Sophia

26/2/2006

logos

Classé dans: — admin @ 1:39 am

Mais si la « vérité » a ce sens et si le logos est un mode déterminé du faire-voir, alors le logos ne saurait justement pas être considéré comme le « lieu » primaire de la vérité. Lorsque l’on détermine, comme c’est devenu aujourd’hui chose tout à fait courante, la vérité comme ce qui appartient « proprement » au jugement, et que de surcroît on invoque Aristote à l’appui de cette thèse, une telle invocation est tout aussi illégitime que, surtout, le concept grec de la vérité est incompris. Est « vraie » au sens grec, et certes plus originellement que le logos cité, aisthesis, l’accueil pur et simple, sensible de quelque chose. Tandis qu’une aisthesis vise ses idia, c’est-à-dire l’étant qui essentiellement n’est accessible que par elle et pour elle, par exemple le voir des couleurs, alors cet accueil est toujours vrai. Ce qui veut dire que le voir découvre toujours des couleurs, l’entendre toujours des sons. Mais est « vrai » au sens le plus pur et le plus originel — autrement dit découvre sans jamais pouvoir recouvrir — le pur noein, l’accueil purement et simplement considératif des déterminations d’être les plus simples de l’étant comme tel. Ce noein ne peut jamais recouvrir, jamais être faux, il peut tout au plus être non-accueil, agnoein, ne pas suffire à l’accès pur et simple, adéquat.

Ce qui n’a plus la forme d’accomplissement du pur faire-voir, mais recourt à chaque fois, en mettant en lumière, à autre chose et fait voir ainsi quelque chose comme quelque chose, cela recueille, en même temps que cette structure synthétique, la possibilité du recouvrir. Cependant la « vérité judicative » n’est que le pendant de ce recouvrir autrement dit un phénomène de vérité déjà fondé de multiple façon. Réalisme et idéalisme manquent tout aussi radicalement le sens du concept grec de la vérité, concept à partir duquel seulement peut être comprise en général la possibilité de quelque chose comme une « doctrine des idées » à titre de connaissance philosophique.

Et c’est parce que la fonction du logos réside dans le pur et simple faire-voir de quelque chose, dans le faire-accueillir de l’étant, que logos peut signifier raison. Et derechef c’est parce que le logos n’est pas pris seulement dans le sens de legein mais en même temps dans celui de legomenon, du mis en lumière comme tel, lequel n’est rien d’autre que hypokeimenon gisant toujours déjà sous-la-main au fondement de toute advocation et discussion survenant {NT: zugehendes employé absolument : non pas « qui explore l’étant », BW, mais simplement : « qui se produit, qui advient »; cf. le latin accidens, auquel Heidegger pense peut-être.} [à lui], que logos qua legomenon signifie fondement, raison, ratio. Et enfin c’est parce que logos qua legomenon peut aussi vouloir dire : ce qui est advoqué comme quelque chose, ce qui est devenu visible en sa relation à quelque chose, en sa « relativité », que logos reçoit la signification de relation et rapport. Cette interprétation du « discours apophantique » peut suffire pour clarifier la fonction primaire du logos.

Être et Temps (Trad. E. Martineau)

23/2/2006

La question de la vie

Classé dans: — admin @ 7:11 pm

La question de la « vie » n’a jamais cessé de tenir en haleine les recherches de W. Dilthey, qui s’efforce de comprendre la connexion structurelle et génétique des « vécus » à partir du tout de cette « vie » dont ils forment le tissu. Toutefois, s’il faut attribuer une pertinence philosophique à sa « psychologie comme science de l’esprit », celle-ci ne consiste pas dans son refus de s’orienter sur des éléments et des atomes psychiques et de morceler la vie de l’âme, mais bien plutôt dans le fait que Dilthey, en tout cela et avant tout, était en chemin vers la question de la « vie ». Naturellement, c’est sur ce point également que se manifestent de la manière la plus nette les limites de sa problématique, et de la conceptualité [47] où il était obligé de l’exprimer. Ces limites, tous les courants du « personnalisme » déterminés par Dilthey et Bergson, toutes les tendances en direction d’une anthropologie philosophique les partagent avec eux. Même l’interprétation phénoménologique de la personnalité, pourtant bien plus radicale et clairvoyante, ne parvient pas à atteindre la dimension de la question de l’être du Dasein. Toutes réserves faites sur leurs différences en ce qui concerne le mode de questionnement et d’exécution, ainsi que l’orientation de la conception du monde, les interprétations de la personnalité par Husserl {NA: Les recherches d’E. Husserl sur la personnalité demeurent inédites. L’orientation fondamentale de la problématique se manifeste déjà dans l’essai « La philosophie comme science rigoureuse », paru dans Logos, I, 1910, notamment p. 319. [Cf. la trad. fr. de Q. Lauer, 1955 (N.d.T.)]. Cette recherche se trouve fort avancée dans la seconde partie des Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures (Husserliana, IV) [= trad. E Escoubas, 1982 (N.d.T)], dont la première partie (voir le présent Jahrbuch, t. I, 1913) [= trad. P. Ricoeur, 1950 (N.d.T.)] présente la problématique de la « conscience pure » considérée comme le sol de la recherche de la constitution de toute réalité. La deuxième partie expose le détail des analyses constitutives et traite, en trois sections : 1. la constitution de la nature matérielle, 2. la constitution de la nature animale et 3. la constitution du monde spirituel (marquant l’opposition de l’attitude personnaliste à l’attitude naturaliste). Husserl commence ainsi son exposé : « Dilthey a certes saisi les problèmes déterminants, les orientations du travail à faire, mais il n’est encore parvenu ni aux formulations décisives du problème, ni aux solutions méthodologiquement correctes ». Depuis cette première élaboration, Husserl a encore approfondi ces problèmes, et communiqué dans ses cours de Fribourg certaines parties essentielles de ses recherches. [Rappelons que Ideen II était encore inédit en 1927 — ce que précise d’ailleurs la présente note dans la 1ère édition de S.u.Z. : « La seconde partie, inédite » — et ne verra le jour comme t. IV des Husserliana qu’en 1952, par les soins de M. Biemel. (N.d.T.)]} et Scheler s’accordent négativement en ceci que l’une et l’autre ne posent plus la question de l’« être-personne » lui-même. Nous choisissons comme exemple l’interprétation de Scheler, non seulement parce qu’elle est littérairement accessible {NA: Cf. le présent Jahrbuch, t. I-2 , 1913 et t. II 1916, notamment p. 242 sq. [Heidegger cite ici Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs. Cf. le Handbuch, p. 481-482, et la trad. fr. de M. de Gandillac, 1955 (N.d.T.)] }, mais parce que Scheler accentue expressément l’être-personne en tant que tel et cherche à le déterminer en dissociant l’être spécifique des actes de toute réalité « psychique ». La personne, selon Scheler, ne peut être pensée en aucun cas comme une chose ou une substance, elle « est bien plutôt l’unité immédiatement co-vécue du “vivre” — non pas une chose simplement pensée derrière et hors de ce qui est immédiatement vécu » {NA: Id., t. II, p. 243.}. La personne n’est pas un être substantiel chosique. En outre, l’être de la personne ne peut s’épuiser à être le sujet d’actes rationnels réglés par une certaine légalité. [Être et Temps, §10]

22/2/2006

Qu’est-ce que la philosophie?

Classé dans: — admin @ 2:06 pm

Le nom de « philosophie » nous convoque, si nous entendons vraiment le mot et méditons ce que nous avons entendu, à l’histoire qu’est la provenance grecque de la philosophie. Le mot philosophia coïncide pour ainsi dire avec l’acte de naissance de notre propre histoire; nous pouvons aller jusqu’à dire : avec l’acte de naissance de l’époque présente de l’histoire universelle qui se nomme ère atomique. (Heidegger, Martin, “QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE?", in Questions I et II. Paris, Gallimard.)

Réalisé avec WordPress