Origène

Les animaux

HOMÉLIES SUR LA GENÈSE
dimanche 16 septembre 2007.
 


-  « Et Dieu créa les grands animaux aquatiques et tout être qui rampe. Les eaux les produisirent chacun selon son espèce, et tout volatile ailé selon son espèce. » Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

Au sujet de ces animaux comme au sujet de ceux dont nous venons de parler, il faut comprendre que nous devons nous aussi, produire « de grands animaux aquatiques » et des « êtres qui rampent selon leur espèce ». Dans ces grands animaux aquatiques, il faut voir, à mon avis, les pensées impies et tous les desseins abominables contre Dieu. Car, cela même, il faut le produire au regard de Dieu et l’exposer devant lui, afin de séparer le bien du mal et pour que le Seigneur assigne à chacun sa place, comme nous allons le voir. Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

C’est dans la mer que les animaux produits par les eaux, les grands animaux aquatiques et tout être qui rampe, doivent demeurer, là où habite « le dragon que Dieu a formé pour se jouer de lui ». Mais les oiseaux doivent multiplier sur la terre ; et, comme nous l’avons dit, celle-ci était auparavant l’ « élément sec », tandis qu’elle est appelée maintenant Terre. Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

On peut se demander pourquoi les grands animaux aquatiques et les êtres qui rampent représentent le mal, et les oiseaux le bien, étant donné qu’il est dit d’eux tous indifféremment : « Et Dieu vit que tout cela était bon. » Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

Or, il n’est pas écrit : « Et Dieu dit que cela était bon », mais : « et Dieu vit que cela était bon ». C’est que Dieu voyait les avantages des choses et ce qui leur permettrait, malgré ce qu’elles étaient, de mener les bons à la perfection. Aussi dit-il ensuite : « croissez et multipliez, remplissez les eaux de la mer et que les oiseaux multiplient sur la terre », autrement dit : que les grands animaux aquatiques et les êtres qui rampent soient dans la mer, comme nous avons dit plus haut, et les oiseaux sur la terre. Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

Nous avons dit quelle interprétation allégorique leur donner, quand nous avons expliqué que l’eau, c’est-à-dire l’esprit de l’homme, avait reçu l’ordre de produire le sens spirituel, tandis que la terre devait produire le sens charnel, en sorte que ce soit l’esprit qui domine les animaux et non pas ceux-ci l’esprit. Car l’homme, ce grand « ouvrage » de Dieu pour lequel le monde entier fut créé, Dieu le veut non seulement pur et exempt, mais encore au-dessus de tout ce que nous avons dit. Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

Nous avons déjà interprété cela au sens littéral dans le passage où Dieu dit : « Faisons l’homme, etc., qu’il domine sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel, etc. » Mais, au sens allégorique, ce qui me semble indiqué par les poissons, les oiseaux, les animaux et les êtres de la terre qui rampent, c’est ce que nous avons déjà dit plus haut, c’est-à-dire, soit tout ce qui procède de l’âme et de la pensée du coeur, soit tout ce qui provient des désirs corporels et des mouvements de la chair. Les saints qui sont fidèles à la bénédiction de Dieu tiennent tout cela sous leur domination, car les saints conduisent l’homme tout entier selon la volonté de l’esprit ; les pécheurs au contraire sont sous la domination de ce qui provient des vices de la chair et des plaisirs du corps. Homélies sur la Genèse : I - LA CRÉATION Le premier jour.

Passons à l’intérieur. Le bas, nous dit-on, est « à double voûte » ; c’est-à-dire qu’il comprend deux hauteurs d’appartements, et le haut est « à triple voûte » : nous dirions qu’il est divisé en trois étages superposés. Cette séparation des appartements semble faite pour répartir plus facilement dans chaque logement les divers genres d’animaux et de bêtes, et pour tenir les animaux doux et tranquilles à l’écart des bêtes féroces. L’Écriture appelle ces appartements séparés des « cellules » (nidi). Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Une tradition nous dit - et la chose n’est pas sans vraisemblance - que le bas de l’arche, construit en double épaisseur comme nous l’avons vu et appelé « à double voûte » - tandis que le haut était dit « à triple voûte » - fut ainsi doublé pour la raison suivante : tous les animaux passèrent dans l’arche une année entière, et il était certes nécessaire de s’approvisionner en vivres pour toute l’année, et non seulement de prévoir les vivres, mais de constituer des lieux pour recevoir les produits des digestions, en sorte que les animaux même, mais surtout les hommes, ne soient pas incommodés par l’odeur insupportable du fumier. La tradition rapporte donc que la partie la plus basse, dans la cale, fut réservée aux nécessités de cet ordre, celle qui se trouvait immédiatement au-dessus étant assignée à la conservation des vivres. Car il paraissait bien nécessaire, pour les bêtes qui se nourrissent ordinairement de viande, d’introduire des animaux en surnombre dont la viande servirait de nourriture et permettrait aux autres de subsister pour conserver la race ; ainsi, pour chaque espèce, fut-on obligé de conserver le genre d’aliments que requéraient les besoins ordinaires. La tradition rapporte que les parties inférieures, dites « à double voûte », furent destinées à cet effet. Les parties supérieures, au contraire, furent affectées au logement des bêtes et des animaux : là, au bas, logeaient les bêtes sauvages et féroces et les serpents ; immédiatement au-dessus étaient les étables des animaux plus tranquilles ; enfin, au sommet, il y avait l’habitation des hommes, ce qui est bien normal puisque, par la dignité de sa raison, l’homme prévaut sur tout. Étant donné que l’homme par sa raison et par sa sagesse, tient le premier rang sur la terre, il doit être placé, dans l’arche, au lieu le plus haut, au-dessus de tous les animaux. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

La tradition rapporte encore que la porte qui fut faite sur le côté se trouvait au-dessus des parties intérieures dites « à double voûte » et que les parties supérieures, dites « à triple voûte », étaient appelées « supérieures » à cause de leur position par rapport à la porte. Entrés par là, tous les animaux furent ensuite répartis dans leurs locaux respectifs, comme nous avons dit plus haut, en tenant compte des séparations voulues. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Mais ce ne sont pas les moyens humains qui assurent la protection définitive de la porte. Car, quand la porte fut fermée et qu’il n’y eut plus personne hors de l’arche, comment aurait-on pu l’enduire de bitume de l’extérieur ? Pour que les eaux ne pénètrent pas par l’orifice dont le travail de l’homme n’avait pu assurer la sécurité, il fallut sans conteste une opération divine. Aussi, après avoir, pour tout le reste, dit que c’est Noé qui fit l’arche et qui y fit entrer les animaux et ses fils avec les femmes de ses fils, l’Écriture ne dit pas, quand il s’agit de la porte, que Noé ferma la porte de l’arche, mais que « le Seigneur Dieu, du dehors, ferma la porte de l’arche et alors le déluge eut lieu ». Remarquons aussi qu’après le déluge, quand Noé envoya « le corbeau pour voir si l’eau avait diminué sur la surface de la terre », l’Écriture ne fait pas ouvrir à Noé la porte, mais « la fenêtre ». Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Noé a bien introduit dans l’arche de la nourriture pour tous les animaux et toutes les bêtes qui étaient entrées avec lui ; croyez-en ces paroles que le Seigneur dit à Noé : « Et toi, prends de tous les aliments que l’on mange et fais-en provision près de toi pour qu’ils te servent de nourriture ainsi qu’à eux ». Croyez aussi que Noé fit bien ce que lui avait ordonné le Seigneur, car l’Écriture dit : « Alors Noé fit tout ce que le Seigneur Dieu lui avait ordonné ; il le fit exactement ». Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Sans doute l’Écriture n’a rien rapporté sur les lieux que nous avons dits, destinés au fumier des animaux ; mais la tradition tient qu’il a paru opportun de garder le silence là-dessus, - et la raison suffirait à nous en persuader. Comme un tel renseignement était moins digne de fournir matière à une intelligence spiri-tuelle, c’est à bon droit que l’Écriture s’en est tue, elle dont le souci principal est d’adapter ses récits à des significations allégoriques. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Cependant, étant donné les conditions résultant des pluies et du déluge, on ne pouvait donner à l’arche une forme mieux appropriée que ce sommet étroit qui laissait ruisseler les eaux de pluies, comme un toit, et cette base rectangulaire bien assise sur les eaux qui empêchait l’arche de pencher ou de s’enfoncer sous la force des vents, le coup des flots et l’agitation des animaux. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Donc, Apelles, dans son désir que les écrits de Moïse ne contiennent rien de la divine sagesse ni de l’oeuvre du Saint-Esprit, exagère les propos de ce genre et prétend qu’il est tout à fait impossible qu’un si petit espace ait pu contenir tant d’espèces d’animaux et toute la nourriture qui leur était nécessaire pour une année entière. D’après l’Écriture, prétend-il, il dut entrer dans l’arche deux paires de tous les animaux impurs, une paire de mâles et une paire de femelles - c’est ce que veut dire la répétition du texte - et sept paires de tous les animaux purs : or, comment l’espace qui est décrit a-t-il pu contenir seulement quatre éléphants ? Et après avoir ainsi fait la même objection pour chaque espèce d’animaux, il conclut par ces mots : « Il est donc clair que c’est là une fable ; et par conséquent, cet écrit n’est pas de Dieu. » Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Les anciens disaient donc que Moïse, qui, comme l’atteste l’Écriture, « avait été imbu de la sagesse égyptienne », calcula le nombre de ses coudées selon l’art géométrique, dans lequel les Égyptiens excellent tout particulièrement. Or, les géomètres ont une manière de compter qu’ils appellent « proportionnelle », selon laquelle, quand il s’agit de volumes et de surfaces, une coudée représente six coudées en vertu d’une réduction ordinaire ou même trois cents en vertu d’une réduction plus poussée. Si c’est cette manière de compter qui fut observée, l’arche devait avoir en longueur et en largeur des dimensions suffisantes pour contenir les échantillons de repeuplement du monde entier et des exemplaires de tous les animaux vivants. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Dans ce texte, il apparaît bien que le Seigneur décrit d’une seule et même façon le déluge qui est passé et la fin du monde qu’il annonce. Jadis, il fut dit à l’antique Noé de faire une arche et d’y introduire avec lui non seulement ses fils et ses proches mais des animaux de toute espèce ; à la consommation des siècles, il a été dit par le Père au Seigneur Jésus-Christ, notre Noé , qui est véritablement le seul Juste et le seul Parfait, de se faire une arche de bois équarris et de lui donner des mesures pleines de mystères célestes. C’est ce qui est indiqué dans le Psaume qui dit : « Demande et je te donnerai les nations pour héritage et pour domaine les extrémités de la terre. » Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Il construit donc une arche et il y fait des cellules, c’est-à-dire des logements pour recevoir les différentes espèces d’animaux. Ce sont ces logements que vise le prophète quand il dit : « Va, mon peuple, entre dans tes logements, cache-toi pour quelques instants jusqu’à ce que ma colère ail passé. » La comparaison s’impose donc entre ce peuple qui est sauvé dans l’Église, et tous ces êtres, hommes et animaux, qui ont été sauvés dans l’arche. Mais ni la récompense ni les progrès dans la foi ne sont les mêmes pour tous ; c’est pourquoi cette arche ne ren-ferme pas pour tous le même appartement, mais le bas en est à « double voûte », le haut à « triple voûte » et il y a diverses cellules. Cela montre que dans l’Église, bien que tous soient contenus à l’intérieur d’une même foi et baignés dans un seul baptême, tous ne progressent pas autant ni de la même façon, « mais chacun en son rang ». Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Est équarri ce qui ne peut balancer sur aucune de ses faces et qui, de quelque côté qu’on le tourne, garde constamment et solidement son assiette. Ce sont des bois de cette sorte qui supportent à l’intérieur la charge des animaux et à l’extérieur la poussée des flots. Ils représentent, à mon avis, dans l’Église, les docteurs, les maîtres et les zélateurs de la foi qui, d’un côté, réconfortent les gens de l’intérieur par la parole d’avertissement et la faveur de l’enseignement, et, de l’autre, s’opposent par la force de la parole et la sagesse de la raison aux attaques qui viennent du dehors, des gentils et des hérétiques ou de ceux qui soulèvent les flots des objections et les tempêtes des discussions. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Quant aux cellules, dans l’arche, leur grand nombre fait penser qu’elles signifient qu’il y a « beaucoup de demeures auprès du Père ». Pour expliquer les animaux, les bêtes, le bétail et les divers autres vivants, quelle autre figure rete-nir que celle qu’Isaïe nous donne : « dans le royaume du Christ, le loup et l’agneau, le léopard et le chevreau, le lion et le boeuf iront ensemble au pâturage et leurs petits mangeront ensemble le même fourrage ; et même le jeune enfant - un de ceux, je pense, dont le Sauveur disait : « Si vous : ne vous convertissez et ne devenez comme l’un de ces petits, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » - le jeune enfant introduira la main dans le repaire des aspics sans en éprouver aucun mal ». - On peut aussi évoquer cette autre figure, que l’Église réalise actuellement selon l’enseignement de Pierre, et qui nous rapporte la vision de Pierre où tous les quadrupèdes, toutes les bêtes de la terre et les oiseaux du ciel apparaissaient contenus dans la nappe unique de la foi attachée par les quatre coins des Évangiles. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Mais, que nous fassions de cette arche la bibliothèque des livres divins ou l’âme fidèle, selon le point de vue moral, tu dois encore y introduire des animaux de toute espèce, purs et impurs. Les animaux purs, nous pouvons dire sans peine qu’on peut les interpréter comme la mémoire, la science, l’intelligence, l’examen, le jugement et autres éléments semblables, de nos lectures. Mais les animaux impurs, dont il est dit qu’ils vont par deux paires à la fois, il est difficile d’expliquer ce qu’ils représentent. Cependant, s’il n’est pas trop audacieux de s’attaquer à des paysages si difficiles, je pense qu’il s’agit de ces passions communes à toutes les âmes, le désir et la colère. Quand ils portent l’homme à pécher, ils ne manquent pas d’être qualifiés d’impurs ; mais comme on ne peut ni pourvoir à la descendance d’une race sans le désir, ni assurer de correction et d’instruction sans la colère, il faut dire aussi que nous ayons besoin de ces deux passions et que nous devons les garder. Homélies sur la Genèse : II - L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

S’étant introduites auprès de leur père une nuit chacune, elles deviennent enceintes de lui à son insu. Elles ne recommencent pas, elles ne redésirent pas. En tout cela, peut-on les convaincre de dévergondage coupable, d’inceste criminel ? Peut-on qualifier de vice ce qui ne s’est produit qu’une fois ? - Je crains, en poursuivant, de dire mon avis ; je crains, oui, que leur inceste n’ait été plus chaste que la chasteté de beaucoup de femmes. Que les femmes mariées s’examinent et se demandent si elles ne recherchent leur mari que pour avoir des enfants et si elles cessent de le faire une fois qu’elles sont enceintes. Les filles de Lot, que l’on prétend rendre coupables d’inceste, une fois qu’elles ont conçu ne recherchent plus l’union maritale. Il y a des femmes - ce n’est pas à toutes sans distinction que nous faisons le reproche, mais à quelques-unes - il y a des femmes qui, sans aucune mesure, telles des animaux, ne cessent de rechercher le plaisir. Et encore, je ne les comparerais même pas à des bêtes, car les bêtes savent au moins se refuser aux mâles quand elles sont pleines ! Ce sont ces abus que la sainte Écriture blâme, quand elle dit : « Ne soyez pas comme le cheval et le mulet qui sont sans intelligence », et encore : « Ils sont devenus des étalons. » Homélies sur la Genèse : V - LES FILLES DE LOT Le premier jour.

L’orge est d’ordinaire la nourriture des bêtes ou des esclaves à la campagne. Elle présente un aspect assez rugueux qui donne l’impression, à celui qui la touche, de piquer avec des espèces de pointes. Or, Isaac, c’est la parole divine, qui sème l’orge dans la loi, et dans les Evangiles le froment. Il prépare le froment pour les parfaits et les spirituels, et l’orge pour les commençants et les « animaux », car il est écrit : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les bêtes ensemble. » Homélies sur la Genèse : XII - RÉBECCA CONÇOIT ET ENFANTE Le premier jour.



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