Jean Climaque

L’Échelle sainte - extraits sur l’humilité (II)

L’humilité
samedi 2 décembre 2006.
 

Ces moines ne donnant aucune suite à cette réponse, ni à la raison qu’il alléguait, le prièrent avec, instance de les recevoir au nombre de ses disciples : tant était grande l’idée qu’ils avaient de sa vertu ! Mais, comme ils virent que rien ne pouvait le fléchir ni le gagner, ils se précipitèrent tous à ses pieds, et le conjurèrent avec instance de leur donner au moins quelques règles salutaires de conduite et de leur dire de quelle manière et dans quel lieu ils devaient passer le reste de leur vie. Cédant alors à leurs voeux ardents, et sachant d’ailleurs qu’ils recevraient ses avis avec soumission et humilité, ce saint vieillard dit à l’un d’eux : "Mon fils, il est agréable au Seigneur que vous viviez dans la solitude, sous la direction d’un père spirituel." Puis s’adressant au second : "Pour vous, lui dit-il, allez et consacrez au Seigneur votre volonté, sans vous en rien réserver, chargez-vous de la croix qu’il vous a destinée ; vivez dans un monastère, au milieu de la société des frères, et vous aurez indubitablement un trésor dans le ciel." Enfin il dit au troisième : "Quant à vous, il faut qu’il n’y ait pas un instant dans votre vie, où vous ne pensiez à cette sentence de notre Seigneur : Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé (Mt 10.22) ; allez donc, et faites en sorte que parmi tous les hommes il n’y en ait point qui soient plus sévères ni plus pénibles que celui que vous prendrez pour maître et pour conducteur dans la vie religieuse ; ne vous séparez jamais de lui, et chaque jour avalez, comme du lait et du miel, les mépris et les humiliations par lesquelles il vous fera passer." À ces paroles, un frère répartit à ce grand homme : Mais si ce père spirituel vivait dans la paresse et la négligence, que faudrait-il faire ? - "Quand même vous le verriez, lui répondit-il, tomber dans quelque faute qui vous ferait horreur, demeurez avec lui et contentez- vous de vous dire à vous-même : Mon ami, qu’es-tu venu faire ici ? Alors triomphant de la tentation, vous sentirez toute l’enflure de l’orgueil tomber et s’évanouir, et le feu de la concupiscence diminuer et s’éteindre," 320 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ

12. J’en ai remarqué d’autres qui, la tête courbée vers la terre, immobiles comme des statues, étaient livrés à des méditations profondes, et qui, par les nombreux mouvements de leur tête, annonçaient la grandeur de leur affliction, gémissaient et rugissaient de temps en temps comme des lions. J’en ai rencontré quelques autres, lesquels étaient remplis d’une délicieuse espérance, et conjuraient le Seigneur avec des prières admirables de leur accorder la rémission de toutes leurs fautes. J’en ai vu qui, par une humilité inexprimable, se jugeaient indignes de pardon, et proclamaient à haute voix qu’il leur était impossible de satisfaire à la justice de Dieu, à cause de la grandeur et de l’énormité de leurs crimes. Quelques-uns conjuraient sans cesse Dieu de les punir sévèrement en ce monde, mais de leur accorder son Amitié et de les couronner de ses Miséricordes dans l’autre. Quelques autres, accablés sous le poids terrible des reproches de leur conscience, priaient avec humilité et ferveur le Dieu de toute bonté de les préserver au moins des supplices éternels qu’ils avaient mérités, et se déclaraient publiquement et avec sincérité indigne du royaume des cieux. 358 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ

29. Après tout, illustres Pères, je ne peux me défendre de penser que les choses extraordinaires que je viens de vous raconter, paraîtront incroyables à bien du monde, que d’autres les regarderont comme impossibles, et qu’enfin quelques autres en prendront peut-être sujet de se décourager et de tomber dans le désespoir. Mais il sera vrai aussi que les coeurs généreux et pleins de bonne volonté et de courage, s’en serviront comme d’un aiguillon pour s’exciter à la pratique parfaite des vertus les plus héroïques, comme d’une flèche qui les transpercera de l’amour de Dieu et les remplira de zèle et de ferveur. Pour ceux qui ne sont pas aussi avancés dans la piété, ces travaux leur feront sentir de plus en plus leur tiédeur et leur négligence, et par les reproches qu’ils seront obligés de se faire, en se comparant avec ces fervents religieux et ces illustres pénitents, ils acquerront une humilité profonde, feront quelques efforts pour imiter ces coeurs généreux, et pourront peut-être enfin les atteindre. Quant à ceux qui n’ont encore en partage que la tiédeur et la négligence, il serait imprudent pour eux de vouloir faire comme les coeurs fervents et généreux, et marcher tout d’un coup sur les traces de ces hommes parfaits : ce qu’ils doivent faire pour le moment présent, c’est de ne pas abandonner ce qu’ils ont commencé, afin de ne pas mériter que cette menace ne s’accomplisse sur eux : "On lui ôtera même ce qu’il paraît avoir." (Mt 25,29). 378 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ

40. Cependant pour notre instruction et pour notre consolation, nous remarquerons que les liens du péché sont heureusement brisés dans tous ceux en qui réside l’Esprit de Dieu ; disons-en autant de ceux dans le coeur desquels règne une humilité sincère. Ah ! Que ceux qui partent de ce monde sans avoir l’une et l’autre de ces deux choses, ne soient pas dans une funeste illusion : qu’ils soient au contraire bien convaincus qu’ils sont encore sous l’esclavage de leurs péchés. 389 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ

6. Le silence et la tempérance sont l’heureux partage de tous ceux qui font des progrès dans cette tristesse salutaire. La douceur et l’oubli des injures ornent le coeur des personnes qui, par des combats soutenus avec courage, ont obtenu quelque victoire ; enfin ceux qui sont heureusement parvenus à la perfection de cette bienheureuse tristesse, sont remplis d’affection et d’amour pour la pratique de la plus profonde humilité, sont dévorés d’une soif ardente pour les mépris et les humiliations, d’une faim violente pour toutes les choses qui alarment et font crier la nature ; du reste, ils brûlent pour leurs frères d’une charité si pure et si forte, que, non seulement ils les excusent dans les fautes qu’ils leur voient commettre, mais que leur coeur est touché à leur égard d’une compassion toute céleste. Nous devons approuver ceux qui ont fait quelques progrès, louer ceux qui ont remporté quelques victoires, et proclamer heureux ceux qui sont affamés d’humiliations et de souffrances : car ces derniers seront rassasiés de cette nourriture céleste qui n’inspire jamais du dégoût. 451 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

10. Mais remarquons bien que, si rien n’est plus conforme ni plus favorable à la véritable humilité que les larmes d’une pénitence sincère, rien aussi ne lui est plus contraire et plus nuisible que la dissipation d’une joie mondaine. 456 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

43. Soyez au milieu de votre coeur comme un général au milieu de son armée ; ordonnez-lui avec une autorité absolue toutes les pratiques de la plus profonde humilité. Ainsi que, quand vous commanderez à la joie de se retirer de vous, en lui adressant ces paroles : va-t’en, elle s’en aille ; et que quand vous direz aux larmes : venez, elles arrivent ; et à votre corps, qui est votre esclave : fais cela, il le fasse (cf. Mt 8,9). 492 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

Mais j’ai vu aussi des pauvres d’une autre espèce, lesquels, manquant absolument de vertu, se sont adressés au Roi du ciel. Ils réclamaient son secours et ses faveurs avec une persévérance et, une assiduité qu’on pourrait appeler importunes : ils n’employaient pas pour cela des expressions choisies et étudiées, mais se contentaient de lui exposer leurs nécessités pressantes avec une modestie parfaite, une humilité profonde et une crainte respectueuse ; ils ne cessaient de Lui exprimer les sentiments de leur indignité, et de lui répéter avec l’accent d’une douleur profonde et d’une conviction entière, qu’ils ne méritaient pas d’être écoutés ni d’être exaucés ; et cependant cette violence qu’ils lui ont faite, en agissant ainsi, L’a en quelque sorte forcé d’avoir compassion d’eux, et de leur accorder ce qu’ils lui demandaient. 498 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

62. Repoussez loin de vous par un esprit d’une véritable humilité, toute joie étrangère, comme étant indigne de vous ; et ne cessez de craindre que, par les tromperies du démon, vous ne receviez un loup dévorant, au lieu d’un pasteur de votre âme. 517 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

63. Prenez garde de vouloir, avant le temps, vous élever à une sublime contemplation ; mais faites en sorte que, par la perfection de votre humilité, ce soit elle qui vous cherche et vous saisisse pour s’unir à votre âme par une union pure et indissoluble. 518 L’Échelle Sainte : SEPTIÈME DEGRÉ

Si donc il se trouve quelqu’un assez heureux pour ne rien souffrir de ces trois choses, il doit jouir d’une grande consolation, puisqu’il voit dans son corps une pureté que rien ne trouble. Ce qui peut uniquement lui inspirer quelque inquiétude, c’est de soupçonner avec crainte que cet état peut venir de la perfidie du démon ; mais qu’il se rassure et se console, en pensant que Dieu permet cette peine et cette inquiétude qui n’ont rien de criminel, afin qu’il puisse acquérir une humilité plus profonde. 808 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

56. Les moyens les plus efficaces que nous puissions employer contre les dangers et les écueils auxquels nous exposent les tentations impures, c’est de nous revêtir d’un rude cilice, de nous couvrir de cendres, de passer les nuits dans les veilles et les travaux, de souffrir la faim et la soif, de fixer notre demeure au milieu des tombeaux et des cadavres, de ne manger que du pain, de ne boire que de l’eau, mais surtout de vivre dans une humilité parfaite, enfin, si la chose est possible, de choisir un père spirituel qui soit sévère, ou un frère, plein de ferveur et de prudence, qui nous dirige et nous secoure, non pas tant par le poids et l’autorité de ses années, que par la vertu de sa sagesse et par la justesse de son jugement ; car je regarderais comme une chose merveilleuse, si, étant uniquement livré à vous-même, vous vous préserviez du naufrage au milieu d’une tempête si furieuse. 811 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

78. Lorsque, pendant longtemps et par beaucoup d’efforts nous avons fait la guerre au démon de la luxure, qui est, pour ainsi parler, l’allié de notre chair de boue, et que par nos jeûnes rigoureux, comme par des coups de pierre, par notre humilité, comme avec une épée, nous l’avons chassé de notre coeur, alors ce misérable s’attache comme un ver à notre corps, et s’efforce de souiller notre âme, en excitant sur nous des mouvements importuns et contraires à la raison. 836 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

Que les personnes dans le coeur desquelles le démon se serait ainsi caché, s’appliquent tout de bon à combattre et à tuer ce serpent dangereux ; qu’elles le chassent loin de leur coeur par une profonde humilité, afin que, délivrées de ses morsures cruelles et empoisonnées, et dépouillées de ces tuniques de peau dont elles étaient couvertes, elles puissent enfin chanter à la louange du Seigneur un cantique de triomphe et de victoire, et, réunies aux enfants qui ne se sont jamais souillés par des choses contraires à la chasteté, répéter l’hymne de la pureté. Mais elles ne sauraient le faire, nous le répétons, si elles se contentent de se défaire des tuniques dont nous venons de parler, et qu’elles ne se revêtent pas des vêtements de l’innocence et des habits d’une profonde humilité. 838 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

82. Dans une réunion où je me trouvai, je voyais un moine qui était très appliqué à l’affaire de son salut, et qui y travaillait avec une grande ardeur. Or je remarquai un jour que ce fervent serviteur de Dieu était violemment attaqué par des pensées impures, que ne se trouvant pas dans un lieu propre à la prière qu’il avait coutume de faire pendant ces tentations, il prétexta pour se retirer, des besoins naturels. Il se rendit donc à l’endroit destiné pour y satisfaire, et par une prière des plus ferventes il livra la bataille au démon, et le terrassa. Cependant je lui fis quelques reproches sur sa conduite : "Le lieu, lui dis-je, que vous avez choisi pour prier, ne convient nullement au saint exercice de la prière." Mais, me répondit-il avec humilité, ne voyez-vous pas, mon père, qu’en choisissant ce lieu pour prier dans le temps que j’étais tenté par des pensées immondes, j’ai mérité d’être purifié de mes propres souillures ?" 842 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

La connaissance de ma faiblesse et de la vôtre, me lie entièrement les mains, et la tempérance, les pieds, de manière que je ne peux ni agir ni marcher. L’obéissance parfaite vous délivre absolument de ma tyrannie, et une profonde humilité me donne la mort. 852 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ



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