SERMONS

Augustin : POUR LA VEILLE DE PAQUES.

CINQUANTE-TROISIÈME SERMON
samedi 31 mars 2018.
 

1. Avec l’aide miséricordieuse de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, nous devons, frères bien-aimés, célébrer religieusement ce jour qui lui est solennellement consacré : qu’en cette fête, sa bonté ineffable à notre égard soit, pour nous, un sujet d’admiration ! En effet, il ne s’est point contenté de subir toutes sortes d’infirmités pour opérer l’oeuvre de notre rédemption, il a voulu encore partager le culte que nous rendons à Dieu en différentes solennités, et faire de chacune d’elles une occasion précieuse de mériter l’éternel bonheur ; car, alors, notre sainte religion nous invite, par ses attraits, à sortir du long sommeil de notre inertie ; aussi, pour nous préparer à la célébration de ces grands jours, nous éveillons-nous, non point malgré nous, mais avec empressement et de bon coeur. Puisque nous avons entendu volontiers son appel, sortons donc de notre léthargie, passons, dans les élans de la joie, cette sainte nuit de Pâques, et célébrons cette grande solennité avec toute la dévotion dont notre âme est capable. Elevons-nous au-dessus de ce monde, pour échapper à la mort qui doit le ravager : par nos désirs, faisons descendre du ciel les rayons brillants de sa divinité, célébrons la Pâque, « non avec le vieux levain, ni avec le levain de la malice et de l’iniquité, mais avec les, azymes de la sincérité et de la vérité [1] », c’est-à-dire, non dans l’amertume de la malice humaine, car tout ce qui ne vient que de l’homme n’est pas sincère ; mais dans la sincérité de la sainteté qui vient de Dieu. La sainteté qui vient de Dieu consiste dans la chasteté, l’humilité, la bonté, la miséricorde, l’humanité, la justice, la douceur, la patience, la vérité, la paix, la bénignité : tel est l’ensemble de la sainteté chrétienne, que corrompt le levain de la malice humaine ; or, ce levain n’est autre que l’impudicité, l’orgueil, l’envie, l’iniquité, l’avarice, l’intempérance, le mensonge, la discorde, la haine, la vaine gloire, toutes choses auxquelles l’apôtre saint Paul veut que nous restions étrangers ; car il nous dit : « Non avec le vieux levain de la malice ».

2. Que la Pâque du Christ devienne le sujet de notre joie ! C’est pour nous, en effet, qu’il naît, qu’il meurt dans les souffrances et qu’il ressuscite ; c’est afin que, par lui, nous renaissions à la vie au milieu des tribulations, et qu’avec lui nous ressuscitions dans la pratique de la vertu. N’a-t-il pas, dans cette nuit, opéré la restauration de toutes choses ? Il y est ressuscité en qualité de prémices, afin que nous ressuscitions tous après lui : il y brise les chaînes de notre esclavage, il nous rend la vie que nous avons perdue en Adam. Celui qui nous a formés à l’origine des temps, revient, après son voyage sur cette terre, à sa patrie, au paradis, de la porte duquel il a écarté le chérubin. A partir de cette nuit où s’est opérée la résurrection du Seigneur, le paradis est ouvert. Il n’est fermé que pour ceux qui se le ferment, mais il n’est ouvert que par la puissance du Christ. Qu’il revienne donc au ciel, et nous devons le croire ; qu’il revienne au ciel Celui qui ne l’a jamais quitté ! Qu’il monte à côté du Père, Celui qui y est toujours resté. De fait, ne croyons-nous pas que la vie est morte pour nous ? Et comment la vie est-elle morte ? Nous croyons que le Christ, qui est mort, qui a été enseveli, qui est ressuscité et monté au ciel, n’a jamais, pour cela, quitté le Père et le Saint-Esprit.

3. Phase ou Pâque signifie : passage ou traversée. Consacrons-nous nous-mêmes en (729) nous marquant du sang du Christ ; ainsi passera, sans nous nuire, celui qui ravage le monde ; ainsi la mort, qui doit faire tant de victimes, nous épargnera. Ceux-là sont épargnés par le démon, ceux-là échappent à ses coups, devant lesquels il ne s’arrête pas ; car le sang du Christ une fois placé sur une âme, les innombrables gouttes de pluie que le diable répand sur le monde ne peuvent ni humecter ni délecter cette âme. Puissions-nous donc nous trouver ainsi imbibés du sang du Christ, c’est-à-dire marqués du signe de sa mort ! Ce signe reste parfaitement imprimé sur nous, aussi longtemps que nous mourons et que nous vivons pour celui qui est mort pour nous. Le sang du Christ rejaillit, en quelque sorte, sur trous, quand nous portons sa mort en nous [2], de manière à ne jamais le laisser effacer par la pluie des passions humaines ou par l’eau torrentielle des persécutions du siècle. Que ce sang sèche donc sur nous, qu’il en devienne à jamais inséparable ; qu’il se répande sur nous et nous teigne : que non-seulement il nous teigne, mais nous purifie encore, après qu’il nous aura fait mourir au monde. Le Dieu qui a imprimé le signe de sa croix sur tous nos membres, peut les purifier toujours. C’est par là que nous pourrons nous réunir aux élus dans le ciel, moyennant le secours de celui qui vit et règne, avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

[1] Cor. V, 8.

[2] II Cor. IV, 10.



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