La pureté du regard

mercredi 17 décembre 2008.

« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu » [1]. C’est là une grande promesse, mes frères, et digne de fixer tous les désirs de notre cœur. Car une telle vision est la confirmation de nos espérances, ainsi que l’a dit l’Apôtre saint Jean : « Nous sommes dès ce monde enfants de Dieu ; mais nous n’avons pu connaître encore ce que nous serons un jour. Nous savons que lorsqu’il paraîtra visiblement, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est » [2]. Cette vision de Dieu, c’est la vie éternelle, selon que l’enseigne dans l’Évangile la Vérité elle-même : « La vie éternelle, c’est de vous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, et de connaître Jésus-Christ que vous avez envoyé » [3].

C’est une horrible tache dans l’œil de notre âme que celle qui nous prive d’un telle vision ; et c’est de notre part une détestable indifférence que de ne pas chercher à y porter remède. Car, ainsi que l’usage de la vie corporelle nous est interdit quelquefois ou par un vice intérieur de l’organe, ou par l’effet de la poussière qui vient s’y jeter du dehors ; de même la vue spirituelle peut être offusquée à son tour, tantôt par les plaisirs charnels, tantôt par les dissipations et les vains intérêts du monde. C’est ce que nous apprenons aussi bien de notre propre expérience que du témoignage des saints Livres, où il est écrit : « Notre corps sujet à la corruption arrête l’élan de notre âme, et le séjour de la terre affaisse notre esprit et gêne l’essor de ses pensées » [4]. Mais ce qui, dans l’un et l’autre cas, émousse et obscurcit l’œil de notre âme, c’est uniquement le péché ; et il me semble qu’il n’y a point d’autre obstacle entre cet œil et la lumière, entre l’homme et Dieu. Aussi longtemps, en effet, que nous habitons ce corps terrestre, nous vivons éloignés de Dieu. Certes, ce n’est pas la faute de notre corps, je veux dire de ce corps mortel dont nous sommes revêtus, mais cela vient de ce que notre chair est un véritable corps de péché, où ne réside point le bien, mais où domine la loi du péché. Il arrive cependant parfois que l’œil du corps, bien que débarrassé, par la main ou par le vent, du brin de paille qui l’aveuglait, paraît quelque temps obscurci. La même chose arrive assez souvent aussi pour l’œil intérieur dans l’homme dont l’esprit médite. Ce n’est pas quand on vient de retirer le fer qu’une blessure est à l’instant guérie ; mais il faut commencer alors de donner des soins à la plaie et de travailler à sa guérison. Que nul ne s’imagine donc qu’en se débarrassant de ses vieilles souillures, il soit incontinent purifié : mais qu’il sache bien, au contraire, qu’il a besoin encore de fréquentes purifications ; et que ce n’est pas avec l’eau seulement qu’il doit laver ses plaies, mais qu’il doit employer encore la purification et l’épreuve du feu, pour pouvoir dire avec le Prophète : « Nous sommes passés par l’eau et par le feu et tu nous a conduits au séjour du repos » [5].

« Heureux donc ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ». Dans cette vie, sans doute, il ne se montre à nous que comme dans un miroir et à travers une énigme ; mais plus tard, nous le verrons face à face [6], et ce sera lorsque notre visage aura été lavé de toute impureté, afin que Dieu l’admette devant lui dans la gloire, n’ayant plus ni tache ni ride. (Sur la conversion, XVII, 59-62.)

Voir en ligne: JesusMarie.

[1] Matth. V, 8.

[2] 2 Jean III, 2

[3] Ibid. XVII, 3

[4] Sag. IX, 15

[5] Ps. IXV, 12.

[6] I Cor. XIII, 12.



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