La conversion

jeudi 11 octobre 2007.

Véritablement, chaque jour l’expérience le fait voir : ceux qui songent à se convertir sont plus vivement tourmentés par la concupiscence de la chair, ceux qui veulent s’enfuir de l’Egypte et secouer le joug du Pharaon sont accablés d’une plus forte charge de boue et de briques.

Fasse le ciel que celui qui en est là se sauve de l’impiété et qu’il sache éviter ce gouffre épouvantable dont il est parlé dans l’Écriture : « Quand l’impie est tombé dans l’abîme de la perversité, il n’y a plus en lui que du mépris » [1]. Un tel mal, en effet, ne peut être guéri que par un remède énergique ; et le malade courra les plus grands risques, s’il n’apporte un soin extrême à suivre les conseils du médecin et à observer ses ordonnances. Pour lui l’épreuve est violente, et voisine du désespoir ; à moins que, recueillant toute sa sensibilité, il ne la tourne vers sa pauvre âme, dont il voit le triste et lamentable état, et qu’une voix d’en haut ne dise à son oreille : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés » [2].

Qu’il pleure donc abondamment, car le moment de pleurer est venu, et il y a ici assez de motifs pour des larmes continuelles. Qu’il pleure, mais non sans amour, non sans espérer de consolation. Qu’il considère qu’il ne saurait trouver nul repos en lui-même, mais que tout n’est en lui que misère et désolation. Qu’il considère qu’il n’est pas dans la chair de bonheur véritable, mais que dans ce monde pervers il n’y a que vanité et affliction d’esprit. Qu’il considère, dis-je, qu’il ne rencontre de consolation ni au dedans de lui-même, ni autour de lui, ni au dessous de lui, afin d’apprendre ainsi, du moins, qu’il doit la demander plus haut, que c’est d’en haut qu’il faut l’attendre. Qu’il pleure cependant encore, et qu’il exhale ses douleurs, que ses yeux deviennent des sources de larmes ; qu’il n’y ait plus de repos pour ses paupières. C’est par les larmes, en effet, que se purifie l’œil obscurci de nuages et que la vue se fortifie pour soutenir l’éclat de la très sereine lumière.

Cela fait, qu’il commence enfin à regarder le ciel par une étroite ouverture, qu’il porte ses regards au loin à travers les grilles de sa prison, qu’il poursuive d’un œil d’amour le rayon protecteur, et que fidèle imitateur des Mages, il cherche la lumière en suivant la lumière. Car de la sorte il trouvera cette tente mystérieuse où il est donné à l’homme de manger le pain des Anges, il trouvera ce paradis de délices que le Seigneur a planté de ses mains, ce parterre embelli des plus aimables fleurs, où l’on respire une fraîcheur charmante, et il dira : « O si ma malheureuse volonté pouvait entendre ma voix ! si elle venait voir ce fortuné séjour, visiter ce lieu de délices ! Oui, c’est ici, n’en doutons pas, qu’elle trouvera le repos et qu’elle cessera de me tourmenter, n’étant plus tourmentée elle-même. Car il n’est pas menteur Celui qui a dit : « Prenez mon joug sur vos épaules, et vous trouverez le repos de vos âmes »...

... Le Seigneur viendra au secours de celui qui le cherche et de l’âme qui espère en lui, il exaucera ses vœux suppliants et donnera de l’efficacité à ses paroles. La volonté sentira s’éveiller son désir ; et non seulement elle voudra voir ce lieu délectable, mais peu à peu elle demandera d’y être admise et même d’y fixer sa demeure. (Sur la conversion, XI, 40-42, 44.)

Sur la conversion, XI, 40-42, 44.

Voir en ligne: JesusMarie.

[1] Prov. XVIII, 3.

[2] Matth. v, 5.



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