Nous avons rendu à « Jésus » son nom authentique, son nom araméen, Ieschoua, d’abord parce que c’est son nom, et puis pour sortir le lecteur des habitudes, du ronron, des associations affectives et des sucreries attachées au « doux nom de Jésus ». De plus, en araméen, comme en hébreu, le nom propre du rabbi palestinien, comme tous les noms propres en ce temps-là, a un sens, et un sens intentionnel.
Le mot français « Jésus » est la transcription du grec Iêsous, qui est lui-même la transcription de l’hébreu pré-exilique Iehoschoua, plus tard Ieschoua.
Ce nom a en particulier été porté par celui que nos traductions françaises de la Bible appellent " Josué ".
Les traducteurs de la Bible hébraïque en langue grecque, ceux qu’on appelle les Septante, ont adopté la forme hébraïque Ieschoua et ont transcrit en grec Iêsous.
Jusqu’au commencement du IIe siècle après Jésus, le nom Ieschoua était très répandu parmi les Juifs.
A partir du IIe siècle, Ieschoua disparaît comme nom propre.
La forme complète Iehoschoua comporte l’abréviation du tétra¬gramme, YHWH, et une forme verbale qui provient de Iascha, sauver.
Ieschoua signifie donc : Yhwh, c’est le nom propre du Dieu d’Israël - sauve.
Le mot français « Christ » est la transcription du mot grec christos, qui signifie « oint », celui qui a reçu l’onction sainte. Christos vient du verbe chrio qui signifie « oindre ».
Le grec christos traduit l’hébreu maschiach, qui se trouve aussi transcrit en grec par messias.
Maschiach vient du verbe hébreu maschach qui signifie : « oindre ». Le maschiach, c’est celui qui a reçu l’onction faite avec l’huile. Les prêtres étaient " oints " (cf. Lév. 4, 3, 5, 16 ; 6, 5).
Le premier livre de Samuel nous raconte l’onction de Saül puis de David par le prophète Samuel :
I Samuel, 10 : « Alors Samuel prit la fiole d’huile et en versa sur sa tête, puis il le baisa et dit N’est-ce pas Yhwh qui t’a oint comme chef sur son peuple, Israël ? Et c’est toi qui gouverneras le peuple de Yhwh, toi qui le sauveras de la main de ses ennemis d’alentour...
« Or, dès qu’il eut tourné le dos pour s’en aller d’auprès de Samuel, il arriva que Dieu lui changea le coeur... L’esprit de Dieu fondit sur lui et il prophétisa... »
I Samuel, 16, I : « Yhwh dit à Samuel : Jusques à quand t’affligeras-tu à cause de Saül, alors que c’est moi qui l’ai rejeté pour qu’il ne soit plus roi sur Israël ! Emplis ta corne d’huile et va ! Je t’envoie vers Isaï de Bethléem, car je me suis choisi un roi parmi ses fils... Tu oindras pour moi celui que je te dirai. Samuel fit ce qu’avait dit Yhwh. »
I Samuel, 16, II : « Alors Samuel dit à Isaï : Sont-ce là tous les jeunes gens ? Il dit : Il reste encore le plus petit et voilà qu’il et en train de faire paître le petit bétail ! Samuel dit à Isaï : Envoie-le chercher, car nous ne nous mettrons pas à table avant qu’il ne vienne ici. Il envoya donc et le fit venir. Celui-ci était roux, il avait de beaux yeux et bonne apparence. Yhwh dit : lève-toi, oins-le, car c’est lui ! Alors Samuel prit la corne d’huile et il l’oignit au milieu de ses frères, et l’esprit de Yhwh fondit sur David à partir de ce jour et dans la suite. »
On voit par ces textes que l’onction conférée par Samuel au nom de Dieu est un véritable sacrement : sacrement de consécration royale, qui provoque la communication de l’Esprit de Dieu, sacrement du prophétisme.
On appelle « messianisme », l’attente, en Israël, d’un roi " oint " qui viendra sur le trône de David :
Isaïe, II, I : " Un rameau sortira du tronc d’Ise,
un rejeton issu de ses racines fructifiera.
Sur lui reposera l’esprit de Yhwh,
esprit de sagesse et d’intelligence,
esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de crainte de Yhwh...
Il jugera les petits avec justice,
et prononcera selon le droit pour les humbles de la terre,... La justice ceindra ses flancs,
et la fidélité sera la ceinture de ses reins.’
Le loup habitera avec l’agneau,
la panthère reposera avec le chevreau...
On ne fera point de mal et on ne détruira plus sur toute ma montagne sainte ;
le pays sera rempli de la connaissance de Yhwh
comme le fond des mers par les eaux qui le couvrent. "
Nous n’allons pas entreprendre ici un exposé des différentes formes de l’attente messianique en Israël. On se reportera, pour cela, aux ouvrages scientifiques les plus récents .
Comme on le sait, les juifs et les chrétiens se sont disputés depuis les origines chrétiennes jusqu’aujourd’hui pour savoir si le rabbi Ieschoua de Nazareth en Galilée accomplissait ou n’accomplissait pas l’attente messianique.
La discussion était d’autant plus difficile que, comme nous l’avons noté, il n’y avait pas une seule, mais plusieurs formes d’attente messianique.
Une chose semble certaine, c’est que pour l’homme du XXe siècle, sauf s’il appartient à la communauté juive, l’idée même de messie et de messianisme est à peu près dépourvue de toute signification. L’homme du XXe siècle, dans son immense majorité, - qu’il soit américain ou chinois, russe ou allemand, anglais ou français, -ne sait à peu près rien de ce que signifient ces termes.
Lorsque donc on prononce ces mots : Jésus Christ Jésus, le nom propre, est bien entendu reçu comme tel, mais sans qu’on en discerne la signification, qui était patente pour une oreille juive palestinienne au Ier siècle de notre ère. Quant au terme de « Christ », il est purement et simplement hermétiquement fermé pour l’immense majorité de nos contemporains.