Les étapes de la conversion

mercredi 17 décembre 2008.

Qui de nous ne peut confesser, Seigneur, que votre miséricorde à notre égard est grande ? C’est pourquoi je me propose de dire quelques mots sur la multitude des miséricordes divines, afin que celui qui les comprend prenne de là occasion de les comprendre mieux encore.

Or je remarque sept miséricordes de Dieu sur moi, qui sont comme les sept pains dont je suis rassassié dans ce désert, et que vous remarquerez aussi facilement en vous. La première consiste en ce que le Seigneur m’a préservé de beaucoup de péchés pendant que j’étais encore dans le monde. Je dis que c’est la première, non de toutes celles qu’il m’a faites, mais des sept dont je parle. Car qui ne voit que, si j’ai commis bien des fautes, sans le secours de la bonté toute-puissante de Dieu, j’en aurais commis encore un bien plus grand nombre. Je le confesse et le confesserai : si le Seigneur ne m’avait aidé de sa grâce, mon âme serait bientôt tombée dans toute sorte de péchés. Quelle charité plus admirable que la grâce ait conservé un ingrat qui la méprisait ! que dans le moment où il agissait contre Dieu et foulait aux pieds sa loi, ce Dieu de bonté n’ait pas laissé de continuer à le protéger pour l’empêcher de porter plus loin son audace !

Par quelles paroles, Seigneur, pourrai-je expliquer la seconde miséricorde dont vous avez usé à mon égard ? Qu’elle a été bonne, libérale, gratuite ! Je péchais, et vous dissimuliez ! Je ne cessais de courir après les vanités du monde, et vous différiez de me punir ! Je prolongeais mon iniquité, et vous ne mettiez point de bornes à votre bonté ! Mais de quoi servirait la patience, si elle n’était suivie de la pénitence ? Elle mettrait le comble à ma condamnation, et vous me reprocheriez justement votre silence, en me disant : « Tu as fait cela et je me suis tu » [1].

La troisième miséricorde a donc paru en ce que le Seigneur a visité et changé mon cœur, de manière que le mal, qui lui paraissait doux auparavant, lui est devenu amer. Je me réjouissais en me livrant au péché, je mettais mon plaisir dans l’iniquité ; j’ai enfin commencé à repasser devant Dieu, dans l’amertume de mon âme, les années de ma jeunesse. Oui Seigneur, c’est vous qui avez remué la terre dure de mon cœur et qui l’avez pénétrée d’une sainte frayeur. Voyez le trouble où je suis plongé et faites moi trouver ma guérison dans ma douleur. Car combien qui n’ont tiré aucun profit de leur pénitence, parce qu’elle a été réprouvée comme leur faute ? Vous m’avez donc reçu à la pénitence, et c’çst la quatrième miséricorde dont vous avez usé envers moi, de sorte que j’ai été du nombre de ceux que le Psalmiste appelle bienheureux, lorsqu’il dit : « Heureux ceux dont les iniquités sont pardonnées » [2].

Vient ensuite la cinquième miséricorde par laquelle vous m’avez accordé la grâce de m’abstenir du péché et de ne point retomber par mes rechutes dans un état pire que le premier. Mon Seigneur et mon Dieu, il est clair que c’est ici l’ouvrage de votre seule grâce et non celui de la force humaine. Ce n’est que par elle seule que l’homme, devenu esclave du péché, peut avoir la force de secouer son joug. Car quiconque commet le péché est esclave du péché [3], et il n’y a qu’une main puissante qui puisse le délivrer de cet esclavage. Mais maintenant, après nous avoir mis en liberté par ces cinq effets de votre miséricorde, afin que nous accomplissions ce qui est écrit : « Évitez le mal et faites le bien » [4], par les deux autres vous nous faites participants de vos dons. Et ces deux sont la grâce de mériter, par laquelle vous nous accordez le présent d’une bonne vie, et l’espérance, par laquelle vous donnez à l’homme indigne et pécheur de présumer assez de votre bonté, dont il a tant de fois fait l’expérience, pour espérer les biens célestes. (Deuxième sermon pour le sixième dimanche après la Pentecôte, 3-5.)

Voir en ligne: JesusMarie.

[1] Ps. XLIX, 21.

[2] Ps. XXXI, 4.

[3] Jean VIII, 34.

[4] Ps. XXXIII, 15.



Forum