Sophia

20/8/2011

La folie est la source de la sagesse

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Extrait de Giorgio Colli — La Naissance de la philosophie

Les origines de la philosophie grecque, et donc de la pensée occidentale tout entière, sont mystérieuses. Selon la tradition érudite, la philosophie naît avec Thalès et Anaximandre: au dix-huitième siècle, on a recherché ses origines les plus lointaines dans des contacts légendaires avec les cultures orientales, avec la pensée égyptienne et la pensée indienne. Rien n’a pu être attesté dans cette direction, et l’on s’est contenté d’établir des analogies et des parallèles. En réalité, l’époque qui correspond aux origines de la philosophie grecque est bien plus proche de nous. Platon appelle «philosophie», amour de la sagesse, sa propre recherche, sa propre activité éducative, liée à une expression écrite, à la forme littéraire du dialogue. Et Platon se tourne avec vénération vers le passé, vers ce monde où les «sages» avaient véritablement vécu. D’autre part, la philosophie postérieure, notre philosophie, n’est autre qu’une continuation, qu’un développement de la forme littéraire introduite par Platon; et pourtant cette dernière surgit comme un phénomène de décadence, puisque «l’amour de la sagesse» est en deçà de la «sagesse». En effet l’amour de la sagesse ne signifiait pas pour Platon une aspiration à quelque chose qui n’avait jamais été atteint, mais plutôt une tendance à récupérer ce qui déjà avait été réalisé et vécu. (more…)

Le miracle selon Wittgenstein

Classé dans: — admin @ 5:18 pm

Extrait de PAOLO VIRNO, “MIRACLE, VIRTUOSITÉ ET DÉJÀ VU

« L’éthique, si elle existe, est surnaturelle », affirme Wittgenstein dans sa Conférence sur l’Éthique, prononcée à Cambridge en 1930. Dans tout ce qui advient au monde et qui peut être décrit par des propositions, nous ne trouvons nulle trace du sens de la vie. Toutefois, il ne fait pas de doute que la recherche d’un tel sens constitue une expérience des plus intense. À tel point que, concernant l’éthique, on pourrait même parler d’expérience surnaturelle. Mais peut-on concevoir une expérience surnaturelle ? N’équivaut-elle pas littéralement à un miracle ? Disons que, dans une certaine mesure, elle lui est équivalente en effet : oui, l’éthique est intimement liée au miracle. Mais à condition, ajoute Wittgenstein, que l’on comprenne ce dernier de façon appropriée, en le soustrayant à l’horizon positiviste dans lequel la tradition religieuse elle-même l’inscrit la plupart du temps. (more…)

LEVINAS FACE AU BEAU

Classé dans: — admin @ 5:03 pm

Extrait de David Gritz, “Levinas face au beau

C’est par le concept de “ressemblance” que Levinas va atteindre la portée ontologique de l’image, portée irréductible donc à l’il y a. Le philosophe réhabilite-t-il l’idée d’image comme copie? Ne définit-on pas en effet une copie par sa ressemblance avec un modèle? Mais une copie qui ressemble à son modèle garde toujours la trace de sa provenance: l’être originel de la chose s’y reflète, fût-ce sur un mode diminué ou dégradé. Ainsi pensée la ressemblance maintient l’initiative de l’artiste: elle en fait le créateur d’une autre chose, d’une chose de réalité ontologique moindre. Or, pour Levinas, il faut au contraire “poser la ressemblance, non pas comme le résultat d’une comparaison entre l’image et l’original, mais comme le mouvement même qui engendre l’image15″. Le mouvement traditionnel censé produire de la ressemblance est donc inversé. L’initiative d’un artiste qui créerait autre chose, à côté des choses qui toujours ont eu une présence, n’est pas retenue ici. Entre la chose et son image, la séparation reste forte et il faut alors penser que c’est du côté de la chose que naît l’image. Levinas écrit: “La réalité ne serait pas seulement ce qu’elle est… mais son double, son ombre, son image". L’être est donc à la fois ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. En d’autres termes la ressemblance précède l’image ! Si dès lors celle-ci entraîne une faillite de la responsabilité humaine, comme Levinas le soutient, il ne semble pas que ce soit l’artiste lui-même, par qui l’image vient vers nous, qui en soit responsable… (more…)

L’IMPORTANCE DU DÉMON…

Classé dans: — admin @ 4:36 pm

Extrait de JOSÉ BERGAMÍN, L’IMPORTANCE DU DÉMON…

L’Univers tout entier – disaient les philosophes grecs – est rempli d’âmes et de démons, c’est-à-dire d’esprits. Car pour qu’il y ait spiritualité, il doit y avoir des esprits, de même que, selon Nietzsche, «pour qu’il y ait divinité, il doit y avoir des dieux». Et pour les Grecs il y avait dans cette divinité, plénitude spirituelle de l’Univers, trois ordres ou trois mondes de nature distincte: celui des dieux, celui des hommes et celui des démons. La différence entre ces mondes était une distance ou une distinction simplement élémentaire: le monde élémentaire de l’homme c’est la terre, celui des dieux le ciel éthéré, celui des démons l’air. Pour nous en tenir à ce que l’on appellera l’interprétation classique du Démon, nous le rencontrons de prime abord en l’air ou dans les airs, peuplant l’atmosphère d’invisibles présences spirituelles. La nature aérienne ou irritée du ou des démons avait pour les Grecs le sens d’une intercession ou d’une médiation divine: les démons étaient des créatures aériennes destinées à transmettre et à transporter des messages entre les hommes et les dieux. Aussi étaient-ils indifféremment bons ou mauvais suivant, disons, le succès de leurs médiations ou transmissions, de leurs négociations célestes, car c’étaient en quelque sorte des agents de change ou d’échange spirituel des hommes avec le ciel. Et par là-même soumis, tel que le rapporte saint Augustin suivant le témoignage d’Apulée, aux mêmes passions humaines; encore que certains, ajoute-t-il, aient cru que c’étaient les hommes qui, de leurs passions et de leurs vices, contaminaient les démons. (Dans le livre apocryphe d’Enoch, on apprend que le péché des anges, celui qui en fit des démons, fut de tomber amoureux des femmes.)

Peuple vs multitude: Hobbes et Spinoza

Classé dans: — admin @ 4:32 pm

Extrait de Paolo Virno, “Grammaire de la multitude

Je considère que le concept de multitude, par opposition à celui, plus familier, de «peuple», est un outil décisif pour toute réflexion sur la sphère publique contemporaine. Il faut avoir à l’esprit que l’alternative entre «peuple» et «multitude» a été au centre des controverses du XVIIe siècle, au plan pratique (fondation des Etats centraux modernes, guerres de religion, etc.) et au plan théorico-philosophique. Ces deux concepts opposés l’un à l’autre, forgés au feu de contrastes très marqués, ont joué un rôle de première importance dans la définition des catégories politico-sociales de la modernité. Ce fut la notion de «peuple» qui l’emporta. «Multitude» est le terme perdant, le concept qui a eu le dessous. Pour décrire les formes de la vie en société et l’esprit public des grands Etats qui venaient de se constituer, on ne parla plus de multitude, mais de peuple. Reste à se demander si aujourd’hui, à la fin d’un cycle long, cette ancienne dispute n’est pas en train de se réouvrir; si aujourd’hui, alors que la théorie politique de la modernité subit une crise radicale, la notion autrefois déboutée ne témoigne pas d’une extraordinaire vitalité, prenant ainsi une revanche retentis.
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Relier la pensée de Leopardi à l’ancienne gnose

Classé dans: — admin @ 4:13 pm

Extrait de Massimo Cacciari, “Platonisme et Gnose - Fragment sur Simone Weil”

Une trame dense de références semble relier la pensée de Leopardi à l’ancienne gnose, comme «inaugurant» un problème destiné à prendre une très grande importance dans la culture contemporaine. (more…)

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