« Il les créa mâle et femelle, et Dieu les bénit en disant : croissez et multipliez, remplissez la terre et dominez-la. »
Il paraît intéressant de rechercher ici en explication littérale pourquoi, tandis que la femme n’existe pas encore, l’Ecriture dit : « Il les fit mâle et femelle. » Si elle devance l’avenir en disant : « Et il les fit mâle et femelle », c’est probablement, à mon avis, à cause de la bénédiction que Dieu leur donna en disant : « croissez et multipliez », car l’homme ne peut croître ni multiplier sans la femme. Pour qu’il n’y ait pas d’hésitation sur l’efficacité de la bénédiction, il est dit : « il les fit mâle et femelle ». De la sorte, l’homme, voyant que croître et multiplier découlait de ce qu’on lui adjoignait une femme, pouvait garder une confiance plus assurée en la bénédiction divine. Si l’Écriture avait dit : « croissez et multipliez, remplissez la terre et dominez-la », sans ajouter qu’a il les fit mâle et femelle », l’homme serait resté sceptique en la bénédiction divine, comme Marie répondit à la bénédiction de l’Ange : « comment le saurai-je puisque je ne connais point d’homme ? ».
Mais si l’Écriture dit en anticipant : « Et il les fit mâle et femelle », c’est peut-être aussi parce que toutes les oeuvres de Dieu, par ailleurs, vont par groupes et sont unies, comme le ciel et la terre, le soleil et la lune ; l’Écriture a voulu montrer que l’homme est de même une oeuvre de Dieu et qu’il n’a pas été réalisé sans le complément ni l’union qui lui convenaient.
Tout cela n’a fait que répondre à un problème d’explication littérale.
Mais voyons aussi ce que signifie au sens allégorique que l’homme a été fait mâle et femelle à l’image de Dieu. Notre homme intérieur est constitué d’un esprit et d’une âme. On peut faire de l’esprit le mâle et de l’âme la femelle. Si ces deux éléments s’entendent et s’accordent entre eux, par leur union ils croissent et multiplient ; ils engendrent des fils : les bons mouvements, les idées et les pensées profitables, au moyen desquels ils remplissent et dominent la terre. Autrement dit, ayant maîtrisé le sens de la chair, ils l’inclinent à de bons desseins, et ils le dominent en ne tolérant aucune insurrection de la chair contre la volonté de l’esprit. Si donc il arrive que l’âme qui est unie à l’esprit et pour ainsi dire mariée avec lui, s’écarte vers les plaisirs corporels et se porte aux jouissances de la chair, si tantôt elle semble obéir aux salutaires avertissements de l’esprit et tantôt cède aux vices charnels, cette âme souillée par l’adultère du corps, ne peut pas croître ni multiplier légitimement ; au reste, l’Écriture nomme les imparfaits des fils d’adultère. Cette âme divorcée d’avec l’esprit se livre tout entière au sens de la chair et aux désirs corporels, elle se détourne effrontément de Dieu et elle s’entendra dire qu’ « elle a pris un visage de courtisane et qu’elle s’est livrée sans pudeur à tout le monde ». Elle sera donc punie comme une courtisane et l’on ordonnera de « préparer un massacre à ses fils ».