L’amour chez le gnostique

Stromates, 208, II
samedi 4 novembre 2006.
 

6,9,73,3. Mais ils ne savent pas, semble-t-il, ces hommes, le caractère divin de l’amour. Car l’amour n’est plus une tendance de celui qui aime ; c’est une tendre intimité, qui établit le gnostique dans l’unité de la foi, sans qu’il ait encore besoin du temps ni de l’espace.

4. Etabli déjà par l’amour dans les biens qu’il possédera, ayant devancé l’espérance par la gnose, il ne tend vers rien, ayant tout ce vers quoi il pourrait tendre.

5. Il semble donc rester dans l’unique attitude immuable, aimant de façon gnostique, et il n’a pas à désirer d’être rendu semblable à la beauté, car il possède déjà la beauté par l’amour.

6. Quel besoin y a-t-il encore de courage et de désir pour cet homme qui a conquis l’intimité amoureuse avec le Dieu sans passion, et qui s’est inscrit lui-même parmi ses amis par l’amour ?

74, 1. Pour nous, il faut écarter du gnostique parfait toute passion de l’âme. Car la gnose opère l’exercice, l’exercice donne la disposition stable ; et celle-ci aboutit à la suppression des passions (« apathie »), non à la maîtrise des passions ; car la suppression complète du désir produit l’« apathie ».

2. Mais le gnostique ne participe pas non plus à ces biens partout vantés, aux biens passionnels venant des passions : je veux dire par exemple à la joie qui suit le plaisir, à l’abattement qui est joint au chagrin, à la circonspection qui est soumise à la crainte, pas même à l’orgueil, car celui-ci accompagne la colère.

75, 1. Certains pensent que ce ne sont plus là des maux, mais déjà des biens. Mais il est impossible à celui qui est une fois perfectionné par l’amour et qui a goûté pour l’éternité et sans rassasiement la joie sans fin de la contemplation, de se plaire encore à ces biens petits et mesquins.

2. Quelle cause avouable reste-t-il encore de courir de nouveau à ces biens mondains pour celui qui a saisi la lumière inaccessible [cf. i Tim 6, 16], même si ce n’est pas dans le lemps ni dans l’espace, mais par cet amour gnostique par lequel viennent aussi l’héritage et la restauration complète, récompense dont le gnostique s’est emparé d’avance, pour l’avoir choisie et s’être hâté vers elle par l’amour ?

3. Ou bien, en allant vers le Seigneur par l’amour qu’il a pour lui, bien que l’on aperçoive sa tente sur la terre, est-ce qu’il ne sort pas de la vie (car il n’a plus confiance en elle) ? Est-ce qu’il n’a pas délivré son âme des passions (car elles accompagnent la vie) ? Est-ce qu’il ne vit pas en tuant le désir, en n’obéissant plus au corps ? Est-ce qu’il ne lui abandonne pas seulement le soin de l’indispensable, afin de ne pas offrir un prétexte à la dissolution ?



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