Sophia

20/11/2008

Bilan parménidien

Classé dans: — admin @ 11:48 pm

« C’est toute la synthèse héraclitéenne qui se trouve niée, dans son fondement même par le poème de Parménide. Parménide s’oppose au : réalisme d’Héraclite et formule une exigence intérieure à la pensée elle-même. Il se penche sur la nécessité interne du jugement et suscite une nouvelle antinomie, alors qu’Heraclite pouvait légitimement croire les avoir toutes surmontées. La dialectique héraclitéenne ne laissait rien en dehors de son cercle, rien sauf le refus de la dialectique elle-même; et Parménide la nie. C’est toute la métaphysique d’Héraclite qui se trouve d’un coup opposée à l’intériorité même de la pensée, saisie d’ailleurs de façon toute formelle encore par les Éléates. Héraclite proclame l’identité de l’être et de la pensée, mais elle n’existe que dans la parfaite soumission au logos qui est cosmique. A son tour, Parménide va proclamer l’identité de l’être et de la pensée, mais il la trouve dans l’intériorité même du jugement. Si la pensée est l’être, rien de ce qui change n’est vraiment, ni n’est vraiment pensable. L’identité, dirions-nous aujourd’hui, cesse d’être dialectique et s’oppose contradictoirement à l’identité dialectique accueillante au relatif et à la négation. » Abel Jeannière, La pensée d’Héraclite d’Éphèse, Aubier, 1959, p. 93-94.

Bilan héraclitéen

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« Heraclite opère la gigantesque synthèse dont rêvaient ses devanciers. Aucune opposition qui ne soit aussi bien respectée que surmontée. L’Unité suprême est chez lui aussi transcendante que l’Apeiron d’Anaximandre, sans être pour autant étrangère à l’intelligence comme le dieu de Xénophane, et elle n’en est pas moins immanente aux êtres de l’expérience que l’eau de Thales ou l’air d’Anaximène. Le mouvement qu’Anaximène utilisait au plan phénoménal pour une explication à la fois mythique et mécanique du monde, devient ici une réalité métaphysique, il est principe au même titre que le feu… Prométhée n’était que le prophète de ce feu qu’Heraclite ramène du ciel. C’est le destin que l’homme ravit définitivement à Zeus. La métaphysique est née.

Elle est née, mais elle reste liée à un réalisme outrancier. La pensée d’Heraclite est tendue vers la chose, tout entière abandonnée à un monde intelligible, diluée, comme le feu lui-même, dans les choses. Il ne faut ni, diminuer Heraclite, ni héraclitiser sur les fragments. Heraclite ne connaît vraiment ni la liberté, ni la personne, ni l’homme, ni le dieu, ni la conscience de soi, ni même le logos dans lequel il enferme l’esprit comme en des langes. Mais sa synthèse comporte deux découvertes de valeur extraordinaire pour l’avenir de la philosophie. Il place le mouvement en dehors du monde sensible et parvient ainsi au véritable sens de l’Un; il connaît la valeur de la négation dans la connaissance, sans encore la distinguer du non-être relatif de la chose.

Abel Jeannière, La pensée d’Héraclite d’Éphèse, Aubier, 1959, p.92-93.
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La Philosophie

Classé dans: — admin @ 11:37 pm

Bonne pour des « jeunes », mais indigne des tâches adultes!…

— « c’est ce que tu reconnaîtras, à condition de t’orienter vers de plus hauts objets, renonçant désormais à la philosophie. La philosophie en effet a certainement, Socrate, son agrément, à condition qu’on s’y applique, avec modération, dans la jeunesse; mais si l’on y passe plus de temps qu’il ne faut, cela est ruineux pour un homme.

Supposons en effet que, füt-il doué d’un excellent naturel, il se soit adonné à la philosophie au-delà même de la jeunesse, forcément le résultat aura été qu’il n’a plus aucune expérience de tout ce dont l’expérience est indispensable quand on veut devenir un homme accompli et bien considéré. C’est un fait que le philosophe perd toute expérience, — des lois qui sont celles de la cité, — du langage dont il faut user dans les conventions, aussi bien privées que publiques, que comportent les relations humaines, — des plaisirs comme des passion des hommes; bref, il perd d’une façon générale toute expérience de la manière de vivre. Aussi lorsqu’il en vient à quelque affaire pratique, d’ordre privé ou d’ordre public, prête-t-il à rire à ses dépens… C’est en effet le cas de -dire avec Euripide : ce en quoi « chacun brille, c’est aussi vers quoi il se hâte, consacrant à cela la plus grande partie de sa journée, et où il peut lui arriver d’être supérieur à lui-même ». Mais l’occupation dans laquelle il ne vaut pas cher, de celle-là il s’éloigne, il la critique injurieusement; tandis qu’il fait l’éloge de l’autre, convaincu que par ces bonnes dispositions de sa part, il fait ainsi son propre éloge.

Le parti le plus correct est, je pense, de participer à l’un comme à l’autre de ces deux genres d’occupation. D’une part, il est beau de participer à la philosophie pour autant qu’on le fait en vue de la culture, et il n’y a rien de déshonorant pour un adolescent à s’occuper de philosophie. Mais si d’un autre côté, quand déjà avancé en âge, on continue à philosopher, cela devient, Socrate, un emploi de son temps qui mérite la risée…

Si en effet c’est chez un jeune, chez un adolescent, que je vois la philosophie, j’en suis charmé, cela me semble bienséant, et j’estime qu’il y a de la liberté dans ce tempérament d’homme, tandis que cette liberté «st, à mon sens, absente du jeune homme qui ne s’occupe pas de philosophie, lequel jamais ne se jugera lui-même capable de s’employer à rien de beau, ni de noble. Mais quand c’est justement un homme d’âge que je vois faire encore de la philosophie et n’avoir pas rompu avec elle, cet homme-là, Socrate, me semble avoir dorénavant besoin de verges. Car, voilà ce que naguère je disais, c’est le fait de cet homme-là, füt-il doué d’un excellent naturel, de finir par ne pas se comporter en homme, de fuir comme il le fait le centre de la cité et ces places sur lesquelles, comme dit le poète, « se font remarquer les hommes »!…

Crois-m’en plutôt, mon cher, mets un terme à tes chicaneries, exerce-toi à la belle musique des actes, exerce-toi à ce qui te donnera le moyen de passer pour un homme de sens, abandonnant à d’autres ces finesses, soit qu’il faille les traiter de bavardages, ou que ce soit des balivernes, dont le fruit est que tu logeras dans une demeure vide; jaloux d’imiter, non pas des gens qui chicanent sur ces riens, mais ceux qui ont moyens d’existence, réputation et une foule d’autres biens. »

Platon, Gorgias, 484 c-486 d.

Florent Gaboriau nous propose aussi lire la réplique de Socrate dans le même dialogue. Apparemment, la modération de son interlocuteur n’est-elle pas la « sagesse » même? une sagesse très courante…

Le sage devant les embarras de la vie corporelle.

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Sa faim de posséder la vérité (et le pressentiment extraordinaire qui en résulte)

« Il se peut bien qu’il existe une sorte de sentier qui nous conduise, si dans la recherche nous accompagne cette pensée : aussi longtemps nous aurons notre corps, aussi longtemps notre âme sera pétrie avec pareille malfaisance, jamais nous ne posséderons comme il faut l’objet que nous désirons; et nous déclarons que c’est la vérité.

Le corps, en effet, occupe de mille façons notre activité à propos de l’obligation de l’entretenir; sans compter que si des maladies surviennent, elles sont des entraves à notre chasse au réel. D’un autre côté voici des amours, des désirs, des craintes, des simulacres de toute sorte, des billevesées sans nombre : de tout cela il nous emplit si bien que, à parler franchement, il ne fait naître en nous la pensée réelle de rien. En effet, guerres, dissensions, batailles, rien d’autre ne nous vaut tout cela que le corps et ses désirs; car c’est à cause de la possession des richesses que se produisent toutes les guerres, et, si nous sommes obligés de posséder des richesses, c’est à cause du corps, esclaves prêts à le servir!

C’est de lui encore que, à cause de tout cela, procède notre paresse à philosopher; mais ce qui est le comble absolument, nous arrive-t-il même d’avoir, de sa part, quelque répit et de nous tourner vers l’examen réfléchi de quelque question, alors tombant à son tour inopinément en plein dans nos recherches, il y produit tumulte et perturbation, nous étourdissant au point de nous rendre incapables d’apercevoir le vrai. Eh bien! c’est au contraire pour nous chose prouvée que, si nous devons jamais avoir une pure connaissance de quoi que ce soit, il faut nous séparer de lui, et avec l’âme en elle-même, contempler les choses en elles-mêmes. C’est à ce moment, semble-t-il, que nous appartiendra ce que nous désirons, ce dont nous déclarons être amoureux : la pensée, c’est-à-dire, tel est le sens de l’argument, quand nous aurons trépassé, mais non quand nous vivons!

S’il n’est pas possible, en effet, de rien connaître de façon pure, avec le concours du corps, de deux choses l’une : ou bien d’aucune manière il ne nous est possible d’acquérir la connaissance, ou bien ce l’est pour nous une fois trépassés; car c’est alors que l’âme existera en elle-même et par elle-même, à part du corps, mais non point auparavant!

En outre, pendant que nous vivons, le moyen, semble-t-il, d’être le plus près de la connaissance, c’est d’avoir le moins possible commerce avec le corps, pas davantage de nous associer à lui à moins de radicale nécessité, pas davantage de nous laisser contaminer par la nature de celui-ci, mais au contraire de nous en purifier, jusqu’au jour où la Divinité en personne nous aura déliés. Ainsi nous voilà purs, séparés de la folie du corps, appelés alors, — c’est probable — à être en société avec des réalités analogues, et c’est par nous tout seuls que nous connaîtrons ce-qui-est-sans-mélange… Voilà, je crois, quelle sorte de langage tiendraient entre’eux nécessairement les amis-du-savoir, au sens droit du terme, quelle serait nécessairement leur croyance. Ne penses-tu pas de même? »

Platon, (Socrate), Phédon, 66-67b.

Les philosophes : Beaux parleurs ?… ou vrais penseurs ?

Classé dans: — admin @ 11:29 pm

— Socrate : La poésie est donc une éloquence publique?

— Calliclès : Évidemment!

— Socrate : Elle serait donc une éloquence publique ressortissant à l’art oratoire; n’est-ce pas une œuvre d’orateurs que les poètes, à ton avis, font dans les théâtres?

— Calliclès : C’est bien mon avis.

— Socrate : Nous avons donc à présent découvert un art oratoire, qui s’adresse à un public susceptible de comprendre, tout ensemble, des enfants, des femmes, des nommes, des esclaves aussi bien que des hommes libres : un art oratoire que nous n’aimons guère, car il est, affirmons-nous, une sorte de flatterie.

— Calliclès : Hé! absolument.

— Socrate : Eh bien! Et cet art oratoire qui s’adresse au peuple d’Athènes et aux autres, à ceux des autres cités, peuples d’hommes libres, que peut-il bien être à nos yeux? Est-ce que, à ton avis, les orateurs parlent dans tous les cas en ayant égard à ce qui vaut le mieux, se proposant comme but de rendre, grâce à leurs discours à eux, les citoyens les meilleurs possible? Ou bien, est-ce que, eux aussi, entreprenant de «-faire plaisir aux citoyens, portés par le souci de leur intérêt personnel à se peu soucier de l’intérêt commun, ils ont avec le peuple les mêmes façons de faire qu’avec des enfants, s’efforçant uniquement de lui faire , plaisir, sans se préoccuper aucunement de savoir si, par cette méthode, ils le rendront en vérité meilleur ou pire? »

— Calliclès : Ce n’est pas une question simple que tu me poses : il y en a, en effet, parmi les orateurs, qui en disant ce qu’ils disent s’inquiètent de leurs concitoyens et il y en a d’autres qui sont tels que tu les peins.

Platon, Gorgias, 502 d.

Ainsi parlait… Calliclès !

Classé dans: — admin @ 11:27 pm

De la Volonté de puissance (Justification sophiste — et nietzschéenne — de la force, considérée comme « nature »…).

— Calliclès : Qu’entends-tu par avoir de l’autorité sur soi-même?

— Socrate : Je n’entends rien de compliqué, mais quelque chose comme cette autorité sur ses propres plaisirs et ses propres passions, qui, aux yeux de la foule, caractérise un homme sage ayant la maîtrise de soi.

— Calliclès : Que tu me plais, Socrate! Ces sages dont tu parles, ce sont les imbéciles!

— Socrate : Comment, en effet, ne serait-ce pas eux? Il n’y aurait personne pour ne pas reconnaître que c’est des imbéciles que je parle!

— Calliclès : Eh oui! personne, Socrate, personne absolument! Car comment serait-on heureux quand on est esclave de qui que ce soit? Mais ce qui selon la nature est beau et juste, c’est ce que j’ai la franchise de te dire à présent : que celui qui veut vivre droitement sa vie doit, d’une part laisser les passions qui sont les siennes être les plus grandes possible, et ne point les mutiler; être capable, d’autre part, de mettre au service de ces passions qui sont aussi grandes que possible, les forces de son énergie et de son intelligence; bref, donner à chaque désir qui pourra lui venir la plénitude des satisfactions.

Mais c’est, je pense, ce qui n’est pas possible à la plupart des hommes. Voilà pourquoi ils blâment les gens de cette trempe. La honte les pousse dissimuler leur propre impuissance. Ils disent donc de la licence que c’est une vilaine chose, réduisant en esclavage, tout ainsi que je le disais précédemment, les hommes qui selon la nature valent davantage, et, impuissants eux-mêmes à procurer à leurs plaisirs un plein assouvissement ils vantent la sage modération et la justice : effet de leur manque de virilité!

… ces beaux dehors et ces conventions humaines qui sont en opposition avec la nature, ce n’est que du verbiage et cela n’a aucune valeur! »

Platon, Gorgias, 491 d - 492 d.

Démythologiser Platon ?

Classé dans: — admin @ 11:18 pm

« Parmi les questions préjudicielles que doit nécessairement résoudre quiconque veut pénétrer un peu avant dans la philosophie de Platon se trouve au premier rang celle de la valeur des mythes. Il est certain que Platon a souvent présenté ses doctrines sous forme poétique ou allégorique. Il s’est complu dans la fiction, et il n’est presque pas de dialogue où l’on ne puisse, en cherchant bien, découvrir des mythes plus ou moins développés. Il semble que ce soit surtout sur les questions essentielles, celles de Dieu, de l’âme, de la vie future, que le philosophe ait pris plaisir à présenter sa pensée sous la forme la plus opposée à sa méthode ordinaire qui est la dialectique. Certains dialogues, tels que le Timée, le plus considérable à la fois par l’étendue et l’importance des questions qu’il traite, puisqu’il s’agit de la formation du monde, de l’origine des dieux et des âmes, paraissent mythiques d’un bout à l’autre. Que faut-il penser de cette intervention perpétuelle de l’imagination dans l’exposé des doctrines platoniciennes? Doit-on rejeter impitoyablement et considérer comme étranger à la philosophie de Platon ce qui est présenté sous forme poétique ou paraît entaché de mythologie? Peut-on, au contraire, admettre que les mythes renferment au moins une part de vérité et que, à certains égards, et dans une mesure qui reste à déterminer, ils font partie intégrante de la philosophie platonicienne?

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Vraies et fausses confidences du Mythe (ou difficulté de son interprétation)

Classé dans: — admin @ 11:11 pm

« Le mythe est un récit qui mêle dans la même représentation imaginative une histoire de dieux, de demi-dieux, de héros et remonte à une sorte de temps primitif, archaïque, à un temps originaire avant le temps; le mythe se rencontre dans toutes les cultures révélant ainsi un état imaginatif, nocturne mais peut-être faussement naïf de la pensée. Mythe exemplaire, ce récit de l’ancienne Egypte qui raconte comment le monde est né, de la larme d’un dieu.

La philosophie contemporaine réhabilite volontiers le mythe. Réaction heureuse contre un positivisme plat qui voyait dans la prolifération des mythes une maladie de jeunesse de l’humanité, la fable évidemment dépourvue de tout sérieux étant aussi négligeable et vaine qu’un rêve d’enfant. On sait de mieux en mieux aujourd’hui que le mythe ne peut être rejeté hors de la pensée; œuvre de l’homme le mythe doit nous éclairer sur l’homme et dans la mesure où la philosophie est de plus en plus une anthropologie, un discours sur l’homme, comme on le voit dans nos phénoménologies et nos existentialismes, elle ne peut pas se passer d’une doctrine du mythe.
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Actualité des Présocratiques

Classé dans: — admin @ 11:05 pm

« Dans la plupart des histoires de la philosophie, les présocratiques font toujours un peu figure de parents pauvres… Beaucoup d’historiens de la philosophie se situent en effet dans des perspectives plus ou moins parapositivistes, cherchant à découvrir dans les débuts de la philosophie occidentale les origines du thème essentiel des philosophies de la connaissance à savoir celui de l’homme qui, par la science, se rend maître et possesseur d’une nature qu’il comprend et qu’il utilise en vue de fins intellectualisées. C’est ainsi que les présocratiques seront donnés comme les lointains fondateurs d’une physique tournant le dos aux récits mythologiques… (ils) nous intéresseraient dans la mesure où ils auraient cherché à définir la notion de quantité, la notion de loi naturelle détachée de la croyance à quelque fatum divin, la notion d’élément permettant au sujet pensant de parvenir à l’objectivité et à l’universalité de la cogitatio (Exemples donnés par l’auteur : Burnet, Robin, Tannery, Brunschwicg).

On peut se demander si une telle façon de lire les présocratiques ne revient pas à faire d’eux bien plutôt nos fils que nos pères; il semble en effet qu’elle veuille trouver un point de départ en fonction de ce que nous sommes devenus, faisant ainsi de ce point de départ une sorte de point d’arrivée; en remontant à la source c’est nous qui devenons la source : nous jugeons de cette première sagesse au nom d’une sagesse qui nous sert de table de valeurs pour chercher des originaux dans des copies dont nous sommes les auteurs.
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Sur la situation précaire (trop purement scolaire) faite aujourd’hui à la Philosophie

Classé dans: — admin @ 10:59 pm

« Dans le monde où nous vivons la philosophie ne survit guère que grâce à la structure de l’Université, à ses programmes et à ses enseignements. Les « philosophes » sont une section spécialisée du personnel enseignant, 3 Stf leurs disciples préparent des examens pour lesquels la philosophie est une matière imposée… Socrate tirait argument contre les sophistes des ressources qu’ils tiraient de leur art : nous n’en sommes plus à reprocher au professeur de tirer sa subsistance de l’enseignement auquel il se consacre. Aussi bien, s’il n’y avait un baccalauréat, une licence et une agrégation de philosophie, il est clair que cet exercice austère perdrait à peu près tous ses fidèles, et serait menacé de disparition radicale. » G. Gusdorf, Vers une métaphysique, CDU, p. 18.
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Métaphysique et Religion (d’après M. Scheler)

Classé dans: — admin @ 10:57 pm

« Comment Max Scheler se représente-t-il son désaccord avec le thomisme? Il essaie au début de son étude (= Vom Ewigen im Menschen) de classer les diverses conceptions que l’on a pu se faire du rapport de la religion et de la philosophie. Il discerne entre autres un « système d’identité partielle » qui est précisément le thomisme : système d’identité en ce sens que l’homme peut ici obtenir par le moyen de la « raison philosophante » un « savoir certain » de vérités religieuses fondamentales, de l’existence de Dieu par exemple : dans cette mesure la religion coïncide avec la métaphysique. Mais cette identité n’est que « partielle », car on affirme aussi que pour pénétrer dans l’essence intime de Dieu il faut accueillir par la foi le contenu, développé dans la théologie positive, de la révélation in Christo. Ajoutons que le « savoir certain » qui représente l’élément d’identité passe pour un savoir médiat, obtenu exclusivement par des raisonnements qui prennent pour base l’existence et la constitution fondamentale du monde.

Scheler rejette cette première conception : non qu’il conteste à la métaphysique la possibilité de démontrer philosophiquement des propositions fondamentales posées comme vraies par la religion naturelle, — encore que selon lui cette démonstration, dissociée de toute intuition religieuse, ne conduise pas jusqu’à Dieu au sens plein du mot, mais il estime que l’affirmation religieuse, même lorsqu’elle porte sur des vérités fondamentales que la philosophie peut établir, n’est pas le terme d’un cheminement « philosophique »; non seulement elle répond en l’homme à un désir différent de celui que la métaphysique tente de satisfaire, mais elle procède d’une attitude et pour ainsi dire d’une méthode particulière : le métaphysicien s’oriente vers le Weltgrund par le moyen d’une .. activité rationnelle spontanée, alors que l’homme, en tant qu’être religieux, est en définitive passif à l’égard d’une « révélation » qui ne s’offre à lui que s’il s’ouvre à son contenu, que s’il est avide de l’ « accueillir ».

M. Dupuy, La philosophie de Max Scheler, PUF, 1959, p. 26-27.

15/11/2008

Citations de Frithjof Schuon

Classé dans: — admin @ 1:52 am

Visitez le site pour lire des citations de différents livres de Schuon, organisés par mot-clé.

Frithjof Schuon

4/11/2008

Duméry: Le conflit Blondel-Phénoménologie sur Dieu

Classé dans: — admin @ 7:47 pm

Pour Blondel, l’esprit doit reconnaître une inévitable Transcendance, il doit faire l’aveu d’un Absolu divin. Or, ni Sartre ni Polin ni Merleau-Ponty ne vont jusque-là. Quelles peuvent être les raisons de leur refus? Il importe d’y être attentif.

Cela tient d’abord à leur méthode phénoménologique : elle entend rester descriptive et se borner à l’immanence. Sortir de la compréhension et passer à l’explication serait trahir la pensée, en lui cherchant des justifications ou des fondements extrinsèques. Philosophie en premières-personne, non en troisième, telle est la consigne. Or, le problème de Dieu semble relever d’une recherche en troisième personne : il est donc discrédité d’emblée. On n’en préjuge point. Simplement, on ne le pose pas, par défaut de garanties.

Mais l’argument de la « première personne » est nettement spécieux. Lorsque Gabriel Marcel ou Nédoncelle parlent de Dieu, ils commencent, eux aussi, par éliminer le savoir en troisième personne. L’affirmation théiste leur semble aux antipodes de la science des objets. Mais ils repèrent aussitôt le dialogue de la première personne avec un Toi prévenant, qui suscite l’invocation elle-même. Et ils suggèrent que ce Toi, qui n’a rien d’extérieur, est à la source du Je. Car le Moi serait incapable de dire Je s’il n’était habité par une présence mystérieuse qui le pénètre de part en part. Ce n’est donc pas forcément tourner le dos à l’intériorité que de dégager ses conditions. C’est seulement comprendre que la mesure de l’intériorité n’est pas contenue en entier dans la part de subjectivité qui nous est échue.

Au reste, il est possible d’établir ce point dans un autre langage que l’existentialisme de Marcel ou le personnalisme de Nédoncelle. C’est ce que fait Blondel, toujours défiant des métaphores psychologiques. Il trouve Dieu par les deux voies gnoséologique et ontologique qui traversent l’action humaine, distinctes et solidaires. En cela d’ailleurs, rien de très original par rapport aux procédés classiques, si ce n’est le sens aigu de la totalité spirituelle qui commande le jeu complexe de la double dialectique. Mais ce qui est plus remarquable, c’est la conviction que le travail ne prend pas fin avec l’argumentation. Jamais Blondel n’entend aboutir à un Dieu-Objet. Et c’est par là qu’il prévient le mieux l’objection liminaire de la phénoménologie athée.

…Or Blondel s’est toujours élevé contre ce double abus. Il reproche à Descartes de donner un coup de chapeau à la Divinité, puis de se tourner, sans plus penser à Dieu, vers l’organisation de la terre. Et il flétrit l’attitude de ceux qui font de Dieu une idole à leur discrétion ou qui y voient le terme de leur effort, au lieu d’y voir le principe de tout effort, de toute recherche. Surtout, il s’efforce de montrer que Dieu n’est ni un solitaire, ni un redoublement stérile, mais un foyer d’être, de lumière et d’amour, à trois sommets. Par là, il rend définitivement vaine l’objection sartrienne de l’impossible coïncidence de l’être et de la réflexion. H. Duméry, ha tentation de faire du bien, Seuil, 1957, p. 256-259.

Gusdorf: Les soi-disant preuves de l’existence de Dieu

Classé dans: — admin @ 7:43 pm

Les systèmes métaphysiques, de Descartes et Spinoza jusqu’à Hegel et Hamelin, peuvent être considérés comme de gigantesques preuves de l’existence de Dieu, chaque vérité dans le développement du système ne ne prenant tout son sens que selon la perspective de la totalité, où elle se replace sous le parrainage de la Raison absolue. Mais les philosophes ont présenté des arguments en forme, le plus souvent repris de la théologie, qui permettent, à leurs yeux, d’établir de toute nécessité l’existence d’un être divin garant de toute réalité. Depuis Aristote, la théodicée a formulé un certain nombre de « preuves », reprises d’âge en âge, et perfectionnées contre des critiques éventuelles; les plus célèbres de ces doctrines sont la preuve par la nécessité d’un premier moteur, par l’impossibilité d’une régression à l’infini de la chaîne des causes, par les causes finales, par l’idée de perfection ou d’infini. La preuve a priori, ou argument ontologique, permettant de déduire l’existence de Dieu de la seule considération de son essence, dont l’idée première revient à saint Anselme, a paru spécialement décisive à Descartes; elle a été revue et corrigée, après lui, par de grands esprits comme Leibnitz et Hegel.
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Gusdorf: La Fonction-Dieu en Philosophie

Classé dans: — admin @ 7:38 pm

La fonction-Dieu demeure donc, en toute philosophie, cette dernière instance qui parachève l’établissement de l’homme dans la totalité, lui fixant son lieu ontologique parmi l’horizon des valeurs…

… Dieu est pour le philosophe le suprême recours, l’être par-delà l’existence, et qui seul peut donner le sens de l’existence, le foyer imaginaire mais réel, de l’autre côté du miroir, où les intentions se recoupent, où les valeurs se réconcilient, fondement injustifiable de tous les fondements, lieu eschatologique d’une espérance sans laquelle la réalité ne serait qu’une fantasmagorie sans raison et sans but.

L’idée même de cette fonction-Dieu paraîtra sans doute scandaleuse, pour les philosophes, en particulier, dont la pensée prend acte de l’inexistence de la divinité, ou se dresse de toute sa révolte pour chasser du domaine humain tout souvenir des représentations théologiques. L’idée de Dieu intervient pourtant comme un horizon nécessaire de la méditation, dès qu’elle s’efforce de situer l’homme dans la totalité. La totalité de l’Objet se dérobe dans les contradictions de l’infini actuel, mais pareillement nous échappe la totalité du Sujet, en laquelle s’affirmerait l’ensemble des puissances de l’esprit et de la volonté, la plus haute réalisation des valeurs réconciliées. Toute philosophie doit situer l’homme, c’est-à-dire marquer sa place dans le Tout. Dès lors chaque penseur en dépit des apparences parfois contradictoires du vocabulaire employé, doit élaborer une théologie, un discours de la totalité actuelle ou refusée, qui fonde les significations humaines sur une référence eschatologique.
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Gusdorf: Sur la Théologie

Classé dans: — admin @ 7:33 pm

La philosophie est l’effort de l’homme pour prendre conscience de la réalité de la manière la plus complète. L’inventaire des possibilités de la réflexion, dans la perspective classique, se répartit entre trois chapitres principaux : l’homme, le monde et Dieu. La doctrine de Dieu forme la première partie, et la plus décisive, de la métaphysique dans son ensemble. Dieu constitue l’horizon le plus large pour l’usage de la pensée, et c’est en fonction de Dieu que les autres réalités se mettent en place.

Ce schéma triparti a fait l’objet de diverses critiques, mais on ne peut pas dire qu’il y ait été définitivement abandonné…
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Stein: Comparaison Husserl-Saint-Thomas (à propos de la « Wesenschau »)

Classé dans: — admin @ 7:24 pm

« C’est sur le terrain de l’analyse objective de l’essence que me semble se situer la communion la plus forte entre Phénoménologie et Thomisme. Le processus de la réduction eidétique, — abstrayant de l’être en fait, et de tout ce qui est accidentel, pour rendre visible l’essence, me semble justifié — d’un point de vue thomiste, — par la distinction d’essence et d’existence en tout être créé. La question de savoir si le processus d’analyse essentielle est le même chez saint Thomas que dans la phénoménologie, exigerait au préalable une large analyse de l’abstraction et de l’intuition. L’intuition phénoménologique n’est pas simplement une contemplation de l’essence « uno intuitu ». Elle comporte une œuvre

Stein: Point de départ de la phénoménologie

Classé dans: — admin @ 7:19 pm

« La phénoménologie de Husserl est une philosophie essentielle, celle de Heidegger, une philosophie existentielle. Le moi philosophant qui est le point de départ, pour découvrir le sens de l’être (den Sinn des Seins), est chez Husserl le « pur moi » (das reine Ich); chez Heidegger, la personne humaine concrète. Peut-être cette recherche d’une philosophie existentielle est-elle à interpréter comme une réaction contre le tendance de Husserl à faire abstraction de (mot à mot « à débrayer ») de l’existence et de tout ce qu’il y a de concret et de personnel. » (« Phénoménologie », Le Saulchoir, Kain, Belgique, éd. du Cerf, P. 104-105)

« La recherche d’un point de départ absolument certain (gewiss) pour la pensée philosophique (das Philosophieren) me paraît motivée psychologiquement et fondée objectivement, par le fait de l’erreur et de l’illusion. Reconnaître une plus grande immédiateté à la sphère immanente, par comparaison avec le monde extérieur, me paraît possible, de la part même de saint Thomas (De Ver., Q. X). Assurément l’attitude naturelle spontanée (natürliche Einstellung) est originellement orientée sur le monde extérieur (pour Husserl comme pour saint Thomas), et c’est seuleinsnt la réflexion qui conduit ensuite à la connaissance des actes. Mais dans cette connaissance réfléchissante, la connaissance et l’objet ne forment, d’une certaine manière, qu’un, et on se rapproche ainsi de la connaissance divine davantage que dans la connaissance des objets externes. » (« Phénoménologie », Le Saulchoir, Kain, Belgique, éd. du Cerf, P. 109-110)

Stein: histoire de la phénoménologie

Classé dans: — admin @ 7:15 pm

« A l’origine, l’intention de Husserl n’allait pas à une métaphysique, mais à une philosophie des sciences (Wissenschaftlehre). Mathématicien, il commence par étudier les fondements des Mathématiques (dans sa « Philosophie der Arithmetik »). Mais là, butant sur les rapports intimes de la mathématique et de la logique, il fut conduit à examiner dans leur principe même l’idée et le rôle de la Logique formelle. Le tome I de ses « Logische Untersuchungen » fit époque, en marquant une rupture complète avec toutes les formes de relativisme sceptique (psychologisme, historicisme, etc.) et en marquant une orientation nouvelle de l’idée de vérité objective. Sa réflexion sur l’idée de Logique conduisit Husserl à cette conviction, que la Logique ne se présente pas à nous comme une science achevée, terminée, mais qu’elle pose une foule de problèmes à résoudre, dont il faudrait traiter après de vastes études de détail. Une série de ces recherches spéciales forme le tome II des « Logische Untersuchungen ». A cet effet, Husserl s’est constitué une méthode de recherche propre, l’analyse objective des essences… Cette orientation dans le sens des entités objectives donna aux contemporains l’impression que la phénoménologie était un renouveau des tendances scolastiques. C’est cette méthode que les premiers disciples de Husserl ont faite leur (Göttingen) : elle se révéla féconde non seulement pour la solution de problèmes logiques, mais pour l’explication (éclaircissement, Klärung) des concepts fondamentaux aux différentes sciences, ainsi que pour le fondement eidétique de la psychologie, des sciences naturelles, des sciences de l’esprit, etc. L’influence de la phénoménologie s’est traduite dans les sciences positives, — psychologie notamment et sciences de l’esprit,—par une révolution (wesentliche Umbildung) dans leur processus.

Or tandis qu’il travaillait à ses « Logische Untersuchungen », Husserl s’était convaincu d’avoir trouvé dans la méthode dont il usait, la méthode universelle pour la constitution d’une philosophie comme science stricte. Exposer cette méthode et en fonder la portée universelle, devait être l’objet des « deen zur einer reine Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie ». La recherche d’un point de départ absolument sûr (sicher) du cheminement philosophique (des Philosophierens) le conduit alors au doute cartésien modifié, à la réduction transcendantale, à la découverte de la conscience transcendantale comme d’un champ aux vastes fouilles. C’est dans les « Ideen » que se fait jour en quelques passages, pour la première fois, le tournant idéaliste. Tournant qui fut une surprise complète pour les élèves de Husserl et provoqua aussitôt la discussion qui se prolonge encore aujourd’hui. Peut-être est-ce justement cette résistance, venue du cercle de ses disciples, qui a poussé Husserl à concentrer ses efforts de plus en plus dans le sens d’un idéalisme à fonder d’une manière contraignante, et à faire de cette question le centre de sa philosophie, alors qu’elle ne l’était nullement à l’origine. » (« Phénoménologie », Le Saulchoir, Kain, Belgique, éd. du Cerf, P. 102)

Stein: Méthode phénoménologique

Classé dans: — admin @ 7:11 pm

« La déduction au sens traditionnel du terme n’est pas ce qui correspond à la méthode phénoménologique. Son processus est au contraire de « décel » (Aufweis) réflexif : d’abord, analyse régressive, qui part du monde tel qu’il nous est donné à nous dans la disposition de nature (in der natürlichen Einstellung); puis les actes et les complexes d’actes que l’on décrit, et dans lesquels le monde des choses se constitue pour la conscience; finalement le fleuve temporel (ou le flux, Zeitfluss) dans lequel les actes mêmes se constituent comme unités de durée. Alors peut commencer une description de la constitution, qui suit le processus inverse : partant de l’ultime décelable, qui est la vie actuelle du Moi transcendantal, on représente progressivement comment, à travers cette vie actuelle se constituent les actes et leurs corrélats objectifs de divers ordres, jusqu’au monde matériel des choses, et éventuellement des réalités d’un degré supérieur » (« Phénoménologie », Le Saulchoir, Kain, Belgique, éd. du Cerf, P. 101)

Berdiaev: Perspectives de la Métaphysique

Classé dans: — admin @ 7:02 pm

« La doctrine marxiste du développement social est aussi conservatrice, aussi soumise à la nécessité, que la doctrine darwiniste du développement biologique. Le marxisme nie le sujet créateur au même titre que le darwinisme. Pour le marxisme aussi, il n’existe que la répartition de la matière sociale, sans accroissement et sans profit. Le marxisme ne connaît pas la personnalité, il ne connaît pas la liberté, et par conséquent il ne connaît pas la création. Il y a dans le marxisme une part de vérité, lorsqu’il !•? parle de l’oppression qui pèse sur le sujet créant, de l’oppression qui pèse ‘Si sur l’homme. Mais son mensonge consiste à se donner comme une métaphysique de l’être. » N. Berdiaev, Le Sens de la création, Desclée, 1955, p. 184.

Lavelle: Perspectives de la Métaphysique

Classé dans: — admin @ 7:01 pm

« Le chemin qui conduit vers la métaphysique est particulièrement difficile. Et il y a peu d’hommes qui acceptent de le gravir. Car il s’agit d’abolir tout ce qui paraît soutenir notre existence, les choses visibles, les images et tous les objets habituels de l’intérêt ou du désir. Ce que nous cherchons à atteindre, c’est un principe intérieur auquel on a toujours-donné le nom d’Acte, qui engendre tout ce que nous pouvons voir, toucher ou sentir, qu’il ne s’agit point de concevoir, mais de mettre en œuvre et, qui par le succès ou par l’échec de notre opération, explique à la fois l’expérience que nous avons sous les yeux et la destinée que nous pouvons nous donner à nous-mêmes.

Il y a toujours chez le philosophe une pudeur secrète. Car il remonte jusqu’aux sources mêmes de tout ce qui est. Or toutes les sources ont un caractère mystérieux et sacré, et le moindre regard suffit à les troubler. C’est qu’il y a dans ces sources à la fois l’intimité d’une volonté divine, que je tremble d’interroger, et l’intimité de ma volonté propre, que je tremble d’engager. L’obscurité, le mysticisme sont souvent des marques de cette pudeur. » L. Lavelle, De l’acte, p. 9-10.

« Les philosophes ont toujours cherché quel est le fait primitif dont tous les autres dépendent. Mais le fait primitif, c’est que je ne peux ni poser l’être indépendamment du moi qui le saisit, ni poser le moi indépendamment de l’être dans lequel il s’inscrit. Le seul terme en présence duquel je me retrouve toujours, le seul fait qui est pour moi premier et indubitable, c’est ma propre insertion dans le monde ». (L. Lavelle, ib., p. 10.)

Gurvitch: Perspectives de la Métaphysique selon Kierkegaard

Classé dans: — admin @ 6:54 pm

« Le terme « existence » introduit par Kierkegaard, ainsi que par la philosophie de l’existence dont il a été le promoteur, ont eu un sens historique très précis d’instruments de lutte contre la dialectique con-structive et le panlogisme hégélien. Nul doute d’autre part n’est possible, quant au fait que l’existence pour Kierkegaard est d’abord celle du Christ, — transcendance incarnée dans l’immanence, Jésus ouvrant la lignée des « existants » qui enseignent par le fait même d’ « exister ». H. Gurvitch

Merleau-Ponty: Perspectives de la Métaphysique

Classé dans: — admin @ 6:47 pm

« Ce que chacun peut dire brièvement, c’est de quelle signification peu à peu le mot de métaphysique s’est chargé pour lui, à quoi il l’oppose, à quelle intention il l’emploie. Un compte rendu de ce genre ne suffit pas à fonder le concept dont il ne donne, pour ainsi dire, que la valeur d’emploi. Il est légitime au moins comme contribution à la sociologie des idées, si la métaphysique latente qu’il découvre dans l’usage du mot est assez répandue.

Or, la métaphysique, réduite par le kantisme au système des principes que la raison emploie dans la constitution de la science ou de l’univers moral, — radicalement contestée dans cette fonction directrice par le positivisme, — n’a pas cessé cependant de mener dans la littérature et dans la poésie comme une vie illégale. Dans les sciences même elle reparaît, non pas pour en limiter le champ ou pour leur opposer des barrières, mais comme l’inventaire délibéré d’un type d’être que le scientisme ignorait et que les sciences ont peu à peu appris à reconnaître. C’est cette métaphysique en acte que nous nous proposons de circonscrire « mieux, et d’abord de faire apparaître à l’horizon des sciences de l’homme. » M. Merleau-Ponty, Sens et non-sens, Nagel, 1948, p. 165-166.

« Les sciences de l’homme dans leur orientation présente, sont métaphysiques ou transnaturelles en ce sens qu’elles nous font redécouvrir, avec la structure et la compréhension des structures, une dimension d’être et un type de connaissance que l’homme oublie dans l’attitude qui lui est naturelle » (id., ib., p. 185).

« Si j’ai compris que vérité et valeur ne peuvent être pour nous que le résultat de nos vérifications ou de nos évaluations, au contact du monde, devant les autres et dans des situations de connaissance et d’action données, alors le monde retrouve son relief, les actes particuliers de vérification et d’évaluation dans lesquels je ressaisis une expérience dispersée reprennent leur importance décisive, il y a de l’irrécusable dans la connaissance et dans l’action, du vrai et du faux, du bien et du mal, justement parce que je ne prétends pas y trouver l’évidence absolue.

lot. La conscience métaphysique et morale meurt au contact de l’absolu parce qu’elle est elle-même, par-delà le monde plat de la conscience habituée ou endormie, la connexion vivante de moi avec moi et de moi avec autrui. La métaphysique n’est pas une construction de concepts par lesquels nous essaierions de rendre moins sensibles nos paradoxes; c’est l’expérience que nous en faisons dans toutes les situations de l’histoire personnelle et collective, — et des actions qui, les assumant, les transforment en raison. C’est une interrogation telle qu’on ne conçoit pas de réponse qui l’annule, mais seulement des actions résolues qui la reportent plus loin. Ce n’est pas une connaissance qui viendrait achever l’édifice des connaissances ; c’est le savoir lucide de ce qui les menace et la conscience aiguë de leur prix. La contingence de tout ce qui existe et de tout ce qui vaut n’est pas une petite vérité, à laquelle il faudrait tant bien que mal faire place dans quelque repli d’un système, c’est la condition d’une vue métaphysique du monde. Une telle métaphysique n’est pas conciliable avec le contenu manifeste de la religion et avec la position d’un penseur absolu du monde » (id., ib., p. 191-192).

Masson-Oursel: « Positivité » de la métaphysique ?

Classé dans: — admin @ 6:44 pm

« La métaphysique s’oppose aux autres sortes de connaissance en tant que zèle pour l’absolu, à l’encontre de la curiosité pour le relatif. Mais, sous prétexte que « dans l’absolu toutes les vaches sont grises », on préjuge trop souvent que le métaphysicien réfléchit dans l’abstrait ou poursuit un rêve nébuleux. L’absolu serait inexprimable et impensable. Pourtant dans une dialectique de la pure raison, qui date, en Europe, du classicisme grec, l’inconditionné régit le conditionné. Ceci déjà nous met en défiance : ne ferait-on pas tort à quelque expérience effective en scindant comme deux pôles l’absolu des métaphysiciens et le relatif de la science?

Sans doute faut-il compter avec les métaphysiciens maladroits et avec les anti-métaphysiciens incompétents; ils suffisent à répandre de la confusion. Prenons-y garde : le principal adversaire de la Métaphysique, Kant, montre sa nécessité dans la réfutation même qu’il en fait. Si le métaphysique apparaît propension naturelle (Naturanlage), contre laquelle il faudrait se défendre, mais qu’on ne saurait extirper, comment s’étonner de ce que le criticisme ait suscité une foison de dogmatismes? D’autre part, le fondateur du positivisme assure : « Tout est relatif, il n’y a que cela d’absolu » (A. Comte, Lettres à d’Eichtal) ; ce qui, quelle que soit la façon dont Comte l’a pris, peut fort bien envelopper, du même coup que la relativité de l’absolu, l’absoluité du relatif. Ainsi, de ces contempteurs de la métaphysique, l’un la reconnaît spontanément inhérente à l’acte de penser; l’autre avoue que le relatif participe de l’absolu.

Nous nous assignons pour tâche de serrer de près ce rapport particulier oü l’en soi et le pour nous ensemble s’affirment. Nous éviterons ainsi de confondre la métaphysique avec la philosophie dont elle est soit une partie soit une modalité… Durhkeim nous apprit jadis qu’une discipline sans objet est vaine : mais nous déterminerons le fait métaphysique. Lévy-Bruhl estimait que la pire condition pour apprendre est de présumer que l’on sait : nous commencerons par l’aveu d’ignorance et enquêterons sur le contenu de la de la métaphysique à travers les principales traditions philosophiques. Nous devons à Bergson cette observation aussi riche que simple : l’essentiel d’une philosophie, son origine même, c’est non pas telle « source », dérivée d’une philosophie antérieure, mais une attitude vitale du philosophe, dans son privé comme face au monde. Nous ferons notre profit de cette indication, et pour le reste, prendrons nos responsabilités, sans nous laisser émouvoir par les dithyrambes et les mépris dont on use à l’égard de la discipline étudiée.

L’impulsion qui suscita les métaphysiques anime la pensée en de bien autres usages, auxquels on ne prête ni sublimité, ni témérité ; souvent on la condamne, on l’exalte, en se méprenant sur ce qu’elle est. L’homme espère ou redoute, bénit ou maudit, avant de connaître. En dépit de nos classiques, il faut savoir que l’absolu ne se cantonne ni dans l’argument ontologique de saint Anselme et de Descartes, ni dans la déduction mathématicienne ou spinoziste. N’en déplaise à l’exubérance romantique, si proche de la « Schwärmerei », le génie ne détient pas le monopole de la création. Et si suspect que paraîtrait à Comte ce langage il y a, nous le montrerons, une positivité du métaphysique. » P. Masson-Oursel, Le fait métaphysique, PUF, 1941, V-VIII.

Kant: Prolégomènes à toute métaphysique future qui puisse se présenter comme science

Classé dans: — admin @ 6:37 pm

« Il y a des gens instruits, pour qui l’histoire de la philosophie ancienne ou moderne tient lieu de philosophie : ce n’est pas pour eux que sont écrits ces Prolégomènes. Il leur faut attendre le moment oü ceux qui s’efforcent de puiser aux sources de la raison, en auront fini avec leur tâche, et ce sera leur tour alors de porter au monde la nouvelle du résultat. Mais par contre à les en croire, rien ne peut être dit, qui ne l’ait déjà été par ailleurs ; et voilà bien en effet un moyen infaillible de prédire le futur quel qu’il soit, — car l’intelligence humaine s’étant échauffée durant des siècles et de plus d’une façon sur d’innombrables objets, on ne manquera pas de trouver un ouvrage ancien qui présente quelque ressemblance avec le nouveau quel qu’il soit.

Mon intention est de convaincre d’une chose tous ceux qui jugent utile de s’occuper de métaphysique : qu’il leur est absolument indispensable d’interrompre provisoirement leur travail, de regarder tout ce qui s’est fait jusqu’ici comme si ce n’était pas advenu (ailes bisher Geschehene als ungeschehen anzusehen), et de soulever avant tout et de prime abord la question suivante : une chose comme la Métaphysique est-elle seulement possible? (ob auch so etwas als Mctaphysik überall nur möglich sei).

Si c’est une science, d’oü vient qu’elle ne puisse obtenir, comme les autres sciences, une approbation générale et durable? Si elle n’en est pas une, d’oü vient qu’elle se gonfle continuellement de cette apparence, et qu’elle tienne l’intelligence humaine en haleine d’espoirs impossibles à éteindre et pourtant jamais comblés? Qu’on doive la convaincre de savoir ou d’ignorance, il faut une bonne fois vérifier la nature de cette prétendue science, car on ne peut en rester plus longtemps sur ce pied-là. Alors que toutes les autres sciences progressent sans cesse, il semble presque ridicule que celle-là — qui veut être la sagesse et dont chacun consulte les oracles, — en soit à tourner sur place continuellement sans avancer d’un pas. Aussi bien ses adeptes ont-ils fort diminué, et l’on ne voit pas que ceux qui se sentent assez fort pour briller en d’autres sciences, veuillent risquer leur réputation dans celle-ci, oü le premier venu, tout ignorant qu’il soit par ailleurs, prétend à un jugement décisif, parce que de fait on n’y dispose pas encore de poids et de mesures assez sürs pour distinguer d’un plat bavardage la profondeur » (trad. Florent Gaboriau). Immanuel Kant, Prolegomena zu einer jeden künftigen Metaphysik, die als Wissenschaft wird auftreten können, Riga, 1783, Vorrede.

1/11/2008

Carra de Vaux: Avicenne

Classé dans: — admin @ 10:08 pm

Avicenne - Carra de Vaux

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre I. — La Théodicée du Coran

Chap. II. — Les Motazélites

Chap. III. — Les Traducteurs

Chap. IV. — Les Philosophes et les Encyclopédistes

Chap. V. — Avicenne. — Sa vie et sa bibliographie

Chap. VI. — La logique d’Avicenne

Chap. VIL — La physique d’Avicenne

Chap. VIII. — La psychologie d’Avicenne

Chap. IX. — La métaphysique d’Avicenne

Chap. X. — La mystique d’Avicenne

Prat: Histoire de l’éclectisme alexandrin, considéré dans sa lutte avec le christianisme

Classé dans: — admin @ 7:20 pm

Histoire de l’éclectisme alexandrin, considéré dans sa lutte avec le christianisme - Jean Marie Prat

TABLE DES LIVRES ET DES CHAPITRES

CONTENUS DANS LE PREMIER VOLUME.

LIVRE PREMIER.

DEPUIS LA NAISSANCE DU CHRISTIANISME JUSQU’A L’ÉTABLISSEMENT DE L’ECOLE DE PLOTIN A ROME, EN 244.

I. État de la philosophie en Egypte, à la naissance du christianisme

II. Jésus-Christ.—Prédication des apôtres.—Mouvements des sectes philosophiques

III. Le gnosticisme enfanté par la philosophie.—Simon—Ménandre—Cérinthe

IV. Le philosophisme organise une attaque générale contre la religion chrétienne

V. Autres gnostiques : Saturnin — Basilide — Carpocrate — Epiphane — Valentin réfutés par saint Irénée

VI. Docteurs chrétiens : Castor - Agrippa — Quadratus — Aristide — Justin

VII. Marc-Aurèle persécute les chrétiens. — Celse écrit contre eux. — Martyre de saint Justin

VIII. Docteurs chrétiens : Tatien — Bardesane — Athénagore — Méliton — Saint Théophile — Hermias

IX. Ecole chrétienne d’Alexandrie : Athénagore — Saint Pantamus — Clément d’Alexandrie

X. Nouvelles tentatives du philosophisme contre la religion chrétienne.—Coterie de Julia Domna.—Docteurs chrétiens : Tertullien — Origène — Héraclas — Ammonius Saccas

LIVRE SECOND.

DEPUIS L’ETABLISSEMENT DE L’ECOLE DE PLOTIN A ROME, EN 244, JUSQU’A LA MORT DE PORPHYRE, VERS L’AN 305.

I. Système théologico-philosophique des éclectiques alexandrins

II. Plotin à Rome. — Olympius à Alexandrie. — Docteurs chrétiens : Saint Denys — Piérius — Anatole — Origène

III. Commencements de Porphyre.—Dernières années de Plotin — Sa mort — Ses qualités

IV. Écrits et doctrines de Plotin

V. Porphyre succède à Plotin.—Son plan d’attaque contre le christianisme. — Son influence sur toute la secte. — Ses écrits

VI. Dioclétien persécute les chrétiens, tandis que le philosophe Hiérocles les outrage dans ses écrits. — Docteurs chrétiens : Lactance — Eusèbe

VII. Mort de Porphyre — Esprit et qualités de ce philosophe

LIVRE TROISIÈME.

DEPUIS LA MORT DE PORPHYRE, VERS L’AN 305, JUSQU’A L’AVÈNEMENT DE JULIEN AU TRÔNE, EN 361.

I. Constantin monte sur le trône. — L’Éclectisme se transforme en société secrète. — Jamblique de Chalcide.

II. Doctrine de Jamblique

III. Eusèbe et Lactance écrivent contre le paganisme philosophique

IV. Des éclectiques accourent à Nicée où ils sont confondus. Sopater va défendre l’Éclectisme à la cour de Constantinople. — Sa mort

V. Les éclectiques, plus surveillés par l’autorité civile, se réfugient dans l’Asie-Mineure, où ils vivent sous la direction d’Aedésius, leur coryphée

VI. Commencements de Julien. — Ce prince va continuer ses études dans l’Asie-Mineure, où il fait connaissance avec les principaux éclectiques

VII. Ces philosophes gagnent Julienj à leur parti

VIII. Hypocrisie de Julien. — Ce prince à Athènes. — État des écoles de cette ville

IX. Julien, créé César, est envoyé dans les Gaules où il prend le titre d’Auguste

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