquement. Comment ? La doctrine apostolique auréola la tête de l’Eglise, lorsque les apôtres commencèrent d’abord à l’édifier par leur prédication ; lorsque, allant en divers lieux, ils assemblaient des ouvriers qui la fortifiaient dans la foi catholique, et qui lui fournissaient des prêtres, des évêques, à tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, et déterminaient les droits des hommes et des femmes engagés dans les liens du mariage, et les autres choses semblables. C’est pourquoi suivent la mème, doctrine les servants, qui ressemblaient aux prêtres du témoignage légal, qui sous la loî de la circoncision étaient placés pour nourrir le peuple, de la nourriture intérieure ; et c’est pourquoi les apôtres choisissaient ces ordres, sous l’inspiration d’en haut, pour en orner l’Eglise. Pourquoi cela ? Car leurs,suivants, portant à leur place les bienfaits salutaires, parcourent fidèlement les rues des bourgs, des villes et toutes les régionsde la terre, pour annoncer au peuplé la loi divine. Car ils sont eux-mêmes des pères et des dispensateurs d’élite, pour répandre par leur doctrine la discipline ecclésiastique dans tout le peuple et lui dispenser la nourriture de vie ; et ils se montrent tels dans leur vie, que mes brebis ne soient pas offensées parleurs œuvres, mais qu’elles marchent dignement après eux, parce qu’ils ont pour office de distribuer ouvertement au peuplele pain de vie ; et afin qu’ils accom plissent fidèlement leur devoir vis à vis de chacun, ils se contraignent eux-mêmes à ne pas désirer l’union charnelle, parce qu’ils doivent distribuer aux croyants la nourriture spirituelle, et offrir à Dieu un sacrifice immaculé, ainsi que l’indique la figure d’Abel dont il est écrit : Abel offrit aussi lesprémices de ses troupeaux et de ce qu’ils avaient de meilleur. Que signifie cela ? Abel quoque obtulit de primogenitis gregis suis et de adipibus corum. ( Gen. IV)

Et, comme il t’est montré dans le secret de la lumière d’en haut : elle est de la race illustre entre toutes dans la céleste Jérusalem, à savoir, la gloire et l’honneur de ceux qui, par amour de la virginité, versèrent leur sang ; et qui, dans la candeur de l’humilité, conservant leur virginité pour le Christ, reposèrent dans la suavité de la paix ; parce qu’elle est l’épouse du Fils de Dieu tout puissant, qui est le roi suprême ; et qu’elle lui enfante une race très noble, c’est-à-dire le cœur très pur des vierges ; lorsqu’elle prend des forces en s’avançant dans la paix de l’Eglise.

Mais tu vois, autour de la même vierge, une grande foule d’hommes plus resplendissante que le soleil, et ces hommes sont merveilleusement ornés d’or et de pierres précieuses : C’est quant au principal chœur des vierges, embrassant d’un amour ardent la très noble virginité, et brillant tous devant Dieu, d’une lumière plus éclatante que le soleil sur la terre ; parce que se méprisant eux-mêmes, ils vainquirent virilement la mort : ce qui fait qu’ils sont ornés merveilleusement par la suprême sagesse, à cause des œuvres très belles qu’ils ont accomplies humblement, pour le Christ.

C’est pourquoi quelques-uns d’entre eux, ont leurs têtes couvertes de voiles blancs, ,couronnées d’un cercle d’or, parce que, resplendissants de la gloire de la virginité, ils manifestent que ceux qui ambitionnent l’honneur de cette vertu, préservent leur esprit de toute ardeur mauvaise ; et ornés de la très pure lumière de chasteté, ils acquièrent dans leur fidélité, la candeur de l’innocence.

Qu’est-ce alors ? Car, lorsque les apôtres annonçaient la voie du salut au peuple, la resplendissante aurore des filles de Sion se leva, par amour de mon Fils : (C’était l’apparition) de ceux qui mortifièrent durement leur chair, et réprimèrent rudement en eux-mêmes la concupiscence mauvaise. Et, comme alors cette chaste virginité se mit, par un ardent amour, à la suite de mon Fils : ainsi pareillement, cet ordre que j’aime pour sa singulière dévotion, imita son incarnation ; car (ceux qui en font partie) sont les temples que je me réserve, car ils m’honorent comme les chœurs des anges ; et ils accomplissent, dans leurs corps, la passion, la mort et la sépulture de mon Fils ; non toutefois, qu’ils meurent par le glaive et les autres tourments par lesquels les hommes condamnent, mais en imitant de telle sorte mon Fils, qu’ils méprisent la volonté de leur chair, lorsqu’ils abdiquent tout ce qui fait les délices du monde, comme il est écrit dans l’Evangile de Jean lumière du monde : - Mais lui-même Jean, avait un vêtement de poils de chameaux, et une ceinture de peau autour de ses reins : Ipse autem joannes habebat vestimentum de pilis camelorum et zonam pelliceam circa lumbos suos. (Matth. III).

par la même grâce, la défense de sa vertu. par laquelle il méprisait, en son esprit, les honneurs et les ricliesses séculières ; et par laquelle aussi, dans la contrainte qu’il exerçait, par la mortification des vices sur la volupté de la chair, il avait réprimé fortement les mouvements impétueux de son corps, puisqu’il élevait de plus grands édifices (de vertu) que ses prédécesseurs, en marchant par des voies escarpées et rudes, foulant aux pieds les concupiscences terrestres. ,Comment ? Car, accomplissant vaillamment de nombreuses œuvres de vertu, il aima ardemment la chasteté, montrant aussi, à ceux qui la recherchaient dévotement, la voie médicinale. De là, ceux qui sont le parfum vivant, et font vœu (de suivre) le chemin de la régénération mystérieuse, à la lumière de Jean qui brille dans les épaisses ténèbres du siècle, en le suivant dans sa vie, dans les opérations difficiles des vertus bienheureuses, ceux-là fuient la grandeur et la vanité des choses humaines ; et, par la répression des esprits, contraignant leur corps, ils méprisent la concupiscence mauvaise, et montent ainsi, par des degrés plus élevés que ceux qui s’avançant simplement avant eux dans la voie du Seigneur, y faisaient simplement leur demeure ; ils resplendissent avec sérénité, en embrassant le sentier rude et escarpé, dans le mépris qu’ils font des, voluptés dusiècle qu’ils foulent à leurs pieds. Comment ?

Que signifient ces paroles ? Dans les soupirs et les gémissements ils sortaient de la délectation des vices, pour aller vers celui par lequel, en vertu de la divine grâce, s’effectuait la volonté ferme d’une confession sincère, et l’effet merveilleux d’une vision pacifique, pour ces hommes dont les cœurs, par la crainte de la mort, avaientété entraînés à l’amour de la vie. Comment ? Parce que Jean, le précurseur de la vérité, leur avait intimé l’amertume et la douceur. De là, eux-mêmes demandaient de sa droiture, d’être pénétrés du repentir ; afin que par l’éloignement du mal et par l’édification. du bien, faisant l’aveu de leurs crimes, ils méritassent d’obtenir celui qui ne leur montrait pas le remède dans l’ombre de l’antiquité, mais leur accordait le salut véritable dans la lumière de la loi nouvelle. Maisde même que Jean enseignait, ceux qui venaient à lui, et les pénétrait des ondes du baptême, en recevant les paroles de leur repentir, en l’honneur du Sauveur qui, devait venir ; ainsi également, au nom de ce même sauveur qui, en venant dans le monde a porté le salut aux croyants fidèles ; que ceux-ci ne négligent pas de faire l’ œuvre de ceux qui, donnant des témoignages de sainteté, ajoutent davantage à I’œuvre (de sanctification), par l’inspiration du Saint-Esprit, dans le renoncement des choses du siècle, entreprenant de nouvelles austérités, selon cette ressemblance que ceux qui revêtent l’homme nouveau ont entrepris (d’imiter), d’après le précepte du même témoignage de sanctification, par la régénération de l’esprit et de l’eau, dans le mépris de la servitude de Satan. Mais, dès que l’aiguillon de l’impérieuse nécessité se fait sentir, qu’ils tendent, à ceux qui le demandent, la main d’un secours affectueux, en les avertissant, les redressant et les guérissant ; si toutefois ils sont parvenus à cette dignité par la promotion ecclésiastique ; et qu’en cela ils imitent fidèlement leur prédécesseur, afin que, ce que celui-ci a montré comme dans l’ombre, etix l’accom. plissent véritablement dans la nouveauté de la lumière. Car ils sont la ceinture de l’Eglise, qui la contiennent fortement, tout occupés à l’incarnation de mon Fils ; et parce qu’ils exercent aussi la fonction angélique, ne cessant jamais de chanter au son des instruments, ou de prier dans la componction, sans toutefois arracher des cris ,comme une poussière inutile et aride, privés de toute vertu de componction ; et parce qu’aussi, ils ne refusent pas de peiner dans leur nécessité ; non cependant, pour cher,cher de leurs mains les biens terrestres, mais pour prendre bien garde à soi, dans un esprit de charité et d’humilité. Ô mon peuple très fort et très aimant ! lorsque je remarque en eux l’affliction que mon Fils a souffert dans sa chair, puisqu’ils meurent comme il est mort lui-même, abandonnant leur volonté ; et, en vue de la vie éternelle, se soumettant à une direction, ils avancent selon l’ordre de leurs supérieurs.

Mais que celui qui l’entreprend (cette règle) par amour de Dieu, en liant sa volonté par un vœu, persévère en son accomplissement, de peur qu’en rétrogradant, il ne tombe, comme Lucifer, qui abandonna la lumière et choisit les ténèbres. Leur vêtement, en effet, éclatant comme celui des esprits supérieurs, s’envole avec les ailes de leur subtilité, et signifie l’incamation et la sépulture de rnon Fils ; car il a le signe de l’incarnation en son vêtement, et il porte en lui le signe de sa sépulture, celui qui se condamne à une rude obéissance, celui qui, dans les œuvres de justice, renonce aux choses du siècle. De là, celui qui, dans une intention ’pure, se revêt de ce même habit, possède en lui un remède salutaire. Et c’est pourquoi, que celui qui le reçoit, au milieu des bénédictions et sous l’invocation du St-Esprit, ne l’abandonne pas ; car quiconque le méprisera pour se plonger dans l’abjection du mal, sera avec celui qui méprisa l’ordre angélique et tomba pour être enseveli dans la mort. Que veut dire cela ? Car ce peuple n’est pas assujetti à cette règle étroite, selon u n précepte légal ; mais, par sa volonté, il a entrepris d’observer mon pacte, et ainsi d’illustrer mon Eglise, par la sainteté de sa vie. Comment ? De même qu’après les premières clartés du jour, on voit paraître l’aurore du soleil, ainsi cet ordre s’est montré après les voix des apôtres.

La première lumière du jour signifie les paroles fidèles de la doctrine apostolique ; l’aurore désigne le commencement de cette règle de vie, qui d’abord germa dans la solitude. et les retraites, après la manifestation de cette bienheureuse doctrine ; le soleil indique la voie distincte et bien ordonnée, tracée par mon serviteur Benoît, que moi j’ai conduit par un amour ardent, en l’instruisant à honorer par le vêtement de son institution l’incarnation de mon Fils, et par l’abnégation de sa volonté à imiter sa passion ; car Benoît est lui-même comme un autre Moyse, gisant dans le creux de la pierre, crucifiant et réprimant son corps par beaucoup d’austérités, dans son amour de la vie ; comme aussi le premier Moyse gravant sur des tables de pierre, selon mon ordre, la loi dure et sévère, la donna aux Juifs. Mais, de même que mon Fils rendit caduque cette loi par la douceur de l’Evangile, ainsi pareillement mon serviteur Benoît, par la douceur de l’inspiration du St-Esprit, fit une voie très sûre de cette institution qui, avant lui, fut une règle de vie très différente ; et, par là, il rassembla une nombreuse cohorte religieuse, comme mon Fils, par la douceur de son parfum, rassembla autour de lui le peuple chrétien. Et ensuite, le St-Esprit inspira aux cœurs de ses élus qui soupiraient vers la vie, que comme dans le bain du baptême les crimes des peuples sont effacés, ainsi eux-mêmes en imitant la passion de mon Fils, renonçassent aux pompes du siècle. Comment ? Car, de même que l’homme est soustrait à la puissance de Satan, dans le saint baptême, en rejetant le crime de l’ancienne souillure ; de même ceux-ci, par le signe de leur vêtement, renoncent aux biens terrestres ; ce par quoi ils ressemblent aussi aux anges. Comment ? Car, par ma volonté, ils sont établis les protecteurs de mon peuple.

Que signifient ces paroles ? Ô insensé, qui restes honteusement dans ta lâcheté ! Moi qui connais les secrets, je vois d’un œil clairvoyant toutes les œuvres de tes désirs, parce que tu n’évites nullement les œuvres qui proviennent du foyer de lumière ; et que tu n’abandonnes pas tout à fait les œuvres qui sont pour moi toutes de glace.

Et le simple séculier est comme la chair, dans laquelle se trouvent des oiseaux chastes ; car ceux qui sont dans le siècle, vivant charnellement, procréent des fils, parmi lesquels cependant il y a des imitateurs de la chasteté, à savoir les veufs et les continents qui s’élèvent aux désirs célestes, par l’attrait des saintes vertus. Or ces ordres de l’institution ecclésiastique marchent sur deux voies. Comment ? Celle des séculiers et celle des réguliers. Comment ? Comme le jour et la nuit. Qu’est-ce que cela ? Le jour possède la clarté du soleil et la sérénité de l’air transparent : ce qui indique que les hommes spirituels ont, parmi eux, l’ordre du parfum vivant qui se voue à la secrète régénération, et l’ordre de leurs auxiliaires. Mais la nuit possède la lumière de la lune et des étoiles et l’obscurité de l’ombre ténébreuse : ce qui indique que parmi les hommes du siècle, il y a les justes qui brillent dans leurs œuvres, et les pécheurs qui sont plongés dans l’obscurité de leurs crirnes.



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