Jean Climaque

L’Échelle sainte - extraits sur les passions

Les passions
samedi 2 décembre 2006.
 

4. Dieu est la vie et le salut de toutes les créatures raisonnables qu’Il a tirées du néant, soit qu’elles croient en Lui, ou qu’elles nient son Existence ; soit qu’elles soient justes, ou méchantes ; soit qu’elles pratiquent la piété, ou qu’elles se livrent à l’irréligion ; soit qu’elles se soient affranchies de leurs passions, ou qu’elles en soient les viles esclaves ; soit qu’elles soient entrées dans une communauté religieuse, ou qu’elles demeurent dans le siècle ; soit qu’elles aient de la science, ou qu’elles vivent dans les ténèbres de l’ignorance ; soit qu’elles jouissent d’une bonne santé, ou qu’elles languissent sur un lit de souffrances ; soit qu’elles soient à la fleur de l’âge, ou parvenues à la dernière vieillesse. Or toutes ces personnes, sont destinées à la grâce du salut, et peuvent en jouir, comme elles jouissent de l’effusion de la lumière, de la vue et des bienfaits du soleil, de la variété des saisons, et de toutes les autres choses qui existent et qui sont faites pour elles ; car auprès de Dieu "il n’y a pas de favoritisme". (Rom 2,11). 8 L’Échelle Sainte : PREMIER DEGRÉ

18. Mais remarquons ici que si, réellement, nous voulons sortir de l’Égypte et nous délivrer de la servitude de Pharaon, nous avons, ainsi que le peuple Juif, besoin d’un Moïse qui soit notre médiateur auprès de Dieu, qui étende avec ferveur des mains suppliantes vers le ciel, pendant que nous serons au combat, pour nous obtenir les forces et le courage dont nous avons besoin, et qui nous conduise de telle sorte que nous puissions heureusement traverser la mer Rouge de nos péchés, et mettre en fuite l’Amalec de nos passions tyranniques(Ex 14.15-22 ; Ex 17.8-13). C’est pourquoi ils ont été dans une illusion bien déplorable et bien funeste, ceux qui, pleins de confiance en leurs propres lumières, ont cru qu’ils n’avaient pas besoin de conducteur pour leur montrer le chemin de la vie spirituelle, et pour les y conduire. 22 L’Échelle Sainte : PREMIER DEGRÉ

43. Que les jeunes gens surtout prennent bien garde d’écouter la voix de ces esprits jaloux et rusés ; car ils leur suggéreront sans cesse de ne pas mater leurs chairs par tant de rigueurs, afin d’éviter des maladies et des infirmités qu’ils s’attireraient. "Mais trouvera-t-on jamais, et surtout dans le siècle où nous vivons, trouvera-t-on des gens qui, par des mortifications immodérées, aient triomphé de leur propre corps, et donné la mort à leurs passions, en se privant des choses nécessaires ? N’est-il pas suffisant de s’abstenir de l’intempérance, et de s’interdire les mets délicats ?" Tel est le langage insidieux des démons. Mais n’est-il pas évident que le dessein du démon, en nous parlant de la sorte, est de nous décourager et de nous rendre timides, lâches et négligents dès notre entrée au service de Dieu, afin que nous soyons aussi pauvres et misérables à la fin de notre carrière qu’au commencement ? 46 L’Échelle Sainte : PREMIER DEGRÉ

12. Ah ! si nous avons besoin en toute chose de beaucoup de prudence et de circonspection, c’est ici surtout que nous devons être sages et discrets ; car il n’est pas rare de voir un grand nombre de personnes qui, tandis qu’agitées dans le monde par des soins et des inquiétudes, surchargées d’affaires et d’occupations, affaiblies par des veilles profanes, s’étaient préservées de la folie et de la contagion des plaisirs charnels, devenir les tristes victimes de la plus honteuse des passions, lorsqu’elles sont entrées dans le repos et dans la tranquillité de la vie religieuse, ou dans le silence de la solitude. 69 L’Échelle Sainte : DEUXIÈME DEGRÉ

7. C’est pourquoi celui qui, pour l’amour du Seigneur, a quitté le monde, ne doit plus être animé que du désir de plaire à ce divin Sauveur : autrement il suivrait encore aveuglément les affections et les passions de son coeur. 91 L’Échelle Sainte : TROISIÈME DEGRÉ

12. Si donc, après avoir abandonné nos proches et notre famille, après avoir passé quelques années et même un grand nombre d’années dans la vie monastique, après avoir fait des progrès dans la piété et dans la pratique de la vertu, après avoir amèrement pleuré et réparé le temps de notre vie que nous avons passé dans le péché et dans le contentement de nos passions, après avoir heureusement reçu le don de continence et de chasteté, il nous vient dans l’esprit des pensées vaines et frivoles, comme de retourner dans notre patrie, sous le spécieux prétexte d’édifier par notre vie nouvelle et vertueuse ceux que nous avions scandalisés par notre vie licencieuse et déréglée, et, par notre éloquence, notre savoir et nos talents, d’être pour les peuples leurs sauveurs, leurs lumières, leurs docteurs et leurs conducteurs. Ah ! Soyons bien convaincus que ce n’est là qu’un piège que nous tendent les démons. Ils veulent nous faire perdre dans la haute mer le trésor que nous avons heureusement acquis loin des tempêtes et dans le port. 96 L’Échelle Sainte : TROISIÈME DEGRÉ

26. Lorsqu’enfin nous quittons le monde, il nous est important de nous retirer dans les lieux, où nous pouvons croire que nous trouverons moins de consolations humaines, moins d’occasions de vaine gloire, et où nous serons moins exposés à une funeste célébrité ; autrement nous ressemblerions aux oiseaux qui ne changent que d’air ; notre coeur serait le même, et nos passions auraient le même empire sur nous. 110 L’Échelle Sainte : TROISIÈME DEGRÉ

3. L’obéissance est donc un renoncement parfait à sa propre volonté, lequel se fait remarquer par des actions extérieures ; ou plutôt, c’est une entière mortification des passions dans une âme pleine de vie, c’est un mouvement qui nous fait agir avec une simplicité parfaite et sans aucune préférence, c’est une mort volontaire, une vie exempte de toute curiosité, une assurance au milieu des dangers, un excellent moyen de défense pour paraître devant Dieu, une sécurité désirable à l’heure de la mort, une navigation sans écueils et sans tempêtes, et un voyage qu’on fait en sûreté et sans peine. Oui l’obéissance donne à une âme la paix et le calme contre la crainte de la mort, ensevelit la volonté, et fait vivre l’humilité ; elle ne résiste et ne contredit jamais ; elle ne prononce aucun jugement, et regarde avec une égale indifférence les biens et les maux de la vie présente. Aussi l’homme qui aura saintement mortifié son coeur sous le joug de l’obéissance, n’aura rien à craindre pour ses actions, et paraîtra devant Dieu avec une confiance assurée. Enfin disons que l’obéissance est un renoncement entier à ses lumières personnelles et à son propre jugement, pour les soumettre parfaitement aux lumières et au jugement d’un supérieur. 143 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

6. Ainsi, lorsque nous avons enfin pris la résolution de porter le joug de Jésus Christ, et de confier à un père spirituel le soin et la conduite de notre âme, nous devons, s’il nous reste tant soit peu de jugement et de sagesse, bien voir et bien peser quelles sont les lumières et la prudence de celui à qui nous allons confier une affaire d’une aussi haute importance ; et, si j’ose m’exprimer ainsi, il nous faut tout employer pour connaître le directeur que nous choisissons, afin que nous n’ayons pas le malheur de tomber entre les mains d’un mauvais matelot, au lien d’un pilote expérimenté ; d’un homme ignorant et malade lui-même, au lieu d’un médecin sage et prudent ; d’une personne remplie de vices, au lieu d’une personne d’une vertu consommée, et d’un esclave de ses passions, au lieu de quelqu’un qui en serait parfaitement délivré : et qu’ainsi, en voulant éviter Scylla, nous ne tombions dans Charybde, et que nous ne fassions un déplorable naufrage. Au reste, une fois que nous serons entrés dans la carrière de la piété et de l’obéissance, nous devons absolument nous interdire tout jugement sur le vertueux directeur que nous aurons choisi, et ne censurer en aucune façon sa conduite, ni ses actions, quand même nous remarquerions en lui certaines imperfections et certaines chutes : hélas, nul homme sur la terre n’en est exempt ! En agissant autrement, nous ne retirerions aucun fruit de notre obéissance. 146 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

"Venez, venez ; oui venez ici, m’ajouta cet excellent ami, fixez parmi nous votre demeure, buvez avec nous l’eau amère des mépris et des humiliations ; elle deviendra bientôt douce et salutaire. Rappelez-vous que David chercha longtemps ce qui pouvait être le plus doux et le plus agréable à l’homme, sans pouvoir le trouver ; mais que s’étant demandé à lui-même quelle pouvait être cette chose, il se fit cette réponse admirable : "Qu’il est bon et agréable de vivre au milieu de ses frères !" (Ps 132,1). Si, cependant Dieu n’a pas jugé à propos de nous faire participer au bien excellent de cette patience et de cette obéissance, il nous sera du moins avantageux de reconnaître notre faiblesse et notre misère, afin que, si nous passions notre vie hors de cette carrière, nous soyons remplis d’estime pour ceux qui la parcourent, et que par nos prières, nous demandions à Dieu les grâces dont ils ont besoin pour combattre courageusement et remporter la victoire." 220 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

66. En effet ne faut-il pas que l’Océan soit agité, troublé et bouleversé, afin de rejeter sur le rivage, les pailles et les immondices qu’y entraînent les rivières et les fleuves ? C’est ainsi que notre âme est agitée de temps en temps, pour se débarrasser des saletés que nos passions, qui sont des fleuves par rapport à elle, lui apportent ; et si nous y réfléchissons encore, nous verrons que dans notre âme, comme sur la mer, une grande tempête est ordinairement suivie d’un grand calme. 251 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

71. Croyez-moi donc, mon fils, si dès le début, vous vous livrez entièrement aux souffrances, aux mépris et aux humiliations, vous n’aurez pas de longues années à combattre vos passions, à les vaincre, et à vous procurer la précieuse paix du coeur. 258 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

78. C’est l’obéissance qui produit l’humilité, et l’humilité produit la paix et le calme dans une âme ; car elle la délivre des tempêtes des passions, et lui procure une victoire parfaite sur son propre coeur. C’est ce que le roi-prophète nous enseigne par ces paroles : "Le Seigneur S’est souvenu de nous dans notre humiliation, et nous a délivrés des mains de nos ennemis" (Ps 135,23-24). Rien donc ne peut ici nous empêcher d’affirmer que l’obéissance engendre la paix précieuse du coeur, puisqu’elle produit l’humilité, et que l’humilité donne l’existence à cette paix, laquelle perfectionne et couronne l’humilité. Ainsi l’obéissance est le principe et la cause de l’humilité, et la paix de l’âme, qui est la fille de l’humilité, donne à sa mère la dernière perfection. C’est ainsi que Moïse, qui est la figure de l’obéissance, a donné le commencement de la loi, et que Marie, qui est l’image de la paix parfaite de l’âme, a donné la dernière perfection à l’humilité. 265 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

81. Comme un soldat sans expérience s’expose à un très grand danger en se séparant de sa compagnie pour aller seul combattre l’ennemi ; de même il s’expose à un danger pressant, le moine qui, sans avoir passé par les exercices spirituels, et sans connaître la manière dont on doit combattre et vaincre les passions, quitte la société de ses frères pour aller seul, dans la solitude, faire la guerre au démon. La témérité du soldat le met en danger de perdre la vie du corps, et celle du moine, de perdre la vie de l’âme. Aussi Esprit saint nous dit "qu’il vaut mieux être deux ensemble, que d’être tout seul," (Eccl 4,9) c’est-à-dire, que pour combattre efficacement ses mauvaises habitudes avec le secours et l’assistance du saint Esprit, il faut qu’un fils soit assisté par son père spirituel. 268 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

120. Je me rendrais également coupable de malice et de cruauté, si je passais sous silence des choses qu’il n’est pas permis de taire. Or c’est Jean Sabaïte, qui ne m’est pas peu cher, lequel m’a raconté ces choses merveilleuses ; et vous savez par votre propre expérience, mon respectable père, combien ce grand homme est exempt de passions et d’exaltation ; vous savez aussi combien il abhorre la vaine gloire dans ses paroles. Voici donc ce qu’il m’a dit : "Il y avait dans un monastère de l’Asie où je demeurais alors, un vieillard très négligent et d’une conduite très mauvaise ; je vous le dis, non pour juger des intentions secrètes de cet homme, mais pour l’honneur de la vérité. Or il arriva, je ne sais comment, que ce vieillard eut pour disciple Acace, jeune homme d’une admirable simplicité et d’une prudence étonnante. Ce jeune moine souffrit de la part de son maître tant et de si mauvais traitements, que bien des personnes refuseront de les croire ; car il ne se contentait pas de le couvrir et de l’accabler d’injures, d’outrages et d’humiliations, mais il le déchirait et lui sillonnait le corps de blessures et de plaies par les coups redoublés qu’il déchargeait sur lui tous les jours. Acace souffrait toutes ces indignités et ces cruautés avec une patience et une sagesse vraiment étonnantes. Or comme chaque jour je voyais que ce saint jeune homme était plus cruellement traité qu’un vil esclave, je lui adressais quelques paroles de consolation, lorsque je le rencontrais : Eh bien, mon cher Acace, lui disais-je, comment vous trouvez-vous aujourd’hui ? Qu’y a-t-il de nouveau pour vous ? Et pour toute réponse, ce bon moine me montrait des yeux tout ternes et sans vivacité, un cou tout meurtri et une tête remplie de plaies et de contusions ; et comme je savais combien sa patience était grande et généreuse, je me contentais de lui dire pour l’encourager : Courage, mon cher frère, tout va bien ; oui, tout va bien : souffrez toujours avec douceur et résignation, et vous recueillerez bientôt les fruits abondants de la patience. Or après avoir ainsi passé neuf ans sous la férule de cet impitoyable vieillard, son âme sainte s’envola vers le ciel. Cinq jours après la mort d’Acace, son maître alla voir un ancien solitaire, homme très recommandable par ses vertus, et, après l’avoir salué, lui raconta la mort de son saint et fervent disciple. Mais ce bon vieillard lui répondit qu’en vérité il ne pouvait le croire. Alors le maître d’Acace ajouta : "Venez donc avec moi, et vous verrez si je vous trompe. Le solitaire se leva, et vint avec ce père sur la tombe de ce grand et vaillant athlète de Jésus Christ. Quand il y fut arrivé, comme si Acace eût été encore en vie, et en effet il n’était pas mort, puisqu’il n’était que dans le sommeil des justes, il lui adressa ces paroles : Frère Acace, est-ce bien vrai que vous êtes mort ? Alors ce noble enfant de l’obéissance donna, même après sa mort, un illustre exemple de soumission ; car il obéit à celui qui l’interrogeait, et lui répondit : Comment pourrait-il arriver, mon Père, qu’un disciple sincère de l’obéissance puisse mourir ? Ces mots frappèrent le maître de ce jeune moine d’une terreur si forte, que, fondant en larmes, il tomba le visage contre terre, et s’empressa de demander au supérieur de la Laure de lui permettre de fixer sa demeure auprès du tombeau de son disciple. Il obtint cette permission, et passa dans ce lieu le reste de sa vie, en pratiquant une modestie, une patience et une soumission parfaites. Il ne cessait pas de répéter aux pères de cette communauté : Hélas, mes pères, j’ai commis un homicide. 313 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

128. Ceux qui vivent en communautés, doivent faire sans doute une guerre mortelle à tous les vices ; mais il en est surtout deux que tous les jours de leur vie ils doivent attaquer avec plus de vigueur et de courage que les autres. Ces deux vices sont l’intempérance et la colère. Or je dis que ces vices doivent être l’objet particulier des cénobites, parce que ces passions trouvent dans la société des personnes qui vivent avec nous, les aliments qui leur conviennent. 326 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

129. Quoique nous soyons bien loin de pouvoir pratiquer des vertus rares et sublimes, le démon, pour nous faire briser le joug de l’obéissance sous lequel nous avons le bonheur de vivre, ne laisse pas de nous en suggérer la pensée et de nous en inspirer le désir insensé. Pénétrez en effet dans l’intérieur des moines imparfaits et téméraires, et vous verrez qu’ils soupirent après la vie solitaire, qu’ils désirent avec ardeur les jeûnes les plus rigoureux, la prière la plus continuelle et la plus recueillie, l’humilité la plus profonde, la méditation de la mort la plus constante, la componction la plus vive, la victoire la plus complète sur leurs passions, le silence le plus absolu et une pureté d’ange. Mais comme, par une conduite secrète de la divine Providence, ils n’ont pu, dès le commencement de leur noviciat, pratiquer selon leur désir ces belles et excellentes vertus, on les a vus ensuite tout découragés, abandonner les pratiques les plus ordinaires, et se retirer du monastère. Le démon les a trompés, en leur faisant désirer à contretemps la pratique de ces vertus, afin qu’ils ne pussent pas par la persévérance, les acquérir dans le temps convenable. Mais ce ne sont pas seulement les moines cénobites qu’il cherche à tromper, il attaque aussi les anachorètes. C’est ainsi que pour décourager et faire tomber les solitaires, cet ennemi rusé et trompeur leur prêche et leur exalte le bonheur des moines qui vivent en communauté ; il leur vante l’hospitalité qu’ils exercent, les services de charité qu’ils se rendent les uns aux autres, leur affection et leur union fraternelles, les soins affectueux et assidus qu’ils ont pour les malades, et mille autres avantages afin de les dégoûter du genre de vie qu’ils ont embrassé, et de les faire égarer dans une fausse voie. 327 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

10. Gardons-nous cependant de croire que tout désir de la mort soit bon et salutaire : car il en est qui souhaitent la mort, parce qu’ils se voient, par des penchants qu’ils n’ont pas encore pu vaincre entièrement, et par des habitudes dont il ne leur a pas été possible de se corriger parfaitement, exposés sans cesse à faire de nouvelles chutes et de nouveaux péchés ; il en est d’autres qui ne désirent la mort que par un mouvement de désespoir : ce sont des gens qui ne veulent pas faire pénitence ; il en est encore d’autres qui appellent la mort, parce qu’ils se croient affranchis de la servitude de leurs passions, et qu’ils sont parvenus à l’impassibilité ; enfin il en est d’autres qui, mus et conduits par le mouvement et les lumières du saint Esprit, désirent de sortir de ce monde. Mais ces derniers sont bien rares. 421 L’Échelle Sainte : SIXIÈME DEGRÉ

58. Or cette pénitence précède, dans une âme, la paix et la tranquillité du coeur : c’est elle qui, en la purifiant, et en lui procurant la victoire sur les passions et sur les mauvaises habitudes, la revêt de son premier ornement. 512 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

35. Comme dans nos corps, quoique la fièvre soit une même maladie, elle ne laisse pas d’avoir plusieurs causes ; de même la colère, ainsi que les autres passions, a plusieurs causes et plusieurs principes. Il est donc impossible de donner ici des instructions, particulières et relatives à chaque cause et à chaque principe. Tout ce que je peux faire, c’est de conseiller à ceux qui se sentiraient affectés de cette passion, de rechercher avec soin les remèdes qui leur conviennent et qui soient capables de les guérir ; de bien connaître surtout la cause du mal, afin qu’en la connaissant parfaitement, ils puissent par la Bonté de Dieu, et par la direction de leur médecin spirituel, employer les remèdes dont ils ont besoin. Qu’ils se présentent donc, et qu’ils entrent avec nous dans cette recherche que nous avons proposée aux moines, tous ceux qui, touchés des paroles que nous leur adressons, désirent connaître le véritable état de leur âme ; qu’ils examinent sérieusement, et dans le plus profond silence, quels sont les tristes effets et les principes funestes des passions dont nous venons de parler. 578 L’Échelle Sainte : HUITIÈME DEGRÉ

3. Or, comme le souvenir des injures tire son origine de quelques autres passions viles et abjectes, et qu’il ne la leur donne pas, ou du moins que c’est rarement, nous n’en dirons que peu de choses. 589 L’Échelle Sainte : NEUVIÈME DEGRÉ

3. Comme il est des filles du sexe qui font le mal sans rougir, et qu’il en est d’autres qui se cachent lorsqu’elles veulent pécher, et qui, pour cette raison même, font des fautes plus graves ; telle est aussi la marche ordinaire des passions. Elles couvrent enfin notre âme d’ignominie ; car semblables souvent aux jeunes personnes dissimulées, elles font extérieurement comprendre précisément le contraire de ce qu’elles se proposent en effet. Or les passions qui se conduisent de la sorte, sont l’hypocrisie, la malice, la tristesse, le souvenir des injures, le jugement téméraire, les condamnations de la conduite des autres et la médisance. 615 L’Échelle Sainte : DIXIÈME DEGRÉ

10. Il arrive quelquefois que la vaine gloire et la gourmandise se font entre elles une guerre fort animée, et se disputent vigoureusement un pauvre misérable ; car la gourmandise fait tous ses efforts pour le porter à violer les règles de la mortification et du jeûne, et la vanité, pour l’engager à faire connaître la perfection de sa vie par les actes d’une abstinence sévère. Mais un moine conduit par un esprit de sagesse, évitera les pièges que lui tendront ces deux passions, et, saura profiter des circonstances, pour les chasser l’une et l’autre bien loin de lui. 717 L’Échelle Sainte : QUATORZIÈME DEGRÉ

13. Évagre, agité par l’esprit des ténèbres, s’était imaginé, à cause de son éloquence et de la perspicacité de son esprit, qu’il était plus sage que les sages ; mais combien il s’est horriblement trompé, puisque dans ce que je vais rapporter, comme dans plusieurs autres choses, il a fait voir à tout le monde qu’il était plus fou que les fous. Voici donc une de ces maximes : "Lorsque notre âme soupire après les délices que procure la variété des mets, il faut la punir sévèrement en nous condamnant impitoyablement au pain et à l’eau." Or, parler de la sorte, n’est-ce pas vouloir exiger que d’un seul saut, un petit enfant monte tous les échelons d’une échelle ? Je pense donc que pour rendre cette maxime saine et praticable, il faut dire : "Notre âme désire plusieurs mets pour contenter ses appétits ; ce désir étant conforme aux inclinations de la nature, nous devons user de beaucoup de prudence et d’industrie pour combattre la plus rusée et la plus artificieuse des passions ; car en agissant autrement nous nous engagerions imprudemment dans une guerre très dangereuse, et nous nous exposerions au péril d’une perte éminente. Privons-nous d’abord des mets capables de nous donner trop d’embonpoint, ensuite de ceux qui peuvent enflammer les humeurs, enfin de ceux qui sont doux et agréables. 720 L’Échelle Sainte : QUATORZIÈME DEGRÉ

17. Le temps d’une consolation et d’une joie véritables pour un homme vertueux, c’est l’époque où il se voit heureusement délivré de tous les soins et de toutes les inquiétudes que donnent les choses du siècle ; mais celui qui est encore aux prises avec ses passions et ses penchants déréglés, ne peut pas être content, puisqu’il se trouve nécessairement exposé aux dangers d’une guerre opiniâtre et cruelle. Pour celui qui est asservi à ses vices et qui vit au gré de ses passions, il est dans un tel aveuglement, qu’il se réjouit tous les jours, comme on a coutume de le faire à la fête des fêtes. 723 L’Échelle Sainte : QUATORZIÈME DEGRÉ

11. Mais, si n’être plus fatigué pendant le sommeil par des rêves humiliants ni par des mouvements de concupiscence, c’est une marque non douteuse de chasteté, est-ce une preuve moins sûre de luxure, si pendant le jour les mauvaises pensées font tomber volontairement dans des souillures corporelles ? 12. Combattre l’esprit impur par des travaux et des sueurs, c’est vouloir tout simplement enchaîner un ennemi avec des liens de jonc ou d’osier ; le combattre par les veilles et par les jeûnes, c’est mettre un collier de fer au cou d’un chien qu’on a soumis ; mais si à toutes ces armes on ajoute, pour le combattre, la douceur, l’humilité et le désir vif et ardent de remporter la victoire, c’est abattre, détruire son ennemi et l’ensevelir dans le sable ; je dis dans le sable, car l’humilité dans laquelle on doit ensevelir toutes les passions, mais surtout la luxure, ne leur fournit ni substance ni aliments : elle est pur les passions un sable sec et stérile. 766 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

20. J’ai vu des personnes qui, malgré elles, sont tombées dans des mouvements déréglés ;



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