Jean Climaque

L’Échelle sainte - extraits sur la colère

La colère
samedi 2 décembre 2006.
 

128. Ceux qui vivent en communautés, doivent faire sans doute une guerre mortelle à tous les vices ; mais il en est surtout deux que tous les jours de leur vie ils doivent attaquer avec plus de vigueur et de courage que les autres. Ces deux vices sont l’intempérance et la colère. Or je dis que ces vices doivent être l’objet particulier des cénobites, parce que ces passions trouvent dans la société des personnes qui vivent avec nous, les aliments qui leur conviennent. 326 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

3. Vous tous qui, par vos offenses multipliées, avez irrité la colère de Dieu, accourez, approchez, venez et écoutez ; rassemblez-vous, et considérez avec moi les merveilles qu’il a plu à Dieu de me découvrir et de me faire connaître, pour l’exemple et le salut des autres. Commençons d’abord par dire quelque chose de ces hommes dévoués à Jésus Christ par des humiliations profondes, dignes par là même de nos louanges et de la première place. Écoutons, contemplons et imitons ces beaux modèles, nous tous qui sommes tombés dans des fautes mortelles ! Réveillez-vous donc et soyez attentifs, ô vous qui êtes encore sous l’esclavage honteux du péché ! Mes frères, daignez prêter l’oreille à mes paroles ; et vous, qui que vous soyez, si vous désirez sincèrement vous réconcilier avec Dieu par une véritable conversion, ne manquez pas de donner ici toute votre attention. 348 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ

16. Ah ! Au milieu de ces hommes, pouvait-on y voir le moindre signe de joie ? Y entendait-on la moindre parole inutile ? Y était-on témoin de quelque impatience et de quelque colère ? Ils avaient même oublié que les hommes fussent capables de se livrer aux emportements, tant leur grande affliction avait éteint dans leur coeur tout mouvement déréglé. Voyait-on parmi eux la plus légère apparence de querelle, le moindre relâche, la plus petite licence dans les conversations, le soin le plus ordinaire pour leur corps, le vestige le moins apparent de vaine gloire, la plus faible inclination pour les aises et les commodités de la vie ? Pensaient-ils au vin, aux fruits, aux mets assaisonnés et aux viandes préparées ? La nourriture qu’ils prenaient, avait-elle pour eux quelque saveur ? Mais ils avaient perdu tout sentiment pour toutes ces choses. S’occupaient-ils quelquefois des affaires du monde ? Avaient-ils du penchant à faire des jugements téméraires, ou fondés, sur quelqu’un de leurs frères ? Jamais. 362 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ

37. Gardez-vous bien d’avoir confiance à quelqu’un qui, sachant que vous vous êtes rendu coupable de quelque faute considérable, vous suggérerait de ne pas faire attention aux fautes légères auxquels chaque jour vous vous trouveriez exposé, et vous dirait d’une part, par rapport à la faute considérable, qu’il serait bien à désirer pour vous que vous ne l’ayez pas commise, et d’autre part, par rapport aux fautes légères, qu’elles ne sont rien ; car les soins multipliés que nous employons, sont semblables aux petits présents qu’on fait. N’est-il pas reconnu que souvent ces petits présents, à force de les multiplier, ont apaisé la colère du souverain Juge ? 386 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ

33. Si donc nous apercevons, dans ceux qui croient eux-mêmes être vraiment affligés selon Dieu, quelques mouvements de colère et quelques sentiments d’orgueil, nous pouvons, sans craindre de nous tromper, juger que leurs larmes ne sont pas sincères et qu’elles ne sont pas produites par une véritable componction ; car, comme le dit saint Paul : "Qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres" (2 Cor 6,14) ? 480 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

66. Pense-t-il aux exercices du Gymnase et aux pièces qu’on doit jouer sur le théâtre, le criminel qu’on a condamné à la peine capitale ? Or, celui qui pleure des péchés qui lui ont mérité des tourments éternels, pourrait-il se livrer au plaisir, à la vaine gloire, à la colère et à la mauvaise humeur ? 521 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

72. J’ai vu des personnes qui étaient, pour ainsi dire, montées au dernier degré de la pénitence. Elles avaient une contrition si vive et si poignante de leurs péchés, qu’elles allaient jusqu’à vomir du sang. Cette vue m’a rappelé ces paroles du psalmiste : "J’ai été frappé, Seigneur, par les fléaux de votre colère, comme l’herbe l’est par les rayons du soleil, et mon coeur s’est desséché" (Ps 101,5). 527 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

De la Douceur, qui triomphe de la colère. 539 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

1. L’eau qu’on répand peu à peu sur un incendie, finit par l’éteindre entièrement ; c’est ainsi que les larmes que nous fait verser une véritable douleur de nos péchés, compriment et font mourir les mouvements de la colère, et calment l’impétuosité du coeur : c’est pour cette raison que nous allons traiter de la douceur et de la bonté de l’âme. 541 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

2. La victoire qu’on remporte sur la colère, consiste donc essentiellement dans une soif inextinguible et dans un désir insatiable de mépris et d’humiliations, comme la vanité consiste dans un désir immense d’honneurs et de louanges. La douceur est donc une victoire que nous remportons sur la nature, en souffrant toute sorte d’injures avec une inviolable patience, laquelle couronne enfin nos combats et nos fatigues. 542 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

4. Tenir notre langue en captivité et garder le silence, lorsque notre coeur est violemment agité, voilà les premières armes de cette vertu, et les premiers avantages qu’elle obtient sur la colère : savoir calmer le tumulte intérieur de nos pensées et de nos sentiments dans les moments auxquels nous sommes agités, voilà quelques progrès que nous faisons dans la pratique de la douceur ; mais conserver notre âme dans le calme et la tranquillité au milieu des vents les plus impétueux, des tempêtes les plus furieuses, voilà la perfection de la douceur et de la victoire que nous remportons sur la colère. 544 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

8. La colère a bientôt corrompu les moeurs douces et tranquilles, et gâté le coeur, en le couvrant d’une horrible difformité. 548 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

9. Comme les ténèbres prennent bien vite la fuite, lorsque le soleil répand ses rayons sur la terre : de même l’aigreur et la colère disparaissent promptement, lorsque l’humilité présente et verse ses parfums odoriférants. 549 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

10. Néanmoins on rencontre encore des personnes qui, quoiqu’une déplorable expérience leur ait fait sentir combien facilement elles se laissent aller à des mouvements de colère, ne cherchent et n’emploient pas les moyens et les remèdes capables de guérir leur coeur de cette funeste maladie. Les insensées ! Elles oublient cette sentence mémorable : "Le moment de la colère est le moment de la perte et de la ruine d’une âme." (Sir 1,22). 550 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

11. Les mouvements de colère ne sont que trop semblables aux mouvements d’une meule de moulin : ils sont capables en un instant de faire perdre à une âme, plus de froment et d’avantages spirituels, que d’autres ne lui en raviraient en un jour entier. 551 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

14. Une pierre qui est aiguë, à force de se heurter contre d’autres pierres, perd ses pointes et s’arrondit ; de même une personne d’un tempérament bilieux et colère, si elle vit avec des gens de la même complexion, éprouvera nécessairement un de ces deux effets : ou elle corrigera par la patience son humeur emportée et violente ; ou bien, vaincue par les injures qu’elle reçoit, elle se retirera de leur société, et fera voir par cette retraite combien elle a peu de force et de courage. 554 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

15. Un homme esclave de la colère est un épileptique spirituel qui, d’abord par sa propre volonté, ensuite par la nécessité de l’habitude, tombe, se froisse et se déchire. 555 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

16. Rien n’est plus funeste à ceux qui pleurent leurs péchés que cette passion furieuse : elle trouble leur coeur et les empêche de revenir à Dieu par les sentiments de l’humilité, que leur inspire cependant la vie religieuse qu’ils ont embrassée ; car la colère est une preuve évidente qu’on est dominé par l’orgueil. 556 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

17. Si c’est la perfection de la douceur d’être calme et tranquille, et de conserver des sentiments d’amour et d’affection pour la personne qui nous a offensés, même en sa présence, n’est-ce pas le comble de la fureur de nous emporter et de manifester notre colère par des paroles et des actions contre celui qui nous a mortifiés et irrités, lorsque nous sommes seuls, et qu’il est loin de nous. 557 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

18. Si l’Esprit saint, comme il l’est en effet, est appelé la paix de l’âme, et que la colère, comme elle l’est aussi, soit nommée le trouble de l’âme, ne devons-nous pas conclure nécessairement que c’est surtout la colère qui nous prive de la présence de ce divin Esprit ? 558 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

19. Parmi les enfants nombreux et méchants de la colère, il en est un qui, malgré sa méchanceté, nous procure quelque avantage. En effet j’ai vu des personnes qui, s’étant enflammées de fureur, ont par un emportement subit et violent, chassé de leur coeur une aversion qu’elles y nourrissaient depuis longtemps ; car elles ont par là donné lieu à celui qui les avait offensées, ou de leur témoigner le regret qu’il éprouvait de sa conduite passée, ou de leur donner une satisfaction convenable. C’est ainsi que par un mouvement de colère elles se sont délivrées de cette passion. Mais aussi j’en ai vu d’autres qui, par une hypocrisie infernale, faisaient semblant de souffrir avec patience les injures qu’on leur disait, mais qui en gardaient un souvenir exact et parfait. 559 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

20. Or je crois ces personnes plus mauvaises que celles qui se laissent aller aux emportements de la colère ; car elles ont souillé et terni la blancheur et la simplicité de la colombe par la couleur noire et infecte de la haine. 560 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

22. J’ai encore remarqué que certaines personnes étaient tellement transportées de colère, qu’elles n’en pouvaient rien manger et que cette abstinence, au lieu de calmer leur fureur, ne faisait que de l’augmenter ; mais au contraire, j’en ai remarqué d’autres qui, dans leurs accès de colère, en croyant qu’elles avaient raison, se portaient avec une espèce de rage sur les viandes, et les dévoraient avec une voracité effrayante : c’est ainsi que ces misérables tombaient d’une fosse dans un abîme. Enfin j’en ai vu qui, plus sages et semblables à des médecins expérimentés, savaient garder un juste milieu entre ces deux extrémités, et en retiraient de très grands avantages. 562 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

Lorsqu’il m’arrivait de trouver des gens qui se plaignaient amèrement de se voir tentés et de colère et de mollesse, je les pressais fortement de ne se conduire jamais eux-mêmes, mais de vivre sous le joug de l’obéissance. C’est pourquoi il m’arrivait souvent de prier charitablement leur supérieur de leur permettre de vivre tantôt dans la solitude, tantôt dans l’intérieur du monastère, de manière néanmoins que, dans l’un ou l’autre de ces deux états, ils fussent toujours sous la dépendance et l’autorité de leur supérieur. 566 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

25. S’il est vrai que ceux qui sont portés aux plaisirs des sens et à la mollesse, non seulement se perdent eux-mêmes mais souvent perdent les personne, qui ont le malheur de s’attacher à eux et de les fréquenter il est également vrai que, comme un loup furieux, l’homme colère est capable de mettre le trouble dans toute une communauté et de perdre un grand nombre d’âmes. 567 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

29. Si un mauvais moine, comme nous l’avons dit plus haut, aidé du démon et semblable à un loup, et capable de mettre le trouble dans toute une maison religieuse ; un bon moine, par une raison contraire, choisi parmi les plus prudents et les plus sages, et secouru de son ange, ne pourra-t-il pas répandre l’huile précieuse de la douceur au milieu de ses frères, apaiser les tempêtes excitées par les vents furieux de la colère, et ramener heureusement le vaisseau au port de la tranquillité et du calme ? De sorte que, comme le mauvais moine par sa conduite ne mérite que d’être jugé condamné et puni, le bon moine, qui par sa douceur est devenu l’exemple et le modèle de ses frères, est digne de recevoir une récompense proportionnée à la grandeur et à l’importance des services qu’il a rendus. 571 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

31. Mais voici une chose vraiment pitoyable : c’est que les personnes irascibles ont coutume, par une inconcevable vanité, de se fâcher et de se mettre en colère, parce qu’elles se sont laissées vaincre par leur mauvaise humeur. En vérité n’est-ce pas pitié de faire une nouvelle chute, en voulant se punir d’en avoir fait une première ? Pour moi en considérant l’excessive malice du démon, j’en suis tout interdit ; car en voyant ces personnes, je crus percevoir qu’elles n’étaient pas loin de se laisser aller à un funeste découragement. 573 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

32. Si quelqu’un voit qu’il se laisse facilement vaincre par la vanité et la colère, par la méchanceté et l’hypocrisie, et qu’il soit résolu d’employer contre ces vices l’épée à deux tranchants de la douceur et de la patience, je lui conseille fortement d’entrer dans une communauté de frères comme dans un atelier qui lui sera très salutaire ; de choisir, s’il veut de tout son coeur se corriger parfaitement, la maison où les règles et la discipline sont le plus austères, afin que, par les humiliations, les mépris et les épreuves les plus dures il soit comme flagellé, déchiré, taillé, écrasé et foulé aux pieds. C’est ainsi qu’il purifiera son âme des fautes qu’il a faites et qu’il comprendra la vérité d’une parole assez usitée dans le monde ; car pour s’en glorifier il n’est pas rare d’entendre dire dans les compagnies, à ceux qui ont accablé quelqu’un d’injures et d’outrages : "Je lui ai lavé la tête à ma façon". 574 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

33. Il y a une différence essentielle entre la victoire que de jeunes convertis remportent sur la colère, en se servant des armes d’une humble pénitence, et l’immobile tranquillité d’âme de ceux qui sont parvenus à la perfection de la douceur, car dans les premiers, les larmes, comme une espèce de chaîne, lient et répriment la colère ; tandis que dans les derniers, la tranquillité et le calme de leurs coeurs insensibles aux injures, a donné la mort à cette passion, comme une épée la donnerait à un serpent. 576 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

35. Comme dans nos corps, quoique la fièvre soit une même maladie, elle ne laisse pas d’avoir plusieurs causes ; de même la colère, ainsi que les autres passions, a plusieurs causes et plusieurs principes. Il est donc impossible de donner ici des instructions, particulières et relatives à chaque cause et à chaque principe. Tout ce que je peux faire, c’est de conseiller à ceux qui se sentiraient affectés de cette passion, de rechercher avec soin les remèdes qui leur conviennent et qui soient capables de les guérir ; de bien connaître surtout la cause du mal, afin qu’en la connaissant parfaitement, ils puissent par la Bonté de Dieu, et par la direction de leur médecin spirituel, employer les remèdes dont ils ont besoin. Qu’ils se présentent donc, et qu’ils entrent avec nous dans cette recherche que nous avons proposée aux moines, tous ceux qui, touchés des paroles que nous leur adressons, désirent connaître le véritable état de leur âme ; qu’ils examinent sérieusement, et dans le plus profond silence, quels sont les tristes effets et les principes funestes des passions dont nous venons de parler. 578 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

36. Il faut lier et enchaîner, comme un tyran cruel, un coeur colère et emporté ; mais c’est avec les chaînes d’une douceur et d’une patience constantes ; il faut encore le frapper avec les verges de la clémence, et le faire conduire par la charité devant le tribunal de la raison souveraine de Dieu, pour répondre aux questions qu’on pourra lui faire. 579 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

Dis-nous donc, folle et impudente passion de la colère, dis-nous le nom de ton père, de la mère qui t’a malheureusement donné le jour, et des enfants corrompus qui sont nés de toi ? Dis-nous qui sont ceux qui, par la guerre qu’ils te font, peuvent t’exterminer et te faire disparaître ? À toutes ces questions quelles réponses va nous donner la colère ? Il me semble l’entendre nous répondre : "Plusieurs causes ont concouru à me donner l’existence : je n’ai pas seulement un père, mais j’en ai plusieurs, et le premier qui concourt à me donner l’existence, c’est l’orgueil. J’ai aussi plusieurs mères parmi lesquelles vous devez remarquer la vaine gloire, l’avarice, l’intempérance, la luxure. Mes filles sont la pensée des



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