Discours

La vie des moines.

mardi 24 juillet 2007.
 
6 (Ier sur la paix ), 2. Pour moi tout semblait être des foyers et des monuments de désunion entre les frères : les veilles, les jeûnes, les prières, les larmes, le cal des genoux, le battement des poitrines, les gémissements venant des profondeurs, les stations nocturnes, l’envol de l’esprit vers Dieu, les pleurs légers dans la prière, incitant à la componction ceux qui les entendent, et puis aussi ceux qui psalmodient, ceux qui disent les louanges de Dieu, ceux qui méditent la loi du Seigneur jour et nuit, ceux qui ont dans leur bouche les louanges divines ; et encore ces indices et ces témoignages si beaux d’une vie selon Dieu, ces hérauts silencieux, ces chevelures sales et sordides, ces pieds nus suivant les traces des apôtres, ne portant rien qui soit mort, ces tonsures modestes, cet accoutrement ennemi du faste, cette ceinture élégante par son inélégance même, et qui retient un peu la tunique, sans paraître la retenir, la démarche posée, les yeux qui n’errent pas au hasard, le doux sourire, ou plutôt cette esquisse de sourire qui réprime l’intempérance dans le rire, ce langage réglé par la raison, ce silence plus admirable que le langage, cette louange assaisonnée de sel, non dans un but de flatterie, mais pour inciter au mieux, ces réprimandes plus désirées encore que les louanges, cette juste mesure de sérieux et de détente, ce mélange et cette fusion des deux, cette délicatesse unie à la force, comme cette austérité à la pudeur, en sorte que l’une ne porte pas atteinte à l’autre, mais que les deux se fassent valoir mutuellement ; cette modestie quand on se mêle au public ou qu’on le quitte, qu’il s’agisse d’instruire les autres ou bien de vaquer aux choses de l’Esprit, de garder la solitude dans la vie en commun ou bien de conserver dans l’isolement la bienveillance et la charité fraternelle ; et ce qui est encore plus grand et plus élevé que tout cela, cette richesse dans la pauvreté, cette possession en terre d’exil, cette gloire dans le mépris, cette puissance dans la faiblesse, cette fécondité dans le célibat (car les. enfants selon Dieu l’emportent bien sur ceux qui naissent de la chair), ces délices de n’être pas dans les délices, cette humilité à cause du royaume des cieux, ce fait de n’être rien dans le monde et d’être au-dessus du monde, hors de la chair tout en étant dans la chair, d’avoir le Seigneur pour partage, de se faire mendiants en vue du royaume et de régner parce que mendiants.


Forum