Si tu peux t’abstenir de nourriture assez pour ne prendre des aliments qu’une fois par vingt-quatre heures et cela au coucher du soleil, prends cette habitude pour toi-même avec le conseil et la bénédiction d’un plus ancien, qui a acquis de l’expérience et du jugement...
Si tu ne peux te contenter d’un repas (par jour), alors lorsqu’arrive l’heure des repas, rends-toi au réfectoire avec la communauté. Ne te sépare pas de tes frères.
Si tu es désigné pour le service de tes frères, remplis cet office en toute piété, crainte et joie intérieure ; sers comme tu ferais pour lé Christ lui-même et ses anges et pas comme pour des hommes.
Montre à toute la fraternité d’amicales dispositions et un amour ardent ; que la joie brille dans ton coeur, dans ton regard et sur ton visage et qu’ils soient remplis de vénération spirituelle ; attache ton âme fortement à la communauté et fais son service en toute sincérité sans, la moindre hypocrisie. Ne te permets pas de penser recevoir de qui que ce soit la moindre louange, mais figuretoi que tu es au service de Dieu et de ses anges, service dont tu es entièrement indigne, mais dont le Seigneur daigne te charger.
Veille avec soin à ne pas laisser entrer dans ton âme la pensée que tu accomplis excellemment le service de tes frères. Ne donne pas accès à de telles pensées vaines, inutiles, nuisibles et pernicieuses. Car elles s’insinuent furtivement dans l’âme humaine de façon que celle-ci, parfois, ne s’aperçoit pas que son esprit s’élève et lui prépare une chute.
L’orgueil s’établit dans l’homme, lorsqu’il ne pense pas à son âme. Aussi prends conscience de toi-même et prémunis-toi de toute manière contre l’orgueil et la fatuité, comme d’un mal spirituel très grand. Tu ne les chasseras de toi-même que par des paroles de reproche à toi-même et par des humiliations (volontaires).
Mets-toi dans des dispositions telles que tu puisses intérieurement et de tout coeur dire : « Je ne serais pas seulement indigne de m’asseoir avec la communauté au réfectoire, mais même de la servir ou de lever les yeux sur elle, si la miséricorde de Dieu ne m’avait pas rendu capable de le faire... »
Evite autant que tu pourras d’agir avec une témérité blâmable ; ne te hasarde pas à toucher à quelque mets que ce soit sur la table avant le prêtre qui préside ou un confrère plus âgé que toi. Même si tu es avec un plus jeune, regarde-toi comme indigne de commencer à manger ou à boire avant lui. Attends que tous se mettent à- manger ou à boire : alors mange avec actions de grâces, humilité et componction. Occupe-toi le moins possible du goût de la nourriture, pour savoir si elle est bonne ou mauvaise, ou quel est tel aliment ou si on présente à tel ou tel beaucoup ou peu ; garde ton âme pure de ces préoccupations.
Ne cesse pas (en mangeant) de dire dans ton entendement la prière de Jésus ; par ta langue mêle-la aux aliments, c’est-à-dire qu’ils soient assaisonnés de cette prière. Par cette pratique tu ne ressentiras aucun goût désagréable dans la nourriture et tu ne seras pas envieux, parce qu’on aurait donné à un confrère plus ou mieux qu’à toi. Crois fermement que Jésus rendra succulent à ton palais les mets offerts et tout te semblera agréable.
Avant tout ne permets pas que ton âme se laisse aller au murmure et au désir d’avoir plus grande part aux mets les plus appétissants. Si une pareille pensée t’arrive, prive-toi des meilleurs aliments ou bien interdis-toi de manger pour que d’avance ton esprit n’ose s’attacher à cette délectation.