Les Conférences

La colère

dimanche 24 juin 2007.
 

Il embrasse aussi avec un égal amour la patience et la douceur. Les manquements des pécheurs n’irritent plus sa colère ; mais plutôt implore-t-il leur pardon, pour la grande pitié et compassion qu’il ressent à l’endroit de leurs faiblesses. Ne se souvient-il pas d’avoir éprouvé l’aiguillon de passions semblables, jusqu’au jour qu’il plut à la divine miséricorde de l’en délivrer ? Ce ne sont pas ses propres efforts qui l’ont sauvé de l’insolence de la chair, mais la protection de Dieu. Dès lors, il comprend que ce n’est pas de la colère qu’il faut avoir pour ceux qui s’égarent, mais de la commisération ; et, dans l’absolue tranquillité, de son coeur, il chante à Dieu ce verset : « C’est vous qui avez brisé mes chaînes, je vous offrirai un sacrifice d’action de grâces ; » (Ps 115,16-17) et encore : « Si le Seigneur n’eût été mon soutien, peu s’en fallait que mon âme n’habitât l’enfer. » (Ps 93,17). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Plus on grandit dans la douceur de la patience, plus on profite dans la pureté du corps ; on est d’autant plus ferme dans la chasteté, que l’on a repoussé plus loin le vice de la colère. Car il est impossible d’éviter les révoltes de la chair, à moins d’étouffer premièrement les emportements du coeur. Les Conférences : DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Il paraît évidemment par là que le remède le plus efficace pour le coeur humain, c’est la patience, selon le mot de Salomon : « L’homme doux est le médecin du coeur. » (Pro 14,30). Ce n’est pas seulement la colère, la paresse, la vaine gloire ou la superbe qu’elle extirpe, mais encore la volupté, et tous les vices à la fois : « La longanimité, dit encore Salomon, fait la prospérité des rois. » (Ibid. 25,15). Celui qui est toujours doux et tranquille, ni ne s’enflamme de colère, ni ne se consume dans les angoisses de l’ennui et de la tristesse, ni ne se disperse dans les futiles recherches de la vaine gloire, ni ne s’élève dans l’enflure de la superbe : « Il y a une paix surabondante pour ceux qui aiment le nom du Seigneur, et rien ne leur est une occasion de chute. » (Ps 118,165). En vérité, le Sage a bien raison de dire : « L’homme patient vaut mieux que le soldat vaillant ; celui qui maîtrise sa colère, que l’homme qui prend une ville. » (Pro 16,32). Les Conférences : DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Mais, jusqu’à ce que nous obtenions cette paix solide et durable, nous devons nous attendre à de fréquents assauts. Souvent, il nous faudra redire dans les larmes et les gémissements : « Je suis devenu misérable et je suis affligé sans mesure, tout le jour je vais accablé de tristesse, parce que mes reins ont été remplis d’illusions » ; (Ps 37,7-8) « Il n’est rien de sain dans ma chair à la vue de votre colère, il n’y a point de paix dans mes os à la vue de ma folie. » (Ibid. 4). Les Conférences : DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Quiconque se retire de toute conversation inutile ; mortifie tout sentiment de colère, toute sollicitude et tout souci terrestres ; se contente de deux pains pour son repas quotidien ; se prive de boire de l’eau jusqu’à satiété ; se borne à trois heures ou, suivant une autre règle, à quatre heures de sommeil et cependant, ne croit nullement pouvoir l’obtenir par les mérites de son labeur et de son abstinence, mais ne l’attend que de la miséricorde du Seigneur - car sans cette conviction, vains seraient les efforts de l’homme - ; celui-là n’aura pas besoin de plus de six mois, pour reconnaître qu’il ne lui est pas impossible de l’acquérir en perfection. Les Conférences : DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Aussi bien, est-ce un plus grand miracle d’extirper de sa propre chair le foyer de la luxure, que d’expulser les esprits immondes du corps d’autrui ; un signe plus magnifique de contenir par la vertu de patience les mouvements sauvages de la colère, que de commander aux puissances de l’air. C’est quelque chose de plus, d’éloigner de son propre coeur les morsures dévorantes de la tristesse, que de chasser les maladies et les fièvres des autres. Enfin, c’est, à bien des titres, une plus noble vertu, un progrès plus sublime, de guérir les langueurs de son âme, que les faiblesses corporelles d’autrui. Plus l’âme est au-dessus de la chair, plus est préférable son salut ; plus sa substance l’emporte par l’excellence et le prix, plus grave et funeste serait sa perte. Les Conférences : SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Le quatrième est de croire que pour aucun motif, juste ni injuste, il n’est permis de se mettre en colère. En cinquième lieu, il faut tâcher d’adoucir la colère que notre frère a conçue contre nous, même sans sujet, avec autant d’empressement que nous ferions la nôtre propre : sachant que nous souffrons le même préjudice de la tristesse d’autrui, que si nous étions émus nous-mêmes, à moins que nous ne cherchons, dans la mesure du possible, à la bannir de son âme. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Si l’on tient fermement ces principes, il est impossible de ressentir soi-même ou de causer chez les autres l’amertume de la colère et de la discorde. Viennent-ils, au contraire, à être négligés, l’ennemi de la charité versera insensiblement dans le coeur des amis le poison de la tristesse. Dispute sur dispute, la dilection, par une suite nécessaire, se refroidira peu à peu ; tant qu’enfin la rupture se fasse complète entre des coeurs dès longtemps ulcérés. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Pour quel motif pourra-t-il bien souffrir que la tristesse trouve entrée en son propre coeur ou demeure au coeur d’un autre ? C’est, à ses yeux, un principe sans appel, que la passion de la colère, pernicieuse comme elle est illicite, ne peut avoir de justes causes ; et qu’il lui est autant impossible de prier, si un frère s’irrite contre lui, que si lui-même s’irritait contre son frère. Toujours il garde dans un coeur humble le souvenir de cette parole du Seigneur notre Sauveur : « Si, lors que vous présentez votre offrande à l’autel, il vous souvient que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande devant l’autel, et allez d’abord vous réconcilier avec votre frère ; puis, venez présenter votre offrande. » (Mt 5,23-24). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Rien ne vous servirait, en effet, d’affirmer que vous n’avez point, quant à vous, de colère, et de vous persuader que vous remplissez ce commandement : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère », (Ep 4,26). « Quiconque se met en colère contre son frère méritera d’être puni par les juges, » (Mt 5,22) si vous méprisez d’un coeur superbe et dur la tristesse de votre prochain, quand votre mansuétude aurait pu l’adoucir. Vous encourez au même titre le reproche de prévarication contre le précepte du Seigneur ; car Celui qui a dit que vous ne deviez pas entrer en colère contre votre prochain, a dit du même coup que vous ne deviez pas faire fi de sa tristesse. Que vous vous perdiez vous-même oui un autre, cela ne fait point de différence aux yeux de Dieu, « qui veut que tous les hommes soient sauvés. » (1 Tim 2,4). Quel que soit celui qui périt, c’est pour lui un même dommage. Pareillement, celui qui trouve tant de plaisir à l’universelle perdition, retire un même gain de votre mort éternelle ou de celle de votre frère. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Que l’on ne doit rien préférer à l’amour, ni rien mépriser plus que la colère. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

S’il ne faut rien préférer à l’amour, rien, à l’encontre, n’est à regarder comme un plus grand mal que la fureur et la colère. On doit tout sacrifier, de quelque utilité qu’il paraisse, pour éviter le trouble de cette passion ; et tout embrasser, tout supporter, même ce qui passe pour adversité, afin de garder inviolable la tranquillité de la dilection et de la paix : bien convaincu qu’il n’est rien de plus pernicieux que la colère et la tristesse, rien de plus profitable que l’amour. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Entre les frères charnels encore et faibles, le démon a tôt fait de semer la colère et la désunion à propos de choses viles et terrestres. Mais pour les spirituels, c’est par la diversité de sentiment qu’il fait naître chez eux la discorde. Telle est, sans aucun doute, la fréquente origine des disputes et des querelles que l’Apôtre condamne. (Cf. Gal 5,20). De celles-ci l’ennemi, envieux et méchant, prend ensuite occasion, afin de pousser à la rupture des frères qui n’avaient jusque là qu’une âme. Car elle est bien vraie, la parole du sage Salomon : « La dispute suscite la haine ; mais pour tous ceux qui ne disputent point, l’amitié les protégera. » (Pro 10,12). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

En agissant comme ils font, ils caressent et nourrissent leur pusillanimité, ou mieux leur orgueil, plutôt qu’ils n’extirpent le foyer des querelles ; ils oublient le commandement du Seigneur. « Quiconque se met en colère contre son frère, méritera d’être puni par les juges » ; (Mt 5,22). « S’il vous souvient que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande, et allez d’abord vous réconcilier avec votre frère ; puis, venez présenter votre offrande. » (Mt 5,23-24). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

De certains frères ont été piqués d’une parole injurieuse. Un tiers survient, qui désire les apaiser et les harcèle de ses prières. Il leur remontre que l’on ne doit jamais concevoir ni garder d’humeur contre un frère, selon qu’il est écrit : « Quiconque se met en colère contre son frère, méritera d’être puni par les juges ; » (Mt 5,22) et : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère ! » (Eph 4,26). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Comme si la patience n’était due qu’aux infidèles et aux sacrilèges, et non à tous communément ! Comme si la colère, nuisible contre un païen, devenait bonne contre un frère ! Un esprit troublé qui s’obstine dans son irritation, se fait un tort égal, quel que soit celui qui en est l’objet. Quel entêtement, ou plutôt quelle démence ! Ces gens ont perdu toute raison et demeurent stupides, incapables de discerner le sens propre des mots. Car il n’est pas dit : Quiconque se met en colère contre un étranger, méritera d’être puni par les juges. Ceci peut-être eût pu donner lieu à une exception pour ceux qui nous sont unis par la communauté de foi et de vie, comme ils veulent l’entendre. Mais l’Évangile s’est exprimé de la façon la plus claire : « Quiconque se met en colère contre son frère, méritera d’être puni par les juges. » Et sans doute, la vérité nous fait une loi de tenir tout homme pour notre frère ; cependant, le nom même de frère, dans ce passage, désigne tout d’abord les fidèles et ceux qui partagent votre vie, plutôt que les païens. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

De ceux qui, affectant une patience menteuse, excitent leurs frères à la colère par leur silence. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Quel abus encore, de nous croire quelquefois bien patients, parce que nous dédaignons de répondre aux provocations qui nous sont faites ; cependant que, par un silence blessant, un mouvement, un geste de moquerie, nous tournons en dérision nos frères tout émus, et les excitons à la colère par ce masque impassible, plus que ne l’auraient fait de furieuses invectives ! Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

De même, rien ne sert de se taire, si nous nous commandons le silence dans le dessein d’obtenir par son moyen ce qu’aurait fait l’injure ; si nous y joignons de certains gestes hypocrites, qui jetteront dans une colère plus véhémente celui qu’il eût fallu guérir, et qui, pour comble, nous vaudront des louanges de sa ruine et de sa perdition. Comme si l’on ne devenait pas plus criminel encore par le fait même que l’on veut s’acquérir de la gloire de la perte d’un frère ! Mais, aussi bien, un tel silence sera-t-il mauvais à tous deux. Comme il augmente la tristesse au coeur du prochain, il ne permet pas qu’elle disparaisse du notre C’est à ceux qui agissent de la sorte que s’adresse tout spécialement la malédiction du prophète : « Malheur à qui mêle son fiel dans le breuvage qu’il sert à son ami, et qui l’enivre pour voir sa nudité ! Il s’est rassasié d’opprobre, au lieu de gloire. » (Hab 2,15-16). Et voici ce qu’un autre a dit de leurs pareils : « Le frère ne pense qu’à supplanter son frère, et l’ami use de tromperie contre son ami ; l’homme se rira de son frère, et ils ne diront point la vérité, » (Jer 9,4-5) car « ils ont tendu leur langue comme un arc, afin de lancer le mensonge, et non la vérité. » (Jer 9,3). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Souvent, une feinte patience excite plus impétueusement à la colère que ne feraient les paroles, un silence méchant passe les plus violentes injures, et l’on supporte plus aisément les blessures d’un ennemi déclaré que les fausses douceurs d’un moqueur. De telles gens, le prophète dit fort proprement : « Ses discours sont plus onctueux que l’huile, mais ce sont des javelots ; » (Ps 54,22) et ailleurs : « Les paroles des hommes rusés sont douces, mais elles pénètrent jusqu’au fond des entrailles. » (Pro 26,22). On peut encore admirablement leur appliquer cet oracle : « Il a dans la bouche des paroles de paix pour son ami ; et en secret, il lui tend des embûches. » (Jer 9,8). Mais c’est le trompeur qui est trompé. Car « celui qui tend le filet devant son ami, s’en empêtre soi-même, » (Pro 29,5) et « celui qui creuse une fosse pour son prochain y tombera. » (Pro 26,27). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Étant de mauvaise humeur ou en colère, ils s’abstiennent opiniâtrement de nourriture. J’ai honte de le dire : voilà des hommes qui, tandis qu’ils sont paisibles, prétendent ne pouvoir différer leur réfection jusqu’à la sixième heure, ou tout au moins jusqu’à la neuvième. Mais, lorsque la tristesse ou la fureur les enivre, ils demeurent insensibles au jeûne, même prolongé jusqu’à deux jours. Le manque de nourriture devrait les épuiser ; ils le supportent en se rassasiant de colère. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Mais ils méconnaissent absolument le sens de ce texte et l’objet qu’il se propose. Ils s’imaginent pratiquer la patience évangélique par le vice de la colère. Or, c’est précisément afin de le retrancher radicalement que, non content de nous interdire la pratique du talion et les provocations aux voies de fait, le Seigneur nous ordonne d’apaiser qui nous frappe, par notre constance à supporter l’injure, même redoublée. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Le Seigneur désire donc extirper complètement des plus profondes retraites de l’âme le foyer de la colère. Il veut que l’homme extérieur se voyant frapper sur la joue droite par un injuste agresseur, votre homme intérieur présente aussi à frapper sa joue droite, en consentant humblement à l’affront ; qu’il prenne part à la souffrance de l’homme extérieur, soumettant et abandonnant en quelque sorte son propre corps à l’injure. Car il ne faut pas que l’homme intérieur s’émeuve, même silencieusement, du coup reçu par l’homme extérieur. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Vous voyez par là combien ceux dont nous parlons sont éloignés de la perfection évangélique. Elle nous enseigne à garder la patience, non en paroles, mais par la tranquillité du coeur. Et avec quelles exigences veut-elle que nous soyons attentifs à la conserver dans les rencontres fâcheuses ! Ce n’est rien encore de nous garder indemnes des émotions violentes de la colère.,Nous devons, en pliant sous l’injure, contraindre à s’apaiser ceux qui sont émus même par leur faute, leur permettre de s’assouvir en nous frappant. Il faut, à force de douceur, triompher de leur emportement. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Ainsi remplirons-nous le conseil de l’Apôtre : « Ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais triomphez du mal par le bien. » (Rom 12,21). Mais c’est de quoi demeurent bien incapables, ceux qui profèrent des paroles de douceur et d’humilité dans un esprit d’orgueil ; et, loin de songer à éteindre chez soi l’incendie de la colère, ne se proposent, au contraire, que d’en aviver les flammes, et dans leur propre coeur, et dans le coeur de leur frère. Lors même qu’ils réussiraient, pour leur part, à conserver quelque façon de douceur et de paix, ils ne cueilleraient pas encore de cette manière le fruit de la justice, parce qu’ils cherchent à obtenir la gloire de la patience au détriment du prochain. Ne se rendent-ils point, par ce fait, absolument étrangers à l’amour recommandée par l’Apôtre ? Celle-ci « ne cherche pas son intérêt propre, » (1 Cor 13,5) mais celui des autres. Le désir de s’enrichir ne lui fait point poursuivre son profit aux dépens du prochain. Elle ne souhaite pas de rien acquérir, en dépouillant autrui. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Il ne faut pas qu’il s’arrête à considérer le présent ; il ne faut pas que ses lèvres profèrent ce que lui suggère sur l’heure une colère emportée, ce que lui dicte son coeur exaspéré. Mais plutôt qu’il repasse en son esprit la complaisance de charité qui l’unissait naguère à son ami ; ou qu’il tourne ses regards vers l’avenir, pour y voir en esprit la paix déjà refaite comme elle était devant ; qu’il s’attache à la contempler, dans le temps même où il se sent ému, à la pensée qu’elle va revenir sur-le-champ. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Tandis qu’il se réserve pour la douceur de la concorde prochaine, il ne sentira pas l’amertume de la querelle présente, et fera de préférence telle réponse dont il n’ait pas à s’accuser lui-même ni à être repris par son frère, lorsque l’amitié sera rétablie. De cette façon, il accomplira la parole du prophète : « Dans la colère, souviens-toi de la miséricorde. » (Hab 3,2). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

De la manière d’étouffer la colère. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Il nous faut donc contenir tous les mouvements de la colère, et les modérer par le gouvernement de la discrétion, de peur que notre emportement ne nous jette tête baissée dans le travers que Salomon condamne : « L’insensé répand toute sa colère, mais le sage la distribue par parties ; » (Pro 29,11) c’est-à-dire : L’insensé s’enflamme à la vengeance dans l’émotion de la colère, mais le sage l’atténue et la fait disparaître peu à peu par la maturité de son conseil et l’habileté avec laquelle il sait la tempérer. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

L’Apôtre ne parle pas autrement : « Ne vous vengez pas vous-mêmes, mais donnez place à la colère ; » (Rom 12,19) c’est-à-dire : Ne courez pas à ta vengeance sous l’aveugle poussée de la passion, mais donnez place à la colère. Quoi encore ? Ne laissez pas resserrer vos coeurs par l’étroitesse de l’impatience et de la pusillanimité, tellement qu’ils ne puissent soutenir la tempête impétueuse de l’emportement, lorsqu’elle se déchaînera. Dilatez-les, au contraire, et recevez les flots ennemis de la passion dans les espaces élargis de la charité, qui « souffre tout, supporte tout. » (1 Cor 13,7). Que votre âme ainsi dilatée par la largeur de la longanimité et de la patience, possède en soi les retraites salutaires de la délibération et du conseil, on l’horrible fumée de la colère trouve, si l’on peut ainsi parler, une issue, se répande, et finalement se dissipe. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

On peut comprendre encore de la manière suivante. Nous donnons place à la colère, toutes les fois que nous plions d’une âme humble et tranquille devant l’émotion de notre frère, et que, nous reconnaissant en quelque façon dignes de toutes les injures, nous cédons à l’impatience déchaînée. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Cependant, il en est qui inclinent à un tout autre sens le précepte de perfection enseigné par l’Apôtre. Donner place à la colère, c’est à les en croire, s’éloigner de celui qui s’irrite. Mais de cette manière, on entretient, me semble-t-il, le foyer des discussions ; on ne le retranche point. Il faut vaincre la colère du prochain sur-le-champ par une humble satisfaction ; la fuite la provoque, plutôt qu’elle ne l’évite. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Voici encore une parole de Salomon qui ressemble bien aux précédentes : « Ne te hâte point, dans ton esprit, de te mettre en colère, parce que la colère repose dans le sein des insensés » ; (Ec 7,9). « Ne te hâte point de quereller, de peur que tu ne t’en repentes à la fin. » (Pro 25,8). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Si, d’ailleurs, il blâme les disputes et les colères précipitées, ce n’est pas qu’il les approuve lorsqu’elles sont lentes. Il faut entendre dans le même sens le mot que voici : « L’insensé déclare sur l’heure sa colère, mais l’homme habile cache son ignominie. » (Pro 12,6). En décidant que le sage doit cacher la passion ignominieuse de la colère, Salomon blâme assurément la promptitude à s’emporter. Il ne suit pas toutefois qu’il n’interdise aussi de la même manière le vice lent à se déclarer. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Mais il estime que la colère doit être tenue secrète, si, par une fatalité inhérente à l’humaine faiblesse, elle vient à faire irruption dans l’âme, afin que, sagement cachée sur l’heure, elle disparaisse pour toujours. Telle est, en effet, sa nature différée, elle languit et meurt ; manifestée, elle s’enflamme de plus en plus. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Que notre coeur se dilate donc et s’ouvre largement ! Resserré par l’étroitesse de la pusillanimité, le bouillonnement tumultueux de la colère le remplirait. Puis, nous n’aurions point de place, dans un coeur étroit, pour le commandement divin, qui est infini, selon le prophète ; nous ne pourrions non plus redire après celui-ci : « J’ai couru dans la voie de vos commandements, parce que vous dilatiez mon coeur. » (Ps 118,32). Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Nous ne devons pas taire non plus cette utile recommandation. Lors même que, sous la poussée de la colère ou de quelque autre passion, nous nous sommes liés par un serment - ce qui ne devrait jamais arriver à un moine -, il faut néanmoins peser avec un esprit sain les deux alternatives en présence, comparer ce que nous avons résolu avec ce que nous nous sentons pressés de faire, et passer sans retard au parti qu’un examen plus conforme aux lumières de la raison aura jugé plus convenable. Mieux vaut renoncer à sa parole que de manquer une chose pieuse et de plus grand profit pour le salut. Les Conférences : SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH

Mais la patience ne mérite point de louanges ni d’admiration, à demeurer dans sa tranquillité, lorsqu’elle n’a point d’ennemi qui la crible de traits. Ce qui la fait illustre et glorieuse, c’est de rester immobile, quand la tempête de la tentation fond sur elle. On pense que l’adversité va l’ébranler et la mettre en déroute : elle y puise sa force. Son tranchant s’aiguise de ce qui semblait devoir l’émousser. Nul n’ignore que patience vient de pâtir. Il est clair, partant, que celui-là mérite seul d’être dit patient, qui supporte sans révolte tous les mauvais traitements qu’on lui inflige. C’est de lui que Salomon fait à bon droit l’éloge : « L’homme patient vaut mieux que le soldat vaillant ; celui qui maîtrise sa colère, que l’homme qui prend une ville ». (Pro 16,32) « L’homme longanime est riche de prudence, mais le pusillanime est bien insensé. » (Ibid. 14,29). Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Si, vaincu par l’injure, on s’enflamme de colère, il ne faut pas croire que la morsure de l’affront soit cause de ce péché ; elle ne fait que manifester une faiblesse cachée. Et l’on voit ici s’accomplir la parabole de notre Seigneur et Sauveur sur les deux maisons, dont la première était fondée sur le roc, et la seconde sur le sable. (cf. Mt 7,24). Les pluies, les torrents, les vents de tempête se ruent également sur l’une et sur l’autre. Cependant, celle qui est fondée sur la solidité du roc, ne souffre aucun dommage d’un choc si violent ; au contraire, celle qui est construite sur le sable incertain et mobile, s’abîme sans retard. Or, il apparaît clair comme le jour que la cause de sa ruine n’est pas dans les pluies et les torrents qui l’assaillent, mais dans l’imprudence de celui qui l’a bâtie sur le sable. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Quelques jours se passent ; voici de nouveau la dame chez l’évêque : « Je vous avais prié, dit-elle, de me faire donner une veuve que je puisse assister et servir docilement en tous ses besoins. » Lui ne saisit pas d’abord sa pensée ni le désir qui l’anime. « L’officier chargé de ce soin aura, se dit-il, négligé de satisfaire à cette demande. » Il s’enquiert, non sans quelque vivacité, des motifs de ce retard. Il apprend que l’on avait choisi pour cette dame la veuve la plus estimable qu’on avait pu rencontrer. Alors, il commande secrètement qu’on lui remette la pire de toutes, colère, querelleuse, buveuse, bavarde plus que femme du monde. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

C’est donc une vérité certaine, que, de tous les vices, l’envie est le plus dangereux et le plus difficile à guérir : puisque les remèdes qui amortissent les autres, l’excitent davantage. Tel se plaint d’avoir souffert quelque dommage : la libéralité lui offre une compensation, et le voilà content. Cet autre se révolte de injure qu’on lui fait : une humble satisfaction l’apaise. Mais que faire avec un homme qui s’offense précisément de vous voir et plus humble et plus doux ? Si c’était la cupidité, qui allumât sa colère, les présents l’adouciraient ; si c’était une blessure d’amour-propre ou le désir de la vengeance, les caresses et les prévenances sauraient en venir à bout. Mais c’est uniquement le succès, la félicité d’autrui qui l’irrite. Qui donc, pour satisfaire un envieux, souhaitera de déchoir de son bonheur, de ne plus connaître la prospérité, d’être la victime de quelque calamité ? Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Nous sommes dans la solitude. Un frère survient, ou demeure quelque peu. Or, notre esprit ne le souffre pas sans agitation ni anxiété : c’est le signe qu’il existe en nous un foyer très vivace d’impatience. - Au contraire, nous attendons la visite d’un frère. Mais, pour une raison quelconque, il se fait attendre. Et voilà qu’une indignation secrète s’élève dans nos coeurs, pour blâmer ce retard ; notre âme se trouble dans une attente inquiète et hors de propos : notre conscience trouve là une preuve que le vice de la colère et de la tristesse réside en nous. - Un autre nous demande à lire un manuscrit ou à se servir de quelque objet nous appartenant. Sa demande nous attriste, ou nous le rebutons : il n’est pas douteux que nous ne soyons dans les chaînes de l’avarice. - Une pensée jaillit soudainement ou au cours de la lecture sacrée, qui nous trouble : sachons que le feu de l’impureté n’est pas encore éteint dans nos membres. - À la comparaison de notre austérité avec le relâchement d’autrui, un soupçon d’élèvement effleure notre âme : il est sûr que nous sommes infectés du terrible fléau de l’orgueil. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Aux marques signalées tout à l’heure, quelqu’un a reconnu qu’il est en butté aux mouvements tumultueux de l’impatience et de la colère : qu’il s’exerce constamment par des pensées capables de les exciter. Il s’imaginera qu’il est victime de toutes sortes d’injures et de dommages, et s’entraînera à souffrir, dans une parfaite humilité, tout ce que peut lui imposer la méchanceté des hommes. Il se représentera fréquemment les choses les plus dures et les plus intolérables ; et, pénétré des sentiments de la plus profonde contrition, il occupera sa pensée de la grande douceur qu’il devrait montrer en de telles conjonctures. Regardant aux souffrances des saints ou à celles du Seigneur, il conviendra que tous les propos injurieux, tous les genres même de châtiments sont au-dessous de ce qu’il mérite, et se préparera à supporter toute douleur. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Au surplus, si l’on veut parvenir à une perpétuelle et ferme patience, il est un principe qu’il faut tenir avec une constance inébranlable. Nous n’avons pas le droit, nous à qui la loi divine interdit, non seulement de venger nos injures, mais encore de nous en souvenir, nous n’avons pas le droit de nous abandonner à la colère pour quelque tort ou contrariété que ce soit. Quel plus grave dommage peut-il advenir à l’âme, que d’être privée par l’aveuglement subit où son trouble la jette, de la clarté de la vraie et éternelle lumière, et de se retirer de la contemplation de Celui qui est « doux et humble de coeur » ? (Mt 11,29) Qu’y a-t-il, je vous le demande, de plus pernicieux, qu’y a-t-il de plus laid que de voir un homme perdre le sentiment des bienséances, oublier les règles et les principes du juste discernement, et commettre, sain d’esprit et à jeun, ce qu’on ne lui pardonnerait pas en état d’ivresse et privé de sens ? Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Si l’on pèse tous ces inconvénients et les autres de même sorte, on supportera sans peine et on méprisera tous les torts, toutes les injures et souffrances qui peuvent venir de la part des hommes même les plus cruels ; car on jugera que rien n’est plus dommageable que la colère, rien plus précieux que la tranquillité de l’âme et la constante pureté du coeur. Ce trésor mérite que pour lui on dédaigne, je ne dis pas seulement les avantages charnels, mais aussi ceux qui semblent spirituels, s’ils ne se peuvent, acquérir ou réaliser, sans que cette paix soit troublée. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

GERMAIN. - Vous nous avez montré le remède des passions de la colère, de la tristesse et de l’impatience, dans la représentation des objets qui sont de nature à les contrarier. Nous voudrions être instruits pareillement du genre de traitement qu’il convient d’appliquer à l’esprit de fornication. Le feu de la concupiscence se peut-il éteindre, en lui proposant de plus grands sujets de l’exciter, comme dans les cas précédents ? Ce procédé, selon nous, serait assez nuisible à la chasteté, non seulement s’il s’agissait d’exagérer en nous les aiguillons de la passion, mais même si l’âme devait, ne fut-ce qu’en passant, poser son regard sur ces choses. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Aussi bien, personne ne doit se flatter d’obtenir un si beau résultat, avant d’avoir retranché, dans toute la ferveur de son esprit, ce qui fut la cause ou l’occasion de ses chutes. Par exemple, c’est par une dangereuse familiarité avec les personnes du sexe qu’il est tombé dans une faute grave : qu’il évite avec le plus grand soin jusqu’à leur aspect. - Ou bien il s’est laissé emporter à quelque excès de vin ou de bonne chère : qu’il réprime, par une rigoureuse austérité, les séductions de la gourmandise. - Peut-être, il a été induit au parjure, au vol ou à l’homicide par le désir et la passion de l’argent : il faut écarter les objets qui, en allumant son avarice, l’ont attiré dans le piège. - Enfin, c’est le vice de la superbe qui le pousse à la colère : il arrachera la racine même de l’orgueil par une profonde vertu d’humilité. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE

Le seul fait qu’on lui ait déterminé des temps spéciaux, et qu’on en ait encore réglé la qualité et la mesure, prouve assez clairement qu’il n’est pas bon par essence, mais tient le milieu entre le bien et le mal. Ce que l’autorité d’un précepte ordonne. comme bon ou interdit comme mauvais, n’est point soumis de la sorte à des exceptions de temps, si bien que l’on doive, de temps en temps, faire ce qui est défendu, omettre ce qui est prescrit. La justice, la patience, la sobriété, la pureté, la charité n’ont point de mesure déterminée ; et d’autre part, l’injustice, l’impatience, la colère, l’impureté, l’envie, la superbe ne reçoivent jamais leurs franchises. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Nos anciens ont témoigné fréquemment de la coutume suivante chez la nation ennemie des démons. Durant ces jours, ils redoublent leurs attaques contre l’espèce des moines, et les poussent avec plus d’impétuosité à quitter leurs cellules, pour passer en d’autres lieux. De même que les Égyptiens opprimaient jadis les enfants d’Israël sous de violentes afflictions, ces Égyptiens spirituels s’efforcent de courber sous un dur et boueux travail le véritable Israël, le peuple spirituel des moines. Ils voudraient nous empêcher d’abandonner, par une tranquillité agréable à Dieu, la terre d’Égypte, et de passer au désert des vertus, où réside le salut. Le Pharaon frémit de colère contre nous, et s’écrie : Ils sont oisifs, et c’est pourquoi ils vocifèrent, disant : Allons, et sacrifions au Seigneur, notre Dieu. Qu’on les charge de travail, qu’ils soient tout occupés à la besogne, et qu’ils ne prêtent plus l’oreille à des paroles vaines ! (Ex 5,8-9). Vains eux-mêmes, les démons représentent comme la suprême vanité le sacrifice saint du Seigneur, qui ne s’offre que dans le désert d’un coeur libre, car la religion est une abomination au pécheur. (Ec 1,24) Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Fatalement encore, celui-là demeure sous l’homicide empire du péché, qui réclame, avec la Loi, oeil pour oeil, dent pour dent, oui préfère haïr son ennemi. Tandis qu’il souhaite des représailles égales à l’offense et nourrit contre ses adversaires une haineuse amertume, les passions de la rage et de la colère le brûlent d’un feu inévitable. Les Conférences : PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

S’il faut vaincre la gourmandise, ce n’est pas à cause d’elle seulement, et de peur qu’elle ne nous corrompe par le poids des aliments ; ce n’est même pas uniquement par crainte qu’elle n’allume en nous les feux de la concupiscence charnelle ; mais c’est encore afin qu’elle ne nous mette pas en l’esclavage de la colère, de la fureur, de la tristesse et des autres vices. Que l’on nous serve, en effet, le boire et le manger en moindre quantité, ou trop tard, ou sans les soins convenables : si la tyrannie de la gourmandise nous domine, nous serons fatalement piqués aussi des aiguillons de la colère. D’autre part, impossible de se délecter dans les saveurs voluptueuses et d’échapper en même temps à la passion de l’argent, reine des apprêts superflus et dispendieux où se plaît la délicatesse. Les Conférences : DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE

Et, pour rendre la chose plus évidente, à force de la répéter, tel aimait son épouse avec les emportements de la convoitise (cf. 1 Thess 4,5) ; il l’aime maintenant dans l’honneur de la sainteté et la vraie dilection du Christ : c’est la même et unique épouse, mais le prix de l’amour s’est élevé au centuple. Mettez encore en balance le trouble de la colère et de la fureur avec la constante douceur de la patience ; le tourment des soucis et des préoccupations avec le repos de la tranquillité ; la tristesse infructueuse du siècle présent, toute en souffrance, avec le fruit de la tristesse qui opère le salut : la vanité des satisfactions temporelles avec l’abondance de la joie spirituelle et, dans un tel échange, le centuple vous apparaîtra manifestement. De même, si l’on compare à la brève et fuyante volupté des vices le mérite de la vertu contraire, le bonheur se multiplie singulièrement de l’une à l’autre : preuve évidente que le prix de la vertu est aussi cent fois supérieur. Le nombre 100 s’obtient, en effet, en passant de la main gauche à la main droite ; et bien que la figure formée par les doigts soit identique, la quantité signifiée a pourtant énormément grandi. À gauche, nous étions parmi les boucs ; en passant à droite, nous sommes élevés au rang des brebis. Les Conférences : CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM



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