129. Quoique nous soyons bien loin de pouvoir pratiquer des vertus rares et sublimes, le démon, pour nous faire briser le joug de l’obéissance sous lequel nous avons le bonheur de vivre, ne laisse pas de nous en suggérer la pensée et de nous en inspirer le désir insensé. Pénétrez en effet dans l’intérieur des moines imparfaits et téméraires, et vous verrez qu’ils soupirent après la vie solitaire, qu’ils désirent avec ardeur les jeûnes les plus rigoureux, la prière la plus continuelle et la plus recueillie, l’humilité la plus profonde, la méditation de la mort la plus constante, la componction la plus vive, la victoire la plus complète sur leurs passions, le silence le plus absolu et une pureté d’ange. Mais comme, par une conduite secrète de la divine Providence, ils n’ont pu, dès le commencement de leur noviciat, pratiquer selon leur désir ces belles et excellentes vertus, on les a vus ensuite tout découragés, abandonner les pratiques les plus ordinaires, et se retirer du monastère. Le démon les a trompés, en leur faisant désirer à contretemps la pratique de ces vertus, afin qu’ils ne pussent pas par la persévérance, les acquérir dans le temps convenable. Mais ce ne sont pas seulement les moines cénobites qu’il cherche à tromper, il attaque aussi les anachorètes. C’est ainsi que pour décourager et faire tomber les solitaires, cet ennemi rusé et trompeur leur prêche et leur exalte le bonheur des moines qui vivent en communauté ; il leur vante l’hospitalité qu’ils exercent, les services de charité qu’ils se rendent les uns aux autres, leur affection et leur union fraternelles, les soins affectueux et assidus qu’ils ont pour les malades, et mille autres avantages afin de les dégoûter du genre de vie qu’ils ont embrassé, et de les faire égarer dans une fausse voie. 327 L’Échelle Sainte : QUATRIÈME DEGRÉ
17. Ils ne se parlaient que par leurs gémissements et leurs larmes, ainsi qu’à Dieu. Les uns, comme s’ils avaient été à la porte du paradis, en se meurtrissant la poitrine de coups redoublés, s’écriaient : "Ouvre-nous, ô juste Juge des vivants et des morts ; ouvre-nous, nous t’en conjurons, cette porte de la félicité éternelle, que nous nous sommes fermée par nos péchés ; ouvre-nous." Les autres ne cessaient de répéter cette prière admirable du psalmiste : Montre-nous seulement, Seigneur un visage favorable, et nous serons sauvés des mains cruelles de nos ennemis (Ps 79,4). Vous en rencontriez un qui disait sans cesse avec Zacharie : Mon Dieu, fais briller ta lumière sur tous les malheureux qui sont assis au milieu des ténèbres et des ombres de la mort (cf. Lc 1,79). Ailleurs, vous en trouviez un autre qui adressait à Dieu cette prière fervente : Que tes Miséricordes nous préviennent promptement, ô mon Dieu ; (cf. Ps 78,8) car nous sommes réduits à la dernière misère, nous sommes perdus sans vous, nous nous laissons aller au désespoir, et nous tombons en défaillance". Ailleurs vous en entendiez d’autres se faire cette triste question : "Pensez-vous que le Seigneur nous montre jamais un visage serein et bienveillant, et qu’il fasse luire sur nous les lumières de sa gloire ?" (Ps 66,2) et d’autres se demander avec une sainte et pénible inquiétude : Croyez-vous que nous puissions espérer que notre âme ait traversé ce torrent de ténèbres, dont les eaux sont insurmontables (Is 49,9), et que le Seigneur nous accorde encore quelques consolations ?" - Hélas ! ajoutaient quelques autres, nous sommes tellement liés dans les chaînes du péché, qu’en vérité pouvons-nous attendre que le Seigneur nous dise : Sortez, soyez enfin déchargés de vos chaînes criminelles, ô vous qui vivez dans les rigueurs de la pénitence ? Ah ! nos gémissements et nos cris plaintifs seront-ils parvenus jusqu’à Lui " ? 363 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ
23. Mais quel horrible et effrayant spectacle on avait sous les yeux, lorsque quelqu’un de ces saints pénitents touchait à sa dernière heure ! Alors tous ses fervents compagnons venaient entourer son lit de mort ; et ces hommes, dévorés par une soif brûlante, en proie à la plus cruelle affliction, enflammés par l’ardeur et la vivacité de leurs désirs et de leurs voeux, lui exprimaient, par une contenance qui inspirait la compassion, par leurs paroles lamentables, par leurs mouvements de tête, les sentiments de la plus tendre et de la plus grande commisération. "Qu’y a-t-il, ô notre cher frère, ô notre tendre compagnon, lui disaient-ils avec une tendresse qui allait au coeur, qu’y a-t-il de nouveau pour vous ? Comment vous trouvez-vous en ce moment ? Qu’auriez-vous à nous dire ? Quelles sont vos espérances ? Quelles sont vos affections et vos pensées ? Avez-vous lieu de croire que vous ayez obtenu ce que vous avez cherché avec tant de peine et d’ardeur, ou bien auriez-vous travaillé sans succès ? Êtes-vous enfin parvenu au port du salut, ou bien auriez-vous encore à craindre un triste naufrage ? Êtes-vous directement arrivé au but de votre voyage, ou bien vous seriez-vous égaré ? Concevez-vous une espérance certaine d’avoir reçu le pardon de vos péchés, ou n’auriez-vous encore qu’une assurance fort incertaine de votre salut ? Vous trouvez-vous dans une parfaite liberté d’esprit et de coeur ou seriez-vous encore dans le trouble et les angoisses ? Votre âme a-t-elle été éclairée des lumières consolantes du ciel ou serait-elle encore dans les ténèbres et dans la nuit de la confusion ? Auriez-vous enfin entendu intérieurement ces paroles : Tu es guéri (Jn 14) ; tes péchés te sont remis (Mt 8) ; ta foi t’a sauvé (Mc 5)" ? ou bien ces sentences terribles : Que les pécheurs soient précipités dans les enfers (Ps 9) ; liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures (Mt 22) ; qu’on enlève l’impie, car il ne verra pas la Gloire du Seigneur dans son temple (Is 22) ? Quelles réponses, ô notre cher frère, pouvez-vous faire à toutes nos questions ? Parlez-nous sans détour et franchement, afin que nous puissions un peu connaître le sort qui nous attend nous-mêmes, car pour vous, le temps de la vie va finir, et quand une fois on est entré dans l’éternité, il n’y a plus de temps. Alors quelques-uns répondaient par ces paroles. Que Dieu soit béni à jamais ; car il n’a pas rejeté ma prière ni retiré sa Miséricorde de dessus moi (Ps 45). D’autres répondaient : Béni soit le Seigneur, qui ne nous a pas laissés en proie à la fureur ni à la voracité des dents cruelles de nos ennemis. (Ps 123) D’autres, pressés par la douleur de leur coeur, se contentaient de dire : Notre âme pourrait-elle bien passer ce torrent impétueux, dans lequel les puissances de l’enfer cherchent à la perdre ? (Ps 123). Or ceux-ci parlaient de la sorte, parce qu’ils n’étaient point assez assurés de leur salut, et qu’ils craignaient le compte terrible qu’ils étaient sur le point de rendre à Dieu. D’autres, enfin, faisaient une réponse bien plus affligeante : "Malheur à nous, s’écriaient-ils ; malheur à l’âme qui n’a pas gardé les voeux de sa profession ! Voici l’heure unique à laquelle elle puisse savoir ce qu’elle a mérité pour l’éternité." 370 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ
39. Que ceux-là donc qui pleurent leurs péchés, se gardent bien d’attendre l’heure de la mort, pour s’assurer qu’ils leur ont été pardonnés ; car ils n’en peuvent alors recevoir une assurance certaine. Mais nous devons sans cesse faire cette prière : Donne-moi, Seigneur, le doux espoir que tu m’as pardonné mes péchés, afin que je ne sorte pas de ce monde dans la cruelle incertitude de mon salut. (cf. Ps 38,14). 388 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ
53. Quand à nous, croyons que c’est dans nos méditations ferventes, et plus encore dans nos exercices de pénitence, que s’enflammera le feu de notre prière et qu’il dévorera la matière de nos péchés. 403 L’Échelle Sainte : CINQUIÈME DEGRÉ