Corbin (Ibn Arabi:143-144) – J’étais un Trésor caché…
CORBIN, Henry. L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ’Arabî. Paris: Flammarion, 1958
Il est nécessaire avant tout, de nous remémorer les actes de la cosmogonie éternelle conçue par le génie d’Ibn ’Arabî. Un Etre Divin esseulé en son essence inconditionnée, dont nous ne connaissons qu’une chose : précisément la tristesse de cette solitude primordiale, qui le fait aspirer à se révéler dans des êtres qui le manifestent à lui-même pour autant qu’il se manifeste à eux. C’est cette Révélation que nous percevons ; c’est elle qu’il nous faut méditer pour connaître qui nous sommes. Le leitmotiv énonce non pas la fulguration d’une Omnipotence autarcique, mais une nostalgie foncière : « J’étais un Trésor caché, j’ai aimé à être connu. C’est pourquoi j’ai produit les créatures afin de me connaître en elles. » Cette phase est représentée comme la tristesse des Noms divins s’angoissant dans l’inconnaissance, parce que personne ne les nomme, et c’est cette tristesse que vient détendre cette Spiration divine (tanaffos) qui est Compatissance (Rahma) et existentiation (îjâd), et qui dans le monde du Mystère est Compassion de l’Etre Divin avec et pour soi-même, c’est-à-dire pour ses propres Noms. Ou encore, origine et principe sont une détermination de l’amour, lequel comporte mouvement d’ardent désir (harakat shawqîya) chez celui qui est épris. A cet ardent désir, le Soupir divin apporte sa détente.
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