Sophia

20/12/2022

Corbin (Ibn Arabi:151-152) – Le Dieu crée dans les croyances

CORBIN, Henry. L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ’Arabî. Paris: Flammarion, 1958

C’est une double Epiphanie (tajalli) initiale qui détend la tristesse de l’Etre Divin, le « Trésor Caché » aspirant à sortir de sa solitude d’inconnaissance : l’une dans le monde du Mystère (’âlam al-ghayb), l’autre, dans le monde du phénomène (’âlam al-shahâdat). La première c’est l’Epiphanie de l’Etre Divin à soi-même et pour soi-même, dans les essences archétypes, les heccéités éternelles de ses Noms qui aspirent à leur Manifestation concrète. Cela, c’est l’Effusion sacrosainte (fayd aqdas) au plan ou à la « Présence des Noms » (Hadrat al-Asmâ’). La seconde, c’est l’Epiphanie dans le monde manifesté, c’est-à-dire dans les êtres qui sont les formes ou les réceptacles épiphaniques (mazâhir) des Noms divins. C’est l’Effusion sainte, « hiératique » et « hiérophanique » (fayd moqaddas) faisant paraître à la Lumière ces formes qui, comme autant de miroirs, reçoivent le reflet de la pure Essence divine dans la mesure de leur capacité respective. Cette double Epiphanie est typifiée dans les Noms divins « le Caché et le Révélé, le Premier et le Dernier », dont Ibn ’Arabî illustrera la vérification expérimentale dans sa pratique théosophique de la Prière.

Mais parler d’une Epiphanie des Noms divins proportionnelle à la capacité des formes qui les reçoivent et qui les réfléchissent à la façon d’un miroir, cela implique des êtres à qui ces formes se montrent comme telles (c’est-à-dire des êtres qui se connaissent eux-mêmes), et dont par conséquent la capacité de vision va, elle aussi, conditionner la proportion d’épiphanie investie dans le monde en eux et par eux. Ici intervient alors cette notion de cœur dont nous verrons plus loin l’importance comme « organe subtil » des visions théophaniques. Il est dit du cœur du gnostique qu’il est compris sous la Compassion divine, c’est-à-dire qu’il est une des choses à laquelle celle-ci confère l’existence, puisque aussi bien Compassion divine (Kahma) est l’équivalent d’existentiation (îjâd). Et cependant, pour vaste que soit cette Compassion qui embrasse toutes choses, le cœur du gnostique est encore plus vaste qu’elle, puisqu’il est dit : « Ni mon Ciel ni ma Terre ne me contiennent, mais le cœur de mon croyant fidèle me contient », cela parce que ce cœur est un miroir où se réfléchit chaque fois à l’échelle du microcosme la « Forme de Dieu » manifestée.

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