Homélies sur les Nombres XXVII

La vraie nourriture de la nature raisonnable est la parole de Dieu

mardi 3 juillet 2007.
 

A-t-on suffisamment considéré l’exemple des réalités corporelles ? Venons-en maintenant à l’intelligence des spirituelles. Toute nature raisonnable a besoin des nourritures qui lui sont propres et qui conviennent à son cas. Or la vraie nourriture de la nature raisonnable est la parole de Dieu. Mais comme nous venons d’établir qu’il y a beaucoup de différences entre les nourritures du corps, toutes les natures raisonnables qui se nourrissent, avons-nous dit, du Verbe de Dieu, ne Le prennent pas sous la même forme. A la ressemblance de l’alimentation du corps, la Parole de Dieu comporte un régime lacté, à savoir l’enseignement exotérique et simple tel qu’est celui de la morale, et qu’on donne aux débutants dans les divines études, quand ils reçoivent les rudiments de la science rationnelle. Quand on leur lit un passage des Livres divins où il ne paraît pas y avoir d’obscurité, ils le reçoivent avec joie : tel est par exemple le Livre d’Esther, celui de Judith, ou même celui de Tobie et les préceptes de la Sagesse. Mais s’il entend lire le Lévitique, son esprit achoppe constamment et il se détourne de cette nourriture comme n’étant pas de son régime. Il est venu pour apprendre à honorer Dieu, pour recevoir Ses préceptes de justice et de piété, et il n’entend parler que de prescriptions concernant les sacrifices, que du rituel des immolations : comment ne détournerait-il pas aussitôt son attention, et ne refuserait-il pas cette nourriture comme ne lui convenant pas ? Un autre, à la lecture des Évangiles, des Epîtres, des Psaumes, les accueille avec joie et s’y attache volontiers, il se réjouit d’y découvrir quelque remède à ses infirmités. Mais si on lui fait lecture du Livre des Nombres et notamment des passages que nous avons entre les mains, il jugera que cela n’est d’aucune utilité, qu’il n’y a point là de remède pour ses infirmités ni rien pour le salut de son âme ; il les repoussera et les rejettera aussitôt comme des nourritures lourdes et indigestes, mal adaptées à une âme malade et infirme. Mais, pour en revenir à l’exemple des choses corporelles, de même que le lion, à supposer qu’on lui donne l’intelligence, ne se plaindra pas de l’abondance de l’herbe dans la Création, sous prétexte qu’il se nourrit de chair crue, et ne dira pas qu’elle a été produite inutilement par le Créateur, de même encore que l’homme, sous prétexte qu’il use de pain et des autres aliments qui lui conviennent, ne doit pas se plaindre que Dieu ait fait des serpents, qu’on voit servir de nourriture aux cerfs ; que le mouton ou le bœuf ne doivent pas se plaindre de ce qu’il a été donné à d’autres animaux de se nourrir de viande, sous prétexte qu’il leur suffit de manger de l’herbe ; de même pour les nourritures rationnelles, je veux dire les Livres divins, on ne doit pas accuser ni repousser les passages de l’Écriture qui paraissent plus obscurs ou plus difficiles a comprendre, ni réserver ce que le commençant, le petit enfant, ou le malade trop faible pour tout comprendre, ne peuvent utiliser, et ce qui ne peut leur être, à leur avis, d’aucune utilité et ne peut contribuer à leur salut ; mais il doit considérer ceci : de même que le serpent, le mouton, l’homme et l’herbe sont tous des créatures de Dieu, et que cette diversité des êtres tourne à la gloire et à la louange du Créateur, parce que la nourriture qu’ils tirent des autres ou leur fournissent à point nommé est une nourriture appropriée pour chacun des êtres en vue desquels ils ont été créés, de même, chacun selon sa santé et ses forces, doit utiliser ces textes qui sont paroles de Dieu et dont la diversité offre une nourriture adaptée à la portée des âmes.

Et cependant, à y regarder de près, par exemple dans la lecture de l’Évangile, ou dans l’enseignement de l’Apôtre, où tu sembles te plaire, où tu penses trouver la nourriture la mieux adaptée et la plus agréable, quels ne sont pas les secrets qui te sont cachés, si tu étudies, si tu approfondis les préceptes du Seigneur ! Or s’il faut fuir et éviter ce qui te semble obscur et difficile, tu trouveras même dans les passages qui t’inspirent le plus de confiance tant d’obscurités et de difficultés, que tu devras abandonner aussi ce terrain si tu t’en tiens à ton opinion. Il contient pourtant bien des paroles claires et simples, capables d’édifier l’auditeur, même peu intelligent.



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