Sophia

23/10/2006

vivre

Classé dans: — admin @ 11:48 am

Vouloir et souhait sont enracinés par une nécessité ontologique dans le Dasein comme souci, ils ne se réduisent pas à des vécus ontologiquement indifférents, survenant dans un flux totalement indéterminé en son sens d’être. Et cela ne vaut pas moins de la tendance et du penchant, qui, eux aussi, sont fondés, pour autant qu’ils puissent en général être purement mis en lumière dans le Dasein, dans le souci. Ce qui n’exclut pas que tendance et penchant ne constituent aussi ontologiquement l’étant qui « vit » sans plus. Néanmoins, la constitution ontologique du « vivre » pose un problème propre, qu’il n’est possible de déployer que sur la voie d’une privation réductrice à partir de l’ontologie du Dasein. […] L’impulsion « à vivre » est au contraire une « tendance » qui apporte elle-même avec soi son moteur - une « tendance à n’importe quel prix ». L’impulsion cherche à refouler d’autres possibilités. Ici aussi, l’être-en-avant-de-soi est inauthentique, même si le fait d’être attaqué par l’impulsion vient de celui-là même qu’elle anime. L’impulsion peut courir plus [196] vite que l’affection et la compréhension correspondantes. Mais le Dasein n’est pas alors, n’est jamais « simple impulsion » à laquelle s’ajouteraient parfois d’autres attitudes, comme la maîtrise et la conduite de celle-ci, mais, en tant que modification de l’être-au-monde en sa plénitude, il est toujours déjà souci.

Dans la pure impulsion, le souci n’est pas encore devenu libre, même si c’est lui qui seul rend possible ontologiquement que le Dasein subisse sa propre impulsion. Dans le penchant, au contraire, le souci est toujours déjà lié. Penchant et impulsion sont des possibilités qui s’enracinent dans l’être-jeté du Dasein. Impossible d’anéantir l’impulsion « à vivre », d’extirper le penchant « à se laisser porter » (« vivre ») par le monde. Mais tous deux, parce que et seulement parce qu’ils se fondent ontologiquement dans le souci, peuvent être modifiés ontico-existentiellement par celui-ci en tant qu’authentique. [ET §41]

La vie et la mort

Classé dans: — admin @ 11:46 am

La mort au sens le plus large est un phénomène de la vie. La vie doit être comprise comme un mode d’être auquel appartient un être-au-monde. Elle ne peut être fixée ontologiquement que dans une orientation privative sur le Dasein. Même le Dasein peut se laisser considérer comme une pure vie. Aux yeux de l’approche biologico-physiologique, il sera alors intégré au domaine d’être que nous connaissons comme monde animal et végétal. À l’intérieur de ce champ, il est possible, par voie de constat ontique, de recueillir des données et des statistiques sur la durée de vie des plantes, des animaux et des hommes. Des connexions entre durée de vie, reproduction et croissance peuvent être découvertes, et les « types » de mort - les causes, les « mécanismes » et les guises de son intervention - être soumis à une investigation scientifique [NA : Cf. sur ce point l’ample exposé d’E. KORSCHELT, Lebensdauer, Altern und Tod (NT : Durée de vie, vieillissement et mort), 3ème éd., 1924, et notamment la riche bibliographie des p. 414 sq.].

À cette étude biologico-ontique de la mort, une problématique ontologique est sous-jacente. Il reste à demander comment, à partir de l’essence ontologique de la vie, se détermine [247] celle de la mort. Dans une certaine mesure, l’investigation ontique de la mort a toujours déjà tranché ce point. Des préconceptions plus ou moins clarifiées de la vie et de la mort y sont à l’œuvre. Elles ont besoin d’être pré-dessinées par l’ontologie du Dasein. En outre, à l’intérieur même de cette ontologie du Dasein préordonnée à une ontologie de la vie, l’analytique existentiale de la mort est à son tour subordonnée à une caractérisation de la constitution fondamentale du Dasein. Nous avons nommé le finir de l’être vivant le périr. Or s’il est vrai que le Dasein « a » sa mort physiologique, biologique - non point ontiquement isolée, certes, mais codéterminée par son mode d’être originaire -, qu’il peut même finir sans à proprement parler mourir, et s’il est vrai, d’un autre côté, que le Dasein en tant que tel ne périt jamais simplement, nous caractériserons ce phénomène intermédiaire par le terme de décéder, le verbe mourir étant au contraire réservé à la guise d’être en laquelle le Dasein est pour sa mort. En conséquence de quoi, nous devons dire : le Dasein ne périt jamais, mais il ne peut décéder qu’aussi longtemps qu’il meurt. L’étude biologico-médicale du décéder est en mesure de dégager des résultats qui peuvent également posséder une signification ontologique, à condition du moins que soit assurée l’orientation fondamentale pour une interprétation existentiale de la mort. À moins que nous ne devions concevoir la maladie et la mort - même envisagées médicalement -primairement comme des phénomènes existentiaux ? [ET §49]

La vie prise pour problème

Classé dans: — admin @ 11:45 am

Le discours sur le « cercle » de la compréhension n’est que l’expression d’une double méconnaissance : 1. Méconnaissance que le comprendre constitue lui-même un mode fondamental de l’être du Dasein. 2. Méconnaissance que cet être est constitué comme souci. Nier ce cercle, vouloir le masquer ou même le surmonter, cela signifie consolider définitivement cette méconnaissance. L’effort doit bien plutôt s’appliquer à sauter originairement et totalement dans ce « cercle » afin de s’assurer, dès l’amorçage de l’analyse du Dasein, d’un regard plein sur l’être circulaire du Dasein. En revanche, l’on ne « présuppose » pas trop, mais trop peu pour l’ontologie du Dasein lorsque l’on « part » d’un Moi sans monde, afin de lui procurer par après un objet et une relation ontologiquement [316] dépourvue de fondement à cet objet. Le regard porte trop court lorsque c’est « la vie » qui est prise pour problème, dût la mort, à l’occasion, être elle aussi prise ensuite en considération ; de même que l’objet thématique est découpé de manière artificiellement dogmatique lorsque l’on « commence » par se restreindre à un « sujet théorique » en se réservant ensuite de le compléter « du côté pratique » par une « éthique » surajoutée. [ET §63]

Enchaînement de la vie

Classé dans: — admin @ 11:43 am

Le Dasein n’existe pas en tant que somme des effectivités momentanées de vécus apparaissant et disparaissant les uns après les autres ; pas davantage, du reste, cette succession ne peut-elle remplir progressivement un cadre : car comment celui-ci pourrait-il être sous-la-main là où seul le vécu « actuel » est « effectif » et où les limites du cadre, la naissance et la mort, étant seulement passée ou à venir, sont dépourvues de toute effectivité ? Au fond, même la conception vulgaire de l’« enchaînement de la vie » ne songe point à un cadre tendu « en dehors » et autour du Dasein, mais elle cherche au contraire à le découvrir dans le Dasein lui-même. Cependant, la position ontologique tacite de cet étant comme étant sous-la-main « dans le temps » condamne à l’échec toute tentative de caractériser ontologiquement l’être « entre » naissance et mort. [ET §72]

23/2/2006

La question de la vie

Classé dans: — admin @ 7:11 pm

La question de la « vie » n’a jamais cessé de tenir en haleine les recherches de W. Dilthey, qui s’efforce de comprendre la connexion structurelle et génétique des « vécus » à partir du tout de cette « vie » dont ils forment le tissu. Toutefois, s’il faut attribuer une pertinence philosophique à sa « psychologie comme science de l’esprit », celle-ci ne consiste pas dans son refus de s’orienter sur des éléments et des atomes psychiques et de morceler la vie de l’âme, mais bien plutôt dans le fait que Dilthey, en tout cela et avant tout, était en chemin vers la question de la « vie ». Naturellement, c’est sur ce point également que se manifestent de la manière la plus nette les limites de sa problématique, et de la conceptualité [47] où il était obligé de l’exprimer. Ces limites, tous les courants du « personnalisme » déterminés par Dilthey et Bergson, toutes les tendances en direction d’une anthropologie philosophique les partagent avec eux. Même l’interprétation phénoménologique de la personnalité, pourtant bien plus radicale et clairvoyante, ne parvient pas à atteindre la dimension de la question de l’être du Dasein. Toutes réserves faites sur leurs différences en ce qui concerne le mode de questionnement et d’exécution, ainsi que l’orientation de la conception du monde, les interprétations de la personnalité par Husserl {NA: Les recherches d’E. Husserl sur la personnalité demeurent inédites. L’orientation fondamentale de la problématique se manifeste déjà dans l’essai « La philosophie comme science rigoureuse », paru dans Logos, I, 1910, notamment p. 319. [Cf. la trad. fr. de Q. Lauer, 1955 (N.d.T.)]. Cette recherche se trouve fort avancée dans la seconde partie des Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures (Husserliana, IV) [= trad. E Escoubas, 1982 (N.d.T)], dont la première partie (voir le présent Jahrbuch, t. I, 1913) [= trad. P. Ricoeur, 1950 (N.d.T.)] présente la problématique de la « conscience pure » considérée comme le sol de la recherche de la constitution de toute réalité. La deuxième partie expose le détail des analyses constitutives et traite, en trois sections : 1. la constitution de la nature matérielle, 2. la constitution de la nature animale et 3. la constitution du monde spirituel (marquant l’opposition de l’attitude personnaliste à l’attitude naturaliste). Husserl commence ainsi son exposé : « Dilthey a certes saisi les problèmes déterminants, les orientations du travail à faire, mais il n’est encore parvenu ni aux formulations décisives du problème, ni aux solutions méthodologiquement correctes ». Depuis cette première élaboration, Husserl a encore approfondi ces problèmes, et communiqué dans ses cours de Fribourg certaines parties essentielles de ses recherches. [Rappelons que Ideen II était encore inédit en 1927 — ce que précise d’ailleurs la présente note dans la 1ère édition de S.u.Z. : « La seconde partie, inédite » — et ne verra le jour comme t. IV des Husserliana qu’en 1952, par les soins de M. Biemel. (N.d.T.)]} et Scheler s’accordent négativement en ceci que l’une et l’autre ne posent plus la question de l’« être-personne » lui-même. Nous choisissons comme exemple l’interprétation de Scheler, non seulement parce qu’elle est littérairement accessible {NA: Cf. le présent Jahrbuch, t. I-2 , 1913 et t. II 1916, notamment p. 242 sq. [Heidegger cite ici Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs. Cf. le Handbuch, p. 481-482, et la trad. fr. de M. de Gandillac, 1955 (N.d.T.)] }, mais parce que Scheler accentue expressément l’être-personne en tant que tel et cherche à le déterminer en dissociant l’être spécifique des actes de toute réalité « psychique ». La personne, selon Scheler, ne peut être pensée en aucun cas comme une chose ou une substance, elle « est bien plutôt l’unité immédiatement co-vécue du “vivre” — non pas une chose simplement pensée derrière et hors de ce qui est immédiatement vécu » {NA: Id., t. II, p. 243.}. La personne n’est pas un être substantiel chosique. En outre, l’être de la personne ne peut s’épuiser à être le sujet d’actes rationnels réglés par une certaine légalité. [Être et Temps, §10]

Réalisé avec WordPress