Corbin (PM:22-23) – les Sages de Dieu, les théosophes
C’est pourquoi les Sages de Dieu, les théosophes, sont dénommés en fonction de leur mode de vision : 1) Il y a celui qui possède l’intellect (dhû’l-’aql, l’homme du ilm al-yaqîn); c’est celui qui voit le créaturel comme étant ce qui est manifesté, apparent, exotérique, et le Divin comme étant ce qui est occulté, caché, ésotérique. Pour celui-là le Divin est le miroir montrant la créature, mais il ne voit pas le miroir, il ne voit que la forme qui s’y manifeste. 2) Il y a celui qui possède la vision (dhû’l ’ayn, l’homme du ‘ayn al-yaqîn). Celui-là, à l’inverse du premier, voit le Divin comme ce qui est manifesté, visible, et le créaturel comme étant ce qui est occulté, caché, non apparent. Alors, pour celui-là, c’est le créaturel qui est le miroir montrant la divinité, mais lui non plus ne voit pas le miroir, il ne voit que la forme qui s’y manifeste. 3) Et puis il y a celui qui possède à la fois l’intellect et la vision (l’homme du haqq al-yaqîn). C’est le hakîm mota’allih, le théosophe mystique, le « hiératique » au sens néoplatonicien du mot. Celui-là voit simultanément la divinité dans la créature, l’Un dans le multiple, et le créaturel dans la divinité, la multiplicité des théophanies dans l’Unitude qui se « théophanise ». Il voit l’identité de l’Acte-être unitif (le 1 x 1 x 1, etc.) dans tous les êtres actualisés en autant de monades ou d’unités. Pas davantage l’unité hénadique, qui monadise toutes les monades et constitue en unités multiples tous les êtres, ne l’aveugle à la multiplicité des formes épiphaniques (mazâhir) dans lesquelles cette Unitude de l’Un primordial s’épiphanise. Ici les deux miroirs se réfléchissent l’un dans l’autre.
Celui-là donc, disciple de Sohravardî et d’Ibn ’Arabî, même s’il n’a jamais lu le Parmenide de Platon et l’interprétation de Proclus, se retrouve au point même où l’enseignement initiatique de Proclus, dévoilant le secret de la théogonie du Parmenide, veut conduire le myste. Je crois que la constatation est d’importance quant au dénouement du paradoxe du monothéisme.
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