Sermons panégyriques.

Le souvenir des fautes et l’utilité de l’examen.

Sermon « Qu’il ne faut pas parler en vue de plaire »
lundi 23 juillet 2007.
 

4. Dans les tribunaux, la peine suit de près l’aveu des fautes. C’est pourquoi, afin que la crainte de la peine qui suit l’aveu des fautes ne nous fasse pas nier nos péchés, le psalmiste dit : « Confessez vos péchés au Seigneur, parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde s’étend au-delà des siècles » ( Ps 105, 1 ). Est-ce que Dieu ne connaît pas vos fautes sans que vous les lui confessiez ? Que gagnez-vous à ne les lui pas confesser ? Pouvez-vous les lui cacher ? Si vous ne les lui dites pas, il les connaît ; si vous les lui dites, il les oublie. « Je suis Dieu, dit-il, qui efface vos iniquités et qui ne m’en souviendrai pas » ( Is 43, 25 ). L’entendez-vous ? Je ne m’en souviendrai pas, dit-il : c’est le propre de la clémence ; mais vous, souvenez-vous-en, afin que ce souvenir vous porte à vous corriger. Plein de ces maximes, Paul se ressouvenait sans cesse des péchés dont Dieu ne se ressouvenait plus : « Je ne suis pas digne, disait-il, d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Eglise de Dieu » (1 Cor 15,9 ). Et encore : « Le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs entre lesquels je suis le premier » ( 1 Tim 1, 15 ). Il ne dit pas « j’étais », mais « je suis ». Les péchés étaient pardonnes auprès de Dieu, et le souvenir des péchés pardonnes n’était pas effacé dans l’esprit de Paul. Ce que le Seigneur avait oublié, il le publiait lui-même. Vous avez entendu le prophète dire : « Je ne me souviendrai pas de vos iniquités » ; mais vous, n’en perdez pas le souvenir. Dieu appelle son Apôtre un vase d’élection, et l’Apôtre se déclare lui-même le premier des pécheurs. Que si Paul n’oubliait pas les péchés pardonnés, songez comment il se rappelait les bienfaits de Dieu. Le souvenir de nos fautes ne nous déshonore pas. Que dis-je ? Le souvenir de nos bonnes œuvres ne nous procure pas autant de gloire que le souvenir de nos fautes ; ou plutôt le souvenir de nos bonnes œuvres nous couvre de honte et nous attire une sentence de condamnation, tandis que le souvenir de nos fautes nous remplit de confiance et nous comble de justice. Qui est-ce qui le dit ? L’exemple du pharisien et du publicain. L’un, qui a confessé ses péchés, s’en est retourné justifié ; l’autre, qui a publié ses bonnes œuvres, s’est retiré moins favorisé que le publicain. Vous voyez combien le souvenir des bonnes œuvres est nuisible, combien le souvenir des péchés est utile. Et cela doit être. Celui qui rappelle ses bonnes œuvres en conçoit de l’orgueil et méprise le reste des hommes : ce qui est arrivé au pharisien. Il n’en serait pas venu à ce point d’arrogance de dire : « Je ne suis pas comme le reste des hommes » ( Lc 18, 11 ), s’il n’eût rappelé ses jeûnes et ses aumônes. Au contraire le souvenir des péchés réprime l’orgueil, apprend à être humble, et par l’humilité, se concilie la bienveillance de Dieu. Ecoutez comment le Christ nous ordonne de livrer à l’oubli nos bonnes œuvres : « Quand vous aurez fait tout cela, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles » ( Lc 17, 10 ). Dites que vous êtes un serviteur inutile, et je ne vous regarderai pas comme inutile ; si vous avouez votre bassesse, je vous comblerai de gloire et je vous couronnerai...

Dès que nous sommes levés, avant de paraître au dehors, de nous occuper d’aucune affaire privée ou publique, nous faisons venir notre serviteur, nous lui demandons compte des dépenses qui ont été faites, afin de savoir ce qui a été dépensé bien ou mal à propos, et quelle somme nous reste. S’il nous reste peu de chose, nous cherchons tous les moyens d’augmenter nos ressources pour ne pas nous trouver exposés à mourir de faim. Nous devons procéder de même pour la conduite de notre vie. Appelons notre conscience, faisons-lui rendre compte des actions, des paroles, des pensées. Examinons ce qui est à notre avantage ou à notre préjudice ; ce que nous avons dit de mal, les propos médisants, bouffons, outrageants, que nous nous sommes permis ; quelle pensée nous a faits jeter des regards trop libres ; quel dessein nous avons exécuté â notre préjudice, soit de la main, soit de la langue, soit même des yeux. Cessons de dépenser mal à propos, et tâchons de mettre des fonds utiles à lu place de dépenses nuisibles, des prières à la place de paroles indiscrètes, le jeûne et l’aumône à la place de regards trop libres. Si nous dépensons mal à propos, sans rien mettre à la place, sans amasser pour le ciel, nous tomberons dans une extrême indigence et nous serons livrés au supplice éternel du feu. C’est le matin que nous nous faisons rendre compte de nos dépenses ; c’est le soir, après notre repas, lorsque nous sommes couchés et que personne ne nous trouble et ne nous inquiète, c’est alors qu’il faut nous demander compte à nous-mêmes de notre conduite, de ce que nous avons fait et dit pendant le jour ; et s : nous trouvons quelque chose de mal, châtions notre conscience, blâmons notre esprit, reprenons notre cœur avec une telle force que le lendemain nous n’osions plus nous précipiter, dans le même abîme de péché, en nous souvenant de l’affliction éprouvée le soir.



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