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20/12/2022

Corbin (CSTC:47-48) – les Événements en Erân-Vêj

CORBIN, Henry. Corps Spirituel et Terre Céleste. De l’Iran mazdéen à l’Iran shî’ite. Paris: Buchet/Chastel, 1979

Aussi bien, quels sont les Événements qui s’accomplissent en Erân-Vêj? Il y a les liturgies mémorables, célébrées par Ohrmazd lui-même, par les êtres célestes, par les héros légendaires. C’est en Erân-Vêj qu’Ohrmazd lui-même célébra des liturgies en l’honneur d’Ardvî Sûrâ Anâhitâ « la Haute, la Souveraine, l’Immaculée », l’Ange-déesse des Eaux célestes, pour lui demander que Zarathoustra s’attache à lui et soit son prophète fidèle (Yashr v, 17 ). C’est à elle également que Zarathoustra demanda la conversion du roi Vîshtâspa (Yasht v, 104). C’est en Erân-Vêj que le beau Yima, « Yima l’éclatant de beauté, le meilleur des mortels », reçut l’ordre de construire l’enclos, le Var, où fut rassemblée l’élite de tous les êtres, les plus beaux, les plus gracieux, pour être préservés de l’hiver mortel déchaîné par les Puissances démoniaques, et pour repeupler un jour le monde transfiguré. Le Var de Yima comprend en effet, à la façon d’une cité, des maisons, des réserves, des remparts. Il a portes et fenêtres luminescentes qui sécrètent d’elles-mêmes la lumière à l’intérieur, car il est illuminé à la fois par des lumières incréées et par des lumières créées. Une fois seulement chaque année, on voit se coucher et se lever les étoiles, la lune et le soleil; c’est pourquoi une année ne semble qu’un jour. Tous les quarante ans, de chaque couple humain naît un autre couple, masculin et féminin. Et peut-être est ainsi suggérée la condition androgyne de ces êtres qui « vivent de la plus belle des vies dans le Var constant de Yima ».
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19/12/2022

Corbin (IP:231-232) – Zarathoustra prophète

Classé dans: — admin @ 8:06 pm

CORBIN, Henry. L’Iran et la philosophie. Paris: Fayard, 1990

Il y a un hadîth — une tradition sainte — qui a cours dans le soufisme iranien. On le trouve dans un contexte référant au temple du Feu comme à une forme et symbole de l’amour divin, subjuguant et exclusif. A cet amour, Zarathoustra (Zoroastre) donna forme visible en lui érigeant l’autel du Feu. Lorsque les armées de l’Islam eurent triomphé de l’Iran, ce mystère fut voilé au monde et se retira dans le secret intime des cœurs. Mais la personne d’une femme en releva l’emblème: la princesse royale Shahrbanou, fille de Yazdegard III (le dernier souverain sassanide), qui devint la mère du IVe Imâm des shî’ites, après son entrée dans la famille des Très-Purs par son mariage avec le Prince des Martyrs, l’imâm Hosayn. C’est pourquoi les propres lèvres du Prophète de l’Islam ont énoncé cet ordre: Ne tenez jamais de propos hostiles ou irrévérencieux contre Zarathoustra, car Zarathoustra fut en Iran le prophète envoyé par le Seigneur d’amour.
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Corbin (TC:146-147) – les Sabéens

Classé dans: — admin @ 7:22 pm

CORBIN, Henry. Temple et contemplation. Paris: Flammarion, 1980

Dans un dialogue qu’institue en son œuvre célèbre l’historien des religions Shahrastânî (XIe-XIIe siècle) l’idéologie sabéenne du Temple va nous apparaître comme une phase essentielle de cette transmutation. C’est elle en effet qui fournit à la méditation la possibilité de passer de la représentation des Temples ou astres (hayâkil) inscrits aux Cieux de l’astronomie et reproduits symboliquement dans l’architecture des Temples terrestres, à la représentation d’un Temple spirituel constitué par la coalescence des âmes qui se substituent aux astres comme réceptacles et icônes des pures substances de Lumière. Car les Sabéens se représentaient les Temples célestes comme gouvernés par des Anges auxquels s’adressait leur culte. Pour que la transmutation s’opère non pas en dégradant ces êtres de Lumière, mais en exhaussant vers eux l’être de l’homme, l’anthropomorphose du Temple s’accompagnera simultanément d’une angélomorphose de l’homme. En ce sens l’angélologie présente une structure fondamentale : elle constitue le lien idéal permettant de penser le passage entre sabéisme et intériorisme ismaélien.
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Corbin (HLSI:31-36) – Récit de l’exil occidental

CORBIN, Henry. L’Homme de lumière dans le soufisme iranien, 2e éd., Éditions « Présence », 1971

Dans l’œuvre considérable de Sohravardî trois passages principalement mettent en scène la Nature Parfaite, non point théoriquement, mais comme figure d’une expérience visionnaire ou comme interlocutrice d’une prière. Le plus explicite est celui du Livre des Entretiens où Sohravardî fait, à n’en pas douter, allusion au texte hermétiste que l’on aura pu lire ici il y a quelques pages ; une forme de lumière apparaît à Hermès ; elle projette ou insuffle en lui les connaissances de gnose. A l’interrogation d’Hermès : « Qui donc es-tu ? ». Elle répond : « Je suis ta Nature Parfaite ». Et c’est ailleurs l’invocation adressée par Hermès à sa Nature Parfaite au milieu des périls éprouvés au cours d’une dramaturgie d’extase, mise en scène allusive d’une épreuve initiatique vécue dans le secret personnel (où Hermès est peut-être alors le pseudonyme de Sohravardî). Or, l’heure aussi bien que le lieu de cet épisode visionnaire font intervenir les symboles du Nord, pour indiquer le passage à un monde qui est au-delà du sensible. Cet épisode est l’illustration la plus frappante du thème que nous analysons ici : la Nature Parfaite, guide de lumière de l’individualité spirituelle à qui elle « ouvre » sa dimension transcendante en lui faisant franchir le seuil… (cf. encore infra 111). La « personne » à qui dans cette extase initiatique s’adresse l’appel, est cette même Nature Parfaite à qui s’adresse le psaume composé par Sohravardî, et qui est peut-être la plus belle prière qui ait jamais été adressée à l’Ange. En ce sens, c’est une liturgie personnelle satisfaisant aux prescriptions qu’Hermès, selon les « Sabéens », avait laissées aux Sages : « Toi, mon seigneur et prince, mon ange sacro-saint, mon précieux être spirituel, Tu es l’Esprit qui m’enfanta et tu es l’Enfant que mon esprit enfante… Toi qui es revêtu de la plus éclatante des Lumières divines… puisses-tu te manifester à moi en la plus belle (ou en la suprême) des épiphanies, me montrer la lumière de ta face éblouissante, être pour moi le médiateur… enlever de mon cœur les ténèbres des voiles… » C’est cette relation syzygique que le spirituel éprouve lorsqu’il atteint au centre, au pôle; celle-là même qui se retrouve dans la mystique de Jalâloddîn Rumî comme dans toute la tradition sohravardienne en Iran, ainsi que nous l’apprend le témoignage de Mîr Dâmâd, le grand maître de théologie à Ispahan au XVIIe siècle, relation telle que comme Maryam, comme Fâtima, l’âme mystique devient la « mère de son père », omm abî-hà. Et c’est ce que veut dire encore ce vers d’Ibn’Arabî : « Je n’ai créé en toi la perception que pour y devenir l’objet de ma perception. »
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Corbin (CETC:46-48) – où eut lieu la prédication zoroastrienne?

Classé dans: — admin @ 2:27 pm

CORBIN, Henry. Corps Spirituel et Terre Céleste. De l’Iran mazdéen à l’Iran shî’ite. Paris: Buchet/Chastel, 1979

Dès lors aussi, nous pouvons dépasser le niveau auquel a été posée une des questions les plus irritantes qui aient tourmenté plusieurs générations d’Orientalistes : où eut lieu la prédication zoroastrienne? Où était Erân Vêj, puisque c’est en Erân Vêj que Zarathoustra eut ses visions et commença sa prédication? La majorité des Orientalistes admet aujourd’hui que le lieu de la prédication de Zarathoustra, telle que nous pouvons l’entendre encore en lisant les Gâthâs, est à situer en Asie centrale, quelque part dans la région du Haut-Oxus, à l’extrémité orientale du monde iranien. En revanche, cette certitude scientifique régnante est en contradiction avec les traditions iraniennes postérieures, celles de l’époque sassanide et post-sassanide, qui situent la naissance et la prédication de Zarathoustra à l’extrémité occidentale du monde iranien, en Azerbaïdjan. On a tenté des solutions de conciliation, tout en voulant se maintenir sur le terrain des faits positifs : Zarathoustra serait né à l’Ouest, mais sa prédication aurait eu lieu à l’Est. Une solution récente s’inspire précisément du système des keshvars : l’histoire sacrée du zoroastrisme primitif se serait passée à l’orient du monde iranien; puis la mission zoroastrienne pénétrant progressivement vers l’ouest du monde iranien, un beau jour l’orientation géographique se serait trouvée tout simplement inversée (le keshvar oriental serait devenu le keshvar occidental). Tout se serait passé comme si le système des keshvars avait pivoté sur un axe central. On a même prononcé le mot de « falsification », parce que les Mages occidentaux auraient ainsi identifié après coup en Azerbaïdjan les lieux saints de l’histoire sacrée (l’Arax, le mont Savalân, la ville sainte de Shîz), sans que cette identification ait la moindre valeur « historique ».
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Corbin (CETC:33-37) – la cosmologie mazdéenne

Classé dans: — admin @ 12:00 pm

CORBIN, Henry. Corps Spirituel et Terre Céleste. De l’Iran mazdéen à l’Iran shî’ite. Paris: Buchet/Chastel, 1979

Il est absolument nécessaire de nous remémorer ici le schéma d’ensemble de la cosmologie mazdéenne, c’est-à-dire le schéma d’ensemble qui articule le plérôme céleste de lumière. On ne peut malheureusement que le rappeler ici à grands traits. La vision mazdéenne partage la totalité pensable en une hauteur infinie de Lumière dans laquelle de toute éternité habite Ohrmazd (avestique Ahura Mazda), le « Seigneur Sagesse » — et un abîme insondable de Ténèbres qui recèle l’Antagoniste, la Contre-puissance de négation, de désintégration et de mort, Ahriman (avestique Angra Mainyu). Entre Puissance de Lumière et Contre-puissance de Ténèbres rien n’est commun : nul compromis de coexistence, mais combat sans merci dont notre Terre, et avec elle toute la Création visible, est le théâtre, jusqu’à la consommation de l’Aiôn, l’apokatastasis ou « rétablissement » qui mettra fin au mélange (gumechishn) par la séparation (vicharishn) rejetant dans leur abîme les Contre-puissances démoniaques.
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Corbin (CETC:39-42) – Xvarnah, Lumière-de-Gloire

CORBIN, Henry. Corps Spirituel et Terre Céleste. De l’Iran mazdéen à l’Iran shî’ite. Paris: Buchet/Chastel, 1979

Maintenant, la tâche sera de rechercher comment et à quelles conditions, lorsque les données de la perception sensible sont portées comme à l’état diaphane par l’imagination active (lorsque le gêtîk est saisi dans son mênôk), se profile précisément la figure de l’Ange. Cette tâche revient à préciser quelle est cette Forme imaginale comme organe par lequel l’Imagination active, en percevant directement les choses, en opère la transmutation; comment il se fait que cette transmutation accomplie, ce soit sa propre Image que les choses réfléchissent à l’âme, et comment alors cette auto-reconnaissance de l’âme instaure une science spirituelle de la Terre et des choses terrestres, telle que ces choses soient connues dans leur Ange, comme le pressentit l’intuition visionnaire de Fechner.
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