GOVIENIE.

Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ?
samedi 4 novembre 2006.
 

Gloire à toi, Seigneur ! Le carême est venu. Il m’est agréable d’apprendre que vous vous êtes décidée à faire le goviénié le plus tôt possible. Ne changez pas de résolution. On fait parfois le goviénié pendant la semaine sainte, mais ne remettez pas à plus tard cet exercice de piété. Pendant la semaine sainte ceux-là pratiquent le goviénié qui l’ont déjà fait l’une des semaines précédentes, par désir de communier une seconde fois, ou bien ceux qui sont empêchés de le faire plutôt à cause des circonstances, ou encore ceux qui veulent réduire l’effort du goviénié à trois jours.

Que Dieu vous bénisse pour accomplir le goviénié comme il faut. Ce que vous comptez faire, vaut pour chacun. Jeûner un peu, fréquenter l’église, se retirer dans la solitude, lire, penser, s’occuper de soi-même, il faut faire tout cela. Mais tout doit être orienté vers un seul but : une bonne communion. Pour bien communier, il est nécessaire de purifier l’âme par la pénitence. Toutes les autres œuvres du goviénié - la fréquentation de l’église, la prière chez soi, le jeûne etc. - doivent disposer à faire pénitence d’une façon convenable, avec componction sincère et ferme résolution de ne plus offenser le Seigneur.

Pour produire la pénitence, il faut en premier lieu se recueillir. Ce qui nous empêche de nous recueillir et de nous occuper de nous-mêmes, ce sont les affaires et soucis quotidiens et le vagabondage impétueux des pensées à travers le monde. Aussi, durant le goviénié on quitte autant que possible ces soucis et, au lieu d’aller régler les affaires, on reste à la maison. Couper court à ces soucis, c’est extrêmement important pour le goviénié. Sans cela, on ne fait qu’un goviénié fort médiocre...

Vous voilà assise dans votre petite chambre, vous avez tout abandonné. Que convient-il de faire ? Car on peut rester oisif dans la solitude. Il faut s’adonner à des occupations spirituelles. Lesquelles ? La prière, la lecture, la méditation. Il s’agit de prières supplémentaires à celles que l’on fait à l’église ou que l’on doit faire, bien entendu. Vous savez comment il faut prier à l’église. Mais faites bien attention ! Il faut aller à l’église volontiers, comme dans la maison de Dieu, cette maison paternelle, sans se renfrogner, sans s’ennuyer. Il convient d’aller à l’église non seulement pour y rester debout durant tout l’office, mais pour y prier du fond de l’âme, avec ferveur, en répandant devant le Seigneur des sentiments de repentir, d’humilité et de pieuse crainte, et en suppliant Dieu avec ardeur de venir nous aider dans nos misères spirituelles angoissantes. Il faut voir d’avance comment y réussir et, étant à l’église, faire des efforts en ce sens... Il faut aussi s’unir à l’office par la pensée et les sentiments. S’en distraire avec un but précis, ne dissipe pas ; cela soutient agréablement l’attention dans ses efforts pour se nourrir et s’édifier. Il faut se pénétrer des chants et des lectures, surtout des litanies, expression abrégée de toutes nos propres misères, dont nous pouvons sans honte demander à Dieu le soulagement.

D’ordinaire nos pensées divaguent. Cela vient d’un manque de disposition à la prière. Voici ce que vous devez faire : dès que vous avez remarqué que vos pensées sont hors de l’église, ramenez-les. Ne vous permettez jamais de rêver d’une façon consciente, ne permettez pas aux pensées d’errer, ni pendant le goviénié ni en tout autre temps. Si vos pensées vous abandonnent sans que vous le remarquiez, il n’y a pas grand péché ; mais si, étant à l’église, vous vous mettez exprès à vagabonder en pensée, c’est un péché...

Le moyen de lutter contre le vagabondage des pensées consiste à porter l’attention de l’esprit sur le fait que le Seigneur est devant nous et que nous sommes devant lui. Il faut fixer tout son esprit dans cette pensée et ne pas lui permettre de s’en écarter. L’attention se fixe sur le Seigneur par la crainte et la vénération de Dieu. De là vient la ferveur du cœur qui concentre l’attention sur Dieu seul. Donnez-vous la peine de mettre le cœur en branle, et vous verrez comme il retient fortement les pensées. Il faut se faire violence. Sans travail et efforts de l’esprit, vous ne réaliserez aucun progrès spirituel. Pour réchauffer le cœur, les métanies (inclinations) sont d’une grande aide. Faites souvent des inclinations profondes et des prosternations jusqu’à terre...

Celui qui fait le goviénié ne connaît que l’église et sa demeure. Vous voilà rentrée de l’église, qu’y a-t-il à faire ? Ici encore, il faut de toute manière garder l’esprit et le cœur pieusement tournés vers Dieu. De l’église allez vite droit à la maison, dans votre chambre faites quelques inclinations, en priant Dieu avec componction de vous aider à tirer profit spirituel du temps que vous passerez seule chez vous. Ensuite, reposez-vous un peu, assise. Néanmoins ne permettez pas aux pensées d’errer et répétez en vous-même sans penser à quoi que ce soit : « Seigneur, ayez pitié ! Seigneur, ayez pitié ! »

Après le repos, il faut avoir une occupation : prier ou faire un travail manuel. Voyez vous-même quoi, et quand il convient de le faire. On ne peut pas s’occuper du spirituel sans interruption, il faut avoir un travail manuel bien simple. Il faut s’y mettre quand l’âme est fatiguée et ne peut ni lire, ni penser, ni prier. Si ces occupations spirituelles vont bien, on ne peut pas se mettre au travail manuel ; ce travail est indiqué pour remplir le temps, qui autrement serait passé dans l’oisiveté, désastreuse toujours, mais surtout durant le goviénié.

Comment prier à la maison ? Comme vous le dites bien, il faut ajouter quelque chose aux prières ordinaires. Il le faut, il le faut. Néanmoins, il vaut mieux ne pas ajouter de prières lues supplémentaires, mais prier un peu plus sans livre de prière ; par vos propres paroles, exposez au Seigneur les grandes lacunes de votre vie spirituelle. Matin et soir lisez les prières quotidiennes coutumières ; mais avant et après, priez de votre propre prière et entre les prières lues, intercalez votre prière à vous en faisant des métanies - profondes inclinations et prosternations - ou en vous mettant à genoux. Importunez le Seigneur, la Mère de Dieu et votre ange gardien, en leur demandant tout ce dont vous savez avoir grand besoin. Priez-les de vous aider à vous connaître et de vous donner le désir et la force de corriger tout ce qu’il y a à corriger et surtout de remplir votre cœur d’esprit de pénitence et d’humilité, car tel est le sacrifice le plus agréable à Dieu. Ne vous liez pas par une suite de prières trop longue et trop chargée. Il vaut mieux se mettre à prier plus souvent et faire des métanies durant la journée par petites doses, mais souvent, pour que toute la journée en soit tissée. Ne quittez nullement le Seigneur en esprit, que vous soyez en prière ou que vous fassiez autre chose.

Après la prière, la lecture avec méditation. Il faut lire, non pour bourrer la mémoire de toutes sortes de connaissances et d’idées, mais pour être édifié et pour comprendre comment faire mieux ce qui convient en ces jours de goviénié. Il convient de lire peu, mais de prolonger l’attention au passage lu jusqu’à produire l’affection.

Que lire ? Evidemment rien que des livres de spiritualité. Je ne vous recommanderais rien autant que les écrits de l’évêque Tikhon... Une lecture de livres adaptés avec méditation, voilà qui remue l’âme le mieux. Appliquez-vous-y. Le matin après la prière - on assiste à matines le soir - mettez-vous-y entièrement, jusqu’aux Heures. C’est une préparation à la prière à l’église. Après les Heures on peut continuer, si l’envie et l’attention ne manquent pas. Si pendant la lecture vous vous sentez poussée à la prière, levez-vous et priez. Convient-il de lire seule ou à deux ? Seule vaut mieux. Ainsi vous êtes plus à l’aise pour vous occuper de vous-même et pour vous appliquer à la lecture. Dans la méditation, il faut intercaler la lecture, sinon elle deviendra rêverie et vous n’en aurez plus le contrôle...

Vous disiez fort bien qu’il faut jeûner un peu. Certes, il le faut, mais pas trop. D’ordinaire vous mangez peu. Il faut avoir la force de rester debout à l’église et de faire des métanies à la maison. Faites ce que vous croyez le mieux. Il y a lieu seulement de faire savoir au corps qu’il est coupable, lui aussi ; il doit aussi faire pénitence et porter les fatigues du goviénié. Au sommeil il faut enlever un peu de durée et de commodité. Ce point, semble-t-il, vous demandera des sacrifices. Ne soyez pas paresseuse à les faire comme vous le pouvez. En ces jours conviennent des privations de toutes sortes. Et parler un peu ? Oui, c’est permis, si l’on parle non de choses futiles, mais toujours du même sujet. Au lieu de la conversation, faites plutôt une heure de lecture en commun, lisez ensemble. C’est tout à fait à sa place le soir. Rien de mieux si quelqu’un d’entre vous racontait des histoires édifiantes, qui montrent la force de la pénitence et de la communion ; on pourrait emprunter ces récits au Ménologe...

Seulement, ne prenez pas une mine sombre, ne renfrognez pas votre visage. Faites tout de bon cœur, avec une bonne et joyeuse disposition d’esprit... [Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ? Moscou, 5e éd. 1904 ; p. 119-125]



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