Jean Climaque

L’Échelle sainte - extraits sur la prière (VI)

La prière
samedi 2 décembre 2006.
 

52. Ne vous endormez donc et ne vous réveillez qu’avec le souvenir de la mort, et que la prière vous tienne toujours uni à Jésus. Ces deux pratiques, faciles et importantes, vous seront pendant votre sommeil du plus grand secours pour vous préserver de tout accident fâcheux. 805 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

Cela dit, vous remarquerez sans doute que le premier mouvement de notre âme qui, sans le vouloir, reçoit l’impression d’un objet, n’est sûrement pas criminel, que la représentation de cet objet dans notre esprit, n’est pas tout-à-fait innocente ; mais que le consentement qu’on donne à cette représentation, est un péché plus ou moins grave, selon que, pour y résister, l’âme fait des efforts plus ou moins grands et généreux ; que le combat procure des châtiments ou des récompenses ; que la captivité n’est pas toujours la même et qu’elle dépend des circonstances ; car si elle arrive pendant la prière, elle n’est pas ce qu’elle serait dans un autre temps, si c’est par rapport à des choses indifférentes, elle ne doit pas être ce qu’elle serait par rapport à des choses mauvaises ; enfin que, quant à la passion formée, il est indubitable que si elle n’est pas punie en ce monde par une conversion solide et sincère, et par une pénitence proportionnée aux fautes qu’elle a fait commettre, elle le sera dans l’autre, par des supplices éternels. De toutes ces observations tirons cette conséquence importante, et disons que celui qui ne souffre et ne permet pas que le premier mouvement fasse impression sur lui, arrête dans leur principe toutes les tentations qu’il éprouverait, et coupe la racine au mal. 831 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

81. Aussi conseillons-nous à ceux qui ne savent pas encore prier mentalement, de mortifier leurs corps pendant leurs prières vocales, soit en étendant les bras, soit en se frappant la poitrine, soit en élevant affectueusement et souvent leurs yeux vers le ciel, soit en poussant des soupirs et des gémissements, soit en se tenant à genou : toutes ces mortifications et ces moyens pieux leur procureront de grands avantages. Mais s’il arrive que par la présence de quelque personne, on ne puisse pas se servir de ces pratiques de piété, le démon profite de cette occasion pour nous attaquer, et il n’est pas rare qu’on ne tienne pas ferme contre la tentation ; de sorte que par défaut de courage, ou faute de ferveur dans la prière, on chancelle et l’on succombe. 840 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

Quant à vous, si vous vous trouviez exposé à une pareille épreuve, retirez-vous promptement, sortez de la foule, cachez-vous dans quelque lieu secret, portez jusqu’au ciel les voeux ardents de votre coeur ; et, si vous le sentez froid et glacé, élevez les yeux de votre corps pour regarder du moins le ciel, étendez vos bras en forme de croix, afin que, par ce signe salutaire, vous puissiez confondre et terrasser ce nouvel Amalec ; appelez à grands cris celui qui, seul, peut vous sauver ; pour cela ne vous servez pas de paroles élégantes et étudiées, mais de mots qui respirent l’humilité du coeur et la confiance de votre âme ; dites surtout : "Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis faible et languissant." (Ps 6,3) Vous sentirez alors la présence du secours du Très-Haut, et, fortifié par ce secours céleste, vous repousserez victorieusement vos ennemis. Or je peux dire que tous ceux qui s’accoutumeront à combattre le démon de cette manière et avec ces armes, remporteront sur lui de promptes et glorieuses victoires. La seule prière du coeur serait capable de nous faire triompher. C’est ainsi que Dieu rend invincibles ceux qui combattent courageusement pour son amour ; c’est ainsi qu’Il récompense leurs efforts, et couronne leur bonne volonté. 841 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

82. Dans une réunion où je me trouvai, je voyais un moine qui était très appliqué à l’affaire de son salut, et qui y travaillait avec une grande ardeur. Or je remarquai un jour que ce fervent serviteur de Dieu était violemment attaqué par des pensées impures, que ne se trouvant pas dans un lieu propre à la prière qu’il avait coutume de faire pendant ces tentations, il prétexta pour se retirer, des besoins naturels. Il se rendit donc à l’endroit destiné pour y satisfaire, et par une prière des plus ferventes il livra la bataille au démon, et le terrassa. Cependant je lui fis quelques reproches sur sa conduite : "Le lieu, lui dis-je, que vous avez choisi pour prier, ne convient nullement au saint exercice de la prière." Mais, me répondit-il avec humilité, ne voyez-vous pas, mon père, qu’en choisissant ce lieu pour prier dans le temps que j’étais tenté par des pensées immondes, j’ai mérité d’être purifié de mes propres souillures ?" 842 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

84. Repousse l’ennemi, qui, après nous avoir fait tomber dans le péché, nous détourne de la prière, des autres exercices de piété et de la vigilance sur nous-mêmes. Rappelons-nous donc la maxime de celui qui a dit : "Parce que, disait-il, j’ai vu que mon âme était oppressée par la connaissance des péchés que j’ai commis, comme par une cruelle tyrannie. J’ai résolu fortement de me venger des ennemis qui m’ont accablé de maux." (cf. Lc 18,5) 844 L’Échelle Sainte : QUINZIÈME DEGRÉ

7. Mais celui-ci, qui avait généreusement triomphé de la cupidité, ne pouvait-il pas répondre que quiconque a vaincu cette passion, a coupé la racine à toutes les inquiétudes de la vie, et que celui qui en est esclave, ne peut jamais présenter à Dieu des mains pures et innocentes, ni Lui offrir le parfum odoriférant de la prière ? 866 L’Échelle Sainte : SEIZIÈME DEGRÉ

3. L’insensibilité n’est-ce pas à un philosophe insensé qui, en donnant des leçons aux autres, prononce sa propre condamnation ; à un avocat qui parle contre sa propre cause ; à un médecin aveugle qui, tout en faisant de longues et savantes dissertations sur les moyens de guérir un malade, ne cesse d’agrandir et d’envenimer ses plaies et d’augmenter son mal ? En effet on l’entend parler avec zèle et science de la maladie de son âme, et on ne le voit jamais s’abstenir des choses qui l’entretiennent ; il demande à Dieu de l’en délivrer, et, par ses mauvaises habitudes dans lesquelles il ne cesse de tomber, il s’enfonce et s’engage plus avant dans l’abîme ; s’indigne contre lui-même : eh ! le malheureux ! ne rougit plus des reproches amers qu’il se fait ; il sait encore qu’il fait mal, il le dit même, et il ne prend pas les moyens de se corriger ; il parle de la mort, et il vit comme s’il ne devait jamais mourir ; il pousse de longs gémissements sur les suites terribles et inévitables de la mort, et il est tranquille, comme s’il n’avait rien à craindre et qu’il fût immortel ici bas ; il traite des avantages précieux et des fruits salutaires de la mortification, et il n’hésite pas de se livrer sans scrupule aux excès et aux délices de la bonne chère ; il lit souvent ce qui regarde le jugement dernier, et il est assez insensé pour n’en faire aucun cas, et même pour en plaisanter ; il parcourt, en lisant, ce qui est écrit de la vaine gloire, et cette lecture même augmente ce vice dans son misérable coeur ; il donne des louanges aux veilles, et lui-même se plonge dans les douceurs du sommeil ; il relève avec éloquence la vertu et l’excellence de la prière, et cependant il l’a en horreur et ne se livre à ce saint exercice qu’avec une extrême répugnance et par force : elle fait son supplice et son tourment. Il loue et exalte l’obéissance, et il est le premier à désobéir ; il prodigue les éloges les plus pompeux à ceux qui n’ont aucune affection pour les biens fragiles et périssables de ce monde, et il n’a pas honte de se fâcher et de se disputer pour un vil et méprisable chiffon ; il se met en colère de s’être fâché, et il s’irrite et s’indigne de s’être mis en mauvaise humeur ; et, quoiqu’il tombe et retombe sans cesse, l’insensé ! il ne s’aperçoit même pas de ses chutes. Il se repent de s’être livré aux excès de l’intempérance, et un moment après il ajoute de nouveaux excès aux premiers ; il béatifie le silence, et afin de ne pas l’observer, il se livre à de longs discours sur les louanges qu’il mérite ; il fait d’excellentes exhortations aux autres pour les porter à pratiquer la douceur, et lui-même s’indigne et s’irrite de sa propre indignation et de ses impatiences ; un peu rendu à lui-même, on le voit gémir sur son état déplorable ; et à peine s’est-il donné le moindre mouvement pour en sortir, qu’il retombe dans une léthargie plus profonde : il blâme et condamne sévèrement les ris et la joie, et lui-même en parlant de la pénitence, se met à rire d’une manière qui fait pitié et annonce la folie ; il s’accuse devant les autres d’être coupable de vaine gloire, et dans cette accusation même, il cherche à contenter son orgueil et sa vanité ; il ne cesse de recommander à ses frères de garder la modestie dans leurs regards, et de pratiquer la chasteté avec la plus scrupuleuse attention, et le misérable porte sans cesse, et dans de perverses intentions, les yeux sur des objets agréables et dangereux ! Le rencontre-t-on au milieu des gens du siècle ? il ne peut assez faire l’éloge de la vie religieuse et solitaire, et, dans sa stupide insensibilité, il ne comprend pas que ces louanges condamnent sa conduite ; il accable d’honneur et de louanges ceux qui prennent soin des pauvres et qui répandent d’abondantes aumônes dans le sein de l’indigence et de la misère, et lui-même couvre les indigents et les pauvres d’injures, d’affronts et d’outrages. C’est ainsi que ce pauvre malheureux s’accuse et se condamne en tout et partout, sans penser à rentrer en lui-même ! à rougir de son triste et funeste état, à se repentir de sa conduite et à se convertir : mais, hélas ! le dirai-je ? la chose lui est-elle possible ? 897 L’Échelle Sainte : DIX-SEPTIÈME DEGRÉ

5. Cependant, malgré la faiblesse de mon esprit et de mon jugement, voici en peu de mots ce que je crois avoir découvert des ruses infernales qu’emploie et des plaies profondes que fait cette passion dure, furieuse, tyrannique, dangereuse et impertinente ; car je ne peux pas ici m’étendre en dissertations longues et raisonnées, et je conjure celui qui, par le secours du ciel et par sa propre expérience, aurait trouvé le remède capable de guérir les âmes de cette maladie mortelle, de ne pas manquer de nous l’apprendre et de l’employer. Quant à moi, tout ce que je peux faire, c’est d’avouer franchement et sans détour que, vu mon impuissance et l’état de servitude dans lequel ne m’a que trop réduit cette cruelle maîtresse, j’aurais été dans l’impossibilité de connaître tous ses artifices et toutes ses ruses ; mais je l’ai saisie de force, je lui ai fait violence, et, la serrant fortement avec les chaînes de la crainte de Dieu, et les liens de la persévérance dans la prière, je l’ai forcée, malgré elle, à me faire les aveux suivants. 899 L’Échelle Sainte : DIX-SEPTIÈME DEGRÉ

Cette méchante et tyrannique maîtresse m’a donc parlé ainsi : "Lorsque ceux qui ont fait alliance avec moi, ont des cadavres sous les yeux, ils ne laissent pas de rire ; dans la prière ils sont durs comme des rochers, et leur esprit est enveloppé des ténèbres épaisses qui les empêchent absolument de rien voir. Quand ils se présentent à la table eucharistique, ils y sont sans aucun sentiment de piété, reçoivent et mangent le pain divin comme un pain commun et ordinaire. Si je vois des personnes touchées de componction, je me moque d’elles. J’ai appris de mon père l’art de faire périr toutes les bonnes oeuvres produites par le courage et les efforts d’un coeur généreux et bon. Je suis la mère de la légèreté et des ris, la nourrice du sommeil, l’amie des sociétés et de la compagnie, la compagne fidèle de la fausse piété ; et en cette dernière qualité, je méprise les reproches qu’on me fait." 900 L’Échelle Sainte : DIX-SEPTIÈME DEGRÉ



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