Traité des principes

Image de Dieu

mardi 3 juillet 2007.
 

Ces affirmations pourraient avoir moins d’autorité auprès de ceux qui veulent recevoir des Écritures saintes leur instruction dans les choses divines et qui y cherchent la preuve de la suréminence de la nature divine sur celle des corps. Mais l’Apôtre ne parle-t-il pas de même lorsqu’il dit du Christ : Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature. Il ne faut pas croire, comme certains le pensent, que la nature de Dieu serait visible à l’un, invisible aux autres. L’Apôtre n’a pas dit : image de Dieu invisible pour les hommes, ou invisible pour les pécheurs, mais il exprime de façon absolue la nature même de Dieu quand il dit : image du Dieu invisible. Jean lui aussi dit dans son évangile : Dieu, personne ne l’a vu : par là il déclare clairement, à tous ceux qui peuvent comprendre, qu’il n’existe pas de nature à qui Dieu soit visible. Il ne faut pas comprendre qu’il serait visible de nature et échapperait à la vue de la créature trop faible, mais qu’il est naturellement impossible de le voir.

L’Évangile dit des intendants déshonnêtes qu’ils seront coupés en deux et qu’une partie d’eux sera mise parmi les infidèles, comme si cette partie qui ne leur serait pas propre serait à mettre ailleurs : il indique sans aucun doute la manière dont sont châtiés ceux dont, à ce qu’il me semble, l’esprit est représenté comme devant être séparé de l’âme. Si cet esprit est à comprendre comme étant de nature divine, c’est-à-dire l’Esprit Saint, nous penserons que cela est dit du don de l’Esprit Saint : donné soit par le baptême, soit par la grâce de l’Esprit - puisqu’à quelqu’un est donnée la parole de sagesse ou la parole de connaissance ou d’un autre don quel qu’il soit -, s’il n’a pas été bien administré, qu’il ait été enfoui dans la terre ou enfermé dans un mouchoir, le don de l’Esprit sera assurément ôté à l’âme, et la partie qui restera, c’est-à-dire la substance de l’âme, est mise avec les infidèles, coupée et séparée de cet esprit avec lequel elle aurait dû se joindre au Seigneur pour être un seul esprit avec lui. Si cela n’est pas à entendre de l’Esprit de Dieu, mais de la nature de l’âme elle-même, ce qui est dit sa partie supérieure est ce qui a été fait à l’image de Dieu et à sa ressemblance, et l’autre partie est celle qu’elle a assumée dans la suite à cause de la chute du libre arbitre, contrairement à la nature de sa création première et de sa pureté première : c’est cette partie en tant qu’elle est amie de la matière corporelle et aimée d’elle qui sera punie en recevant le sort des infidèles. On peut enfin comprendre en un troisième sens cette division : chacun des fidèles, même le plus petit dans l’Église, est assisté par un ange selon l’Écriture, et le Sauveur rapporte que cet ange voit toujours la face de Dieu le Père ; cet ange, qui ne faisait en quelque sorte qu’un avec celui qu’il gouvernait, lui est ôté par Dieu d’après ce qui est dit, si son pupille s’en rend indigne par sa désobéissance ; et alors la partie, c’est-à-dire la partie de nature humaine, arrachée de sa partie divine, est envoyée avec les infidèles, parce qu’elle n’a pas gardé fidèlement les avertissements de l’ange qui lui avait été attribué par Dieu.

Mais ceux qui reçoivent l’interprétation des Écritures selon le sens des apôtres espèrent que ce que mangeront les saints, c’est le pain de vie qui nourrit l’âme des aliments de la vérité et de la sagesse, illumine l’intelligence et l’abreuve de la coupe de la Sagesse divine, selon ce que dit l’Écriture : La Sagesse a préparé sa table, immolé ses victimes, mélangé son vin dans le cratère et elle crie à grande voix : Venez chez moi, mangez les pains que je vous ai préparés et buvez le vin que j’ai mélangé pour vous. Nourrie de ces aliments de la Sagesse, l’intelligence est rétablie dans son intégrité et dans sa perfection, dans l’état où l’homme a été créé au début, à l’image de Dieu et à sa ressemblance. Et même celui qui aura quitté cette vie avec une connaissance insuffisante, mais en apportant des oeuvres dignes d’approbation, sera instruit dans cette Jérusalem, cité des saints, il recevra l’enseignement et la formation et il deviendra une pierre vive, une pierre précieuse et choisie, parce qu’il aura enduré avec courage et constance les luttes de cette vie et les combats pour la piété ; et là-haut il connaîtra de manière plus vraie et plus claire ce qui lui a été dit déjà ici-bas, parce que : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Les princes et les chefs sont à entendre de ceux qui dirigent leurs inférieurs, les instruisent, les enseignent et les forment dans la connaissance des réalités divines.

Nous avons déjà disserté plus haut, selon nos possibilités, de la fin et de la consommation du monde selon que le permet l’autorité des divines Écritures ; nous pensons que cela suffit à instruire, mais nous mentionnerons cependant quelques autres points, puisque la suite de l’argumentation nous ramène à ce sujet. Le bien suprême donc, vers lequel se hâte toute la nature raisonnable et qui est dit aussi la fin de toutes choses, a été exprimé pareillement par de très nombreux philosophes en ces termes : le bien suprême consiste à devenir semblable à Dieu dans la mesure du possible. Mais cela, je ne pense pas qu’ils l’aient trouvé eux-mêmes, ils l’ont emprunté aux livres divins. C’est en effet indiqué par Moïse avant tout autre quand il raconte la première création de l’homme : Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et ressemblance. Ensuite il ajoute : Et Dieu fit l’homme, à l’image de Dieu il le fit, mâle et femelle il les fit, et il les bénit. Il dit alors : A l’image de Dieu il le fit, et il se tut sur la ressemblance : cela indique seulement que l’homme a reçu la dignité de l’image dans sa première création, mais que la perfection de la ressemblance lui est réservée pour la consommation. C’est dire qu’il devait se la procurer lui-même par l’effort de son activité propre en imitant Dieu : la possibilité de cette perfection qui lui était donnée dès le début par la dignité de l’image, il devait à la fin, en accomplissant les oeuvres, la réaliser lui-même en ressemblance parfaite. L’apôtre Jean certifie avec plus de clarté et d’évidence qu’il en est ainsi lorsqu’il dit : Mes petits enfants, nous ne savons pas encore ce que nous serons ; quand cela nous sera révélé, nous serons semblables à lui : il parle là sans aucun doute du Sauveur. Par là il indique avec une grande certitude et la fin de toutes choses - il dit qu’il l’ignore encore - et la ressemblance de Dieu à espérer, celle qui sera donnée selon la perfection des mérites. Le Seigneur lui-même dans l’Évangile la présente non seulement comme future, mais comme devant se produire par son intercession, puisqu’il daigne lui-même la demander à son Père pour ses disciples quand il dit : Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et : comme moi et toi nous sommes uns, ainsi qu’eux aussi soient un avec nous. Il semble par là que la ressemblance elle-même progressera, pour ainsi dire, et que de semblable on deviendra un, car sans aucun doute à la consommation ou fin Dieu est tout et en tous.

Si quelqu’un ose attribuer une corruption atteignant la substance même à celui qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, il étend, à ce que je pense, le motif de son impiété jusqu’au Fils de Dieu lui-même : car le Fils est aussi appelé image de Dieu dans les Écritures. Ou certainement celui qui veut qu’il en soit ainsi, qu’il accuse l’autorité de l’Écriture qui dit que l’homme a été fait à l’image de Dieu. Il est clair que les signes de cette image divine en l’homme peuvent être reconnus, non dans la forme du corps qui se corrompt, mais dans la prudence de l’intelligence, dans la justice, la modération, le courage, la sagesse, l’instruction, bref dans tout le choeur des vertus, présentes en Dieu de façon substantielle, en l’homme par son activité et l’imitation de Dieu, selon ce que dit le Seigneur dans l’Évangile : Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux, et : Soyez parfaits comme votre Père est parfait. Cela montre avec évidence qu’en Dieu toutes ces vertus existent toujours, sans pouvoir progresser ni régresser, mais que dans les hommes chacune d’elle est acquise peu à peu. Par là les hommes semblent avoir une certaine parenté avec Dieu ; puisque Dieu connaît tout et qu’aucune réalité intellectuelle ne lui est cachée - en effet Dieu seul, Père, Fils Unique et Saint Esprit, non seulement connaît ce qu’il a créé, mais encore possède la connaissance de lui-même -, l’intelligence raisonnable peut cependant, en progressant du petit jusqu’au plus grand et du visible jusqu’à l’invisible, parvenir à une compréhension plus parfaite. Elle est en effet placée dans un corps et doit progresser des réalités sensibles qui sont corporelles à celles qui ne sont pas sensibles, mais incorporelles et intellectuelles. Mais de peur qu’il ne paraisse pas convenable d’appeler non sensibles les réalités intellectuelles, nous utiliserons comme exemple une affirmation de Salomon : Tu trouveras aussi une sensibilité divine. Gela montre que les réalités intellectuelles sont cherchées non avec un sens corporel, mais avec un autre sens appelé divin.



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